• Chapitre 32 •

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Quand nous sommes arrivés au manoir, Felix a filé dans son bureau. Il est en colère. C'est vrai. J'ose lui donner des leçons alors que je ne fais pas mieux avec mes parents. Depuis que j'ai emménagé à Miatory, je ne leur ai passé que deux coups de fil. Alors je suis très mal placée pour lui dire ce qu'il devrait faire. Ma raison me dicte de lui laisser du temps seul pour se calmer. Toutefois, je ne peux pas négliger mon travail.

Et puis, c'est une excuse plutôt crédible pour rester avec quelqu'un, autre que les domestiques. Ils doivent être ennuyés de me voir dans leurs pattes. Je suis déjà une plaie pour mon patient. Alors ils ne devaient pas s'attendre à ce qu'une jeune femme veuille passer ses heures libres avec eux. 

De toute manière, je comptais lui parler depuis l'épisode déconcertant dans les caves. Avec le dîner chez les Lee, je n'ai pas trouvé un moment pour discuter sérieusement avec lui. Je dois mettre les choses au clair et la seule manière de le faire est d'entrer dans cette pièce où il doit sûrement s'atteler à son travail. Je toque trois coups. Bien sûr ! Le silence m'accueille. Alors je prends l'initiative de pénétrer les lieux où le jeune entrepreneur tape sur le clavier de son ordinateur.

Après le nombre de fois où je suis restée ici, j'ai presque adopté son bureau et je m'installe directement sur le canapé. Les tableaux de son ami sont toujours présents et je pourrais les décrire du bout des doigts à force de les avoir observés. Je jette alors mon dévolu sur Felix qui a les sourcils froncés par le travail.

Je suis peinée. Le petit garçon sur les photos semblait plus heureux que l'homme assis sur la chaise du grand patron d'une entreprise florissante. Je me doute que son trouble a fortement affecté sa vie. Beaucoup de choses ont dû changer et revenir au lui d'avant ne doit pas être facile. Moi aussi, je suis devenue quelqu'un d'autre. Cependant, la jeune fille que j'étais, ne reviendra plus. Les parents de Felix doivent comprendre que leur fils n'est plus le même qu'il y a plusieurs années et qu'ils le font souffrir à espérer revoir l'enfant qu'ils connaissaient.

— Je m'excuse. Je n'aurais pas dû remettre en question ta relation avec les Lee.

Ses doigts s'arrêtent un instant mais il ne daigne pas lâcher un mot. Il est occupé, concentré sur son écran qui éclaire son visage sérieux. Mais je sais qu'il ne s'arrêtera pas avant que le soleil se couche et je ne veux pas rater le dîner du soir parce que monsieur a besoin de se changer les idées avec le boulot. Il est en colère. Je le conçois mais quand une personne s'excuse, il pourrait au moins répondre.

Lassée de rester sur place, je me promène dans la pièce, longeant les quelques meubles présents. Je l'entends souffler bien qu'il semblait vouloir le cacher. Ça le dérange. Lui, qui est d'habitude si imperturbable.

— Es-tu occupé ?

Il ne répond pas. Qu'importe ! Je n'ai rien d'autre à faire que d'arpenter les lieux à la recherche d'un objet qui nourrirait ma curiosité et mon ennui flagrant. Je ne comprends même pas le but de mon rôle dans cette maison si cet homme passe sa vie à travailler. Il ne pourrait même pas avoir l'idée de sortir s'amuser à moins que ses amis l'y obligent. Chris avait réussi à attirer l'ours hors de sa grotte. Ce dernier avait prétexté une affaire urgente. Le menteur...

— As-tu pu régler le problème, hier soir ?

Ses yeux se lèvent durant une microseconde puis il m'ignore de nouveau. Mais il a commencé à taper de plus en plus vite comme s'il voulait échapper à mes questions.

— Le majordome m'avait prévenue que tu serais de retour vers minuit. Ça devait être important...

Il n'est pas du tout intéressé par ce que je dis. Sa méthode doit marcher. Ennuyée par son comportement, je m'arrête devant une étagère où quelques trophées de taekwondo reposent dans des prisons de verre soigneusement nettoyées. Avant qu'il ne m'invite dans son antre, je ne savais pas qu'il avait fait de la compétition et qu'il faisait du sport. À vrai dire, ce n'est pas difficile de deviner que Felix entretient son corps. Bien qu'il soit très élancé, mon œil de lynx ne peut pas négliger la courbe de ses muscles sous ses t-shirts aux longues manches ou ses pulls à col roulé qui épousent à merveille sa fine silhouette.

— As-tu un frère ?

Je suis directe mais je ne veux plus tourner autour du pot. Il y a un homme dans ce manoir qui ressemble à mon patient et il est impossible qu'il soit la même personne. C'est la seule explication plausible que j'ai trouvée. Ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau sauf qu'ils ont chacun une aura différente : l'un est froid mais une douceur colore son être, l'autre semble vicieux et dangereux. Felix n'était pas présent quand il m'a embrassé. Comment aurait-il pu ?

— Je n'en ai pas.

Ma main s'est collée sur la couverture de cuir de l'un des dix bouquins de sa collection. La matière a tenu malgré le temps qui a gratté leurs bords. Je n'ose pas croiser son regard. Je sais que c'est un mensonge.

— J'ai l'impression que tu me mens.

— Je ne vois pas l'intérêt de mentir sur ma famille alors que je t'ai justement invité chez mes parents.

J'ai beau me voiler la face, il a raison. Il n'y avait qu'un petit garçon sur les cadres des photos familiales. Felix n'a pas de frère. Le docteur Harris m'a donné son dossier médical. Il n'y a aucune mention d'un autre enfant. C'est impossible...

— Pourquoi ce serait impossible ? déclare-t-il avant d'arracher le livre que je feuilletais en main.

Perdue dans mes réflexions, je n'ai pas remarqué qu'il s'était levé. Il pivote vivement vers moi. Son parfum m'envahit comme une traînée de poudre.

— Tu as quand même le culot d'être curieuse après que je t'ai bien fait comprendre que tu devrais t'occuper de tes affaires.

Il commence sérieusement à m'énerver. J'ai peut-être choisi de surveiller son état parce que je trouvais ce métier intéressant mais il doit comprendre que je ne suis pas là pour jouer. S'il prenait la peine de faire attention à ses parents, ils ne s'inquiéteraient pas pour lui et je ne me serais pas proposée pour être les chaperons d'un homme de vingt-sept ans.

— Je suis membre du personnel de la clinique. Excuse-moi de faire mon travail !

Ma voix s'est élevée plus haut que je l'aurais voulu.

— J'ignorais que toucher les cheveux de son patient était dans tes tâches quotidiennes, à moins que tu aies une vocation subite pour devenir coiffeuse.

Son ton est devenu plus accusateur. Je n'ai rien à dire parce que je sais que je suis en tort. Mais l'accumulation de mes questions, de mon angoisse et de l'atmosphère étouffante de cet endroit ne parviennent pas à rester dans le coffre que je tente de fermer dans mon esprit.

— Je n'aurais pas touché tes cheveux si tu étais honnête avec moi et que tu me disais qui est l'homme que tu caches au sous-sol !

Quand son front se plisse, ma main se plaque contre mes lèvres mais il est trop tard pour ravaler les mots qui ont traversé ma bouche. Oh la boulette...






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Bonsoir !

Nous sommes le 9 janvier 2023 ! J'espère que vous avez passé un bon nouvel an. Personnellement, je l'ai commencé en criant « 143 ! » 😂

Honnêtement, je voulais pour une fois poster le chapitre un dimanche, le 8. Devinez pourquoi... Mais je ne l'avais pas terminé et je devais réviser pour mon examen d'aujourd'hui. D'ailleurs, après ça, je me suis remise au travail et je me suis endormie une heure devant mon ordinateur 😴

Je raconte trop ma vie... Enfin, nous retrouvons Erika et Felix. Après leur sortie, la tension n'était pas encore descendue et arriva ce qu'il devait arriver. Je me demande ce que Felix va répondre !

(Il faut savoir que j'ai tout le scénario en tête et dans mes notes, mais la conversation me vient souvent au feeling. Donc, j'ai plus au moins l'idée mais elle n'est pas encore écrite. Cette technique d'écriture n'est pas à conseiller mais je fonctionne comme ça 😂)

Aussi, j'ai remarqué qu'une vingtaine de lecteurs suivent l'histoire ! J'ai l'impression de guider un petit groupe dans mon univers. Je me sens toute heureuse. Faites pas attention...

J'espère que cela vous a plu et que vous continuerez à lire ! Merci de votre attention !

L'ombre de FelixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant