• Chapitre 48 •

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La nuit a été longue. Je suis extrêmement fatiguée. Il est déjà quatorze heures alors que je viens tout juste de sortir du lit. Le décalage horaire est d'autant plus difficile après ce court voyage et ces dizaines de kilomètres de vols aller-retours. Dès que je suis arrivée à l'aéroport, j'ai attrapé le premier taxi et je suis rentrée chez moi, dans mon appartement sans un mot à Felix. Il m'a appelé. Une fois, puis, il n'a plus essayé de me contacter. En tant qu'employée de la clinique, je ne suis pas du tout professionnelle. Mais je dois réfléchir. Comment puis-je retourner au manoir en toute sécurité ? Qui est Felix ? Est-il celui que je crois ou m'a-t-il trompé sur ce qu'il est depuis tout ce temps ? Je ne peux pas me tourner les pouces à attendre que la réponse me tombe dans la bouche ou me mettre en danger sans être averti sur ce que je vais me confronter.

Pour cette raison, le regard déterminé, je traverse les portes de la clinique. Les couloirs sont bruyants. Une subtile odeur de désinfectant monte dans mon nez alors que je suis le chemin habituel pour me rendre dans son bureau. Quelques collègues de travail me saluent dans un sourire ou un hochement de tête. Certains s'approchent dans ma direction, mais je suis tellement pressée qu'ils saisissent rapidement l'inutilité de venir me parler. Aujourd'hui n'est pas une occasion pour voir des proches, mais de chercher des réponses ou juste comprendre.

J'empresse la poignée au même moment où la porte s'ouvre à la volée. Il manquait plus que je ne me fracasse le visage contre le métal froid. Je m'excuse tandis qu'un homme me dévisage comme s'il avait vu un insecte. L'idiot... Les maladresses arrivent à tout le monde. Dans un regard dédaigneux, il part puis j'en profite pour me faufiler dans le bureau. Le docteur Harris fronce ses sourcils sur des lunettes d'un rouge pétant.

— Erika, quelle surprise ? Je ne m'attendais pas à te voir ici.

— Pourquoi l'avoir diagnostiqué d'un trouble de la personnalité multiple ?

J'ai posé cartes sur table. Son regard est perçant. Elle retire ses lunettes et les dépose sur le coin d'un cahier de notes. J'ignorais qu'elle en avait besoin. Cela ne doit pas faire longtemps qu'elle les porte, car, lorsque je travaillais à ses côtés, elle n'en avait jamais eu recours.

— Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

Soit elle est vraiment ignorante, soit elle tente de me cacher quelque chose. Alors je m'assois sur une chaise en face de son bureau. Elle a ajouté quelques plantes depuis la dernière fois. D'ailleurs, ses cheveux sont plus courts. Le temps passe sans que je ne le voie défiler. Je me demande si elle sort avec quelqu'un. Mais sa vie privée n'est pas le sujet de mes tourments.

— J'aimerais savoir ce qui vous a poussé à le diagnostiquer d'un trouble de la personnalité multiple. Les symptômes, le comportement... Qu'est-ce qui vous a dit qu'il était atteint de ce trouble ?

Elle tourne son stylo entre ses doigts sans pour autant lâcher mon regard. Cependant, lorsqu'elle hume ses lèvres, je comprends qu'elle est mal à l'aise.

— Docteur Harris, je ne suis pas une experte comme vous. Mais je ne suis pas sûre qu'il soit réellement guéri.

Tout d'un coup, elle se redresse de sa chaise puis elle me tourne le dos. Elle ouvre un tiroir où une bouteille de vin traîne dans le fond. D'un signe du menton, la psychiatre me désigne un verre. Je refuse. Elle s'assit puis s'en verse une coupe.

— Il est arrivé très jeune. Felix était l'un de mes premiers patients alors que cela faisait une année que j'avais commencé à travailler en tant qu'employée dans la clinique de Miatory. Ses parents étaient inquiets à son sujet. J'ai alors décidé d'avoir quelques consultations pour cerner le personnage.

L'ombre de FelixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant