La nuit était tombée, les bruits des moteurs se sont diminués, la pollution de l'air était atténuée. Les rues sont vides de personnes si ce n'est les sachets d'eau qui circulaient. La fraîcheur avait gagné la couche des gens, certains vinrent de dormir tout en ronflant, alors que d'autres sont toujours éveillés, insomnie, terrorisée par le cours de leur vie: manque d'argent, problème de couple, inquiétude. Priant cieux pour que leur fruit tombe, mais hélas. Le regard figé vers nul part, personne ne les écoute.
J'étais parmi ce dernier groupe, priant que ma situation change. Je priais que papa se débarrasse de cette vermine qui, petite, mais nous aspergea toute notre volonté de vivre. Mes prières semblèrent ne pas atteindre le ciel.
Il sonnait cinq heures du matin, il y avait des baves sur ma joue et ma main. Le pincement de cette femme m'avait réveillé. Elle était là encore...
- réveilles-toi hey
-oummmm!!!!!
- je dis de te réveiller, vas faire la lessive.J'ai pris le linge, c'était tellement beaucoup que j'essoufflasse. J'avais pensé à ma mère: « mère, tu es où? Pourquoi tu m'as laissé si tôt? Mère je souffre et je ne trouve pas la paix avec cette femme. Aides-moi, aides ta fille si tu m'entends mère. Je n'ai plus de repos, je n'ai plus d'espoir. Mon souffle va bientôt s'arrêter. Mes nuits sont piquantes, mes jours durs entre marcher et arrêter. Tu m'as quitté pour me rendre forte ou me voir crever? Je souffre, je souffre...mère où es-tu? »
Aucune réponse jusqu'à sept heures, j'ai fini. Père était prêt aussi pour le marché. Je ne devrais pas le retarder.
- père donnes moi un instant, j'arrive.
- ma fille reposes toi un peu.
- je ne suis pas fatiguée.Je menais ce genre de vie jusqu'à cinq mois, la grossesse était à terme, Mari a accouché d'une fille également. Mari a eu une fille, une très mignonne fille avec des cheveux roux...
- je pense qu'on va l'appeler Rachida.
- non Sidi, tu ne vas pas choisir le nom de ma fille.
- tu proposes quel nom?
- Ramatou!
- comme tu veux.Pour que le bébé naisse, ait de bons soins, papa était obligé de frapper à des portes, la porte des personnes nanties. Il a eu à faire face à beaucoup de propos: « ne mettez pas au monde au hasard », « pourquoi faire des enfants si vous n'avez pas les moyens? »...
J'aurais aimé que Mari laisse au moins le soin à papa pour choisir le prénom. Il avait aimé cet enfant comme si c'était le sien. Malgré les propos de la société, il avait fait le sourd....
Trois jours après le baptême, nous avions quitté chez ma tante qui trouvait la situation de papa misérable. Elle avait conseillé père mainte fois.
- Sidi, prends soin de toi!
- je le fais ma soeur.
- tu n'as pas l'air Sidi. Tu maigris mon frère.
- c'est le stress du marché.
- Sidi, tu n'as aucune activité, les nouvelles me parviennent ici.Les nouvelles passèrent vite dans les quartiers, des nouvelles qui n'étaient pas bonnes. Partout où on part, c'était mon histoire: « la nouvelle femme d'un aveugle qui maltraite sa fille orpheline, elle lui met des braises sous les pieds ». Des racontars à exagérations.
Tante avait proposé que je revienne mais père avait refusé.
- c'est mieux qu'elle reste avec moi. J'aurai moins d'inquiétude.
- on est pareil mon frère. Tu es l'ainé et je ne vais pas te contredire.On était parti au marché dans la matinée, l'astre du jour peine à se lever, le marché se remplit petit à petit par des gens à pieds, certains à moto et d'autres en voitures. Le bon parfum qui les embaume au petit matin n'est pas le même au soir, trahi par la sueur du labeur. Chacun hommes et femmes, jeunes et vieux cherchant quoi mettre sous la dent.
Des petits filous attrapés par les commerçants avaient essayé de dérober les marchandises du commerçant. Les petits bandits au niveau de la plage ou qui vivent dans les ghettos venaient également au marché: soir après la fermeture ou tôt à l'ouverture: à ces instants le marché devint moins animé et il pouvait dérober facilement...
Un des deux avait été arrêté par un commerçant au ceinturon et nous étions arrêtés entrain de suivre la scène par faute de passage.
-Est ce que c'est pour toi la marchandise que tu as pris? Questionna le commerçant.
- je n'ai pris aucune marchandise, laissez moi sinon j'appellerais les siens.
Des coups de bâtons partout sur son corps dessinant la peau d'un zèbre: son corps et le sang.
On avait ensuite continué notre bout de chemin jusqu'au soir. On était parti à un baptême auquel papa était convié, on nous avait donné quelques viandes et des boissons. On avait ensuite marché pour la maison.
J'avais eu une rude journée et penser à cette sorcière de femme m'épuisais encore plus. On était rentré, je la trouvais pas. J'étais tellement contente. J'entendais des cris, c'était le bébé qui pleurait, elle était toute mignonne. Je l'ai prise dans mes bras entrain de la chouchouter.
- tu fais quoi avec ma fille espèce de petite sorcière.
- elle pleurait.
- non, je t'ai vu lui serrer le nez.
- non ! C'est faux.
- tu oses dire que je mens. Viens ici...Encore des battements, j'étais battu plus que ce petit voleur.
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Au bout des épreuves
ActionEngendrée par un aveugle, le regard de la société. Ma vie est devenue un carrefour de malheur...