• Chapitre 14 •

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Mes émotions n'ont pas de répit. Une minute après cet appel, Felix entre en trombe dans le bureau, au point que la porte claque lorsqu'elle se referme. Je pourrai jurer avoir vu les murs trembler. Son regard plonge dans le mien et comme si mes actions se voyaient sur mon front, je me sens nue face à lui. Il ne peut pas savoir. Y aurait-il des caméras de surveillance ? Qu'est-ce que je raconte !? Il n'en mettrait pas ici.

Un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Après cet appel culpabilisant, je suis très déroutée devant son expression plus espiègle que la normale. Est-ce qu'il lit dans mes pensées ? Et s'il savait déjà ? Je suis en train de paniquer pour avoir répondu au téléphone.

— As-tu faim ?

Toute la tension grandissante s'écrase violemment contre un mur. Je ne m'attendais pas à cette question. Plus qu'hébétée, je n'arrive qu'à formuler un mot :
     — Quoi ?

— J'ai envie d'aller au resto !

— Maintenant ? je balbutie sans le vouloir.

Il ouvre la porte pour réponse. Perplexe, je le fixe avec des gros yeux perdus. Toutefois, il attend me poussant à me lever et à le suivre. J'ignore pourquoi il réagit soudainement ainsi, mais je suis curieuse de savoir où cela va me mener. Qu'est-ce qui a bien pu se passer quand il est parti ?

À moins qu'il ait reçu une bonne nouvelle et voudrait trinquer pour sa victoire, je ne vois pas la raison de son invitation. Il aime la solitude, de ce que j'en ai déduit de mon séjour chez lui. Et puis, il ne veut peut-être pas montrer son côté fier auprès de ses collègues de travail. Suis-je aussi insignifiante que ça ?

— La prochaine fois, mets une veste plus chaude, conseille-t-il alors que nous attendons le chauffeur sur le trottoir.

Il ne fait pas particulièrement froid. Toutefois, je dois avouer que le temps est devenu plus frisquet qu'au matin. J'ai opté pour un blazer étant donné que nous passions à l'entreprise pour seulement quelques heures. Depuis ma sortie avec Seungmin, Felix est devenu plus attentif aux détails me concernant. Je me demande même pourquoi il est devenu sympathique à la limite du « gentil », maintenant que je veux m'en aller.

Mais de toute manière, il ne doit avoir aucune idée que le docteur Harris me cherche un remplaçant. Il faudrait que je l'informe. Pas tout de suite... L'ambiance risque de devenir gênante. Et peut-être que notre « sympathie » mutuelle se ternirait. Au fond de moi, je ne souhaite pas terminer notre dernier échange dans la tension et dans l'animosité.

Pourquoi faut-il que je m'invente des histoires dans la tête ? Je m'imaginais encore des choses. En apercevant l'enseigne Poudre de Soleil, je comprends rapidement que c'est pour le boulot. Felix ne m'a pas invité dans son restaurant pour dîner ensemble. Non... Il vient juste inspecter son entreprise secondaire. Je m'en veux tellement d'avoir pensé une seule seconde qu'il pouvait avoir un peu d'intérêt derrière.

Nous entrons dans l'établissement sans tarder. Les employés reconnaissent très vite leur supérieur alors qu'ils lui laissent le passage vers les cuisines. Il doit être venu plusieurs fois s'ils savent directement son identité dès son arrivée dans les lieux. Je suis curieuse de voir comment les choses marchent ici. Mais je manque de foncer sur lui lorsqu'il se retourne abruptement.

— Pourrais-tu nous prendre une table ? J'arrive tout de suite.

Secret gastronomique ? Je comprends, bien que je ressens un pincement. J'acquiesce tout de même et cherche deux places vides. Une serveuse me propose le coin au fond, près d'une baie vitrée en laissant la chaise face aux autres pour leur patron, me laissant le siège contre le mur.

L'ombre de FelixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant