Chapitre 15: Enterrement à cœur ouvert (Sandra, ses amis et Tom et Nicolas)

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Point de vue de Sandra

Je n'en peux plus. Je ne peux plus. Mon meilleur ami est mort dans des conditions atroces. Il est décédé dans une forêt froide, dans la pénombre totale, dans la panique la plus grande, dans le silence le plus grand. Il ne méritait pas ça. Personne ne méritait ça. Mais surtout pas toi, Will, mon pote, mon ami, mon frère, mon tout. Tu es mort parce que tu as décidé de sortir un soir pour faire un tour, pour te changer les idées, pour t'aérer, pour observer les paysages. Tu es mort sans raisons. Tu es mort seul, gelé, nu, humilié. Mais malgré que tu sois mort, tu seras toujours dans mon esprit et dans mon cœur, je sens déjà ta présence près de moi, tu veilles sur moi, sur nous, Andrew, Mathieu et Lizzie. Tu es tout près de nous. Je suis sûr que tu es bien au paradis parmi les anges, ils veillent sur toi. Je te souhaite de reposer en paix pendant que nous essayons de coincer le monstre qui t'a fait ça. Le monstre qui ne va pas tarder à passer un quart d'heure.

Je n'ai jamais assisté à un enterrement. Jamais de ma vie. Pourtant j'ai déjà perdu mes grands-parents mais mes parents n'ont jamais voulu m'emmener avec eux. Maintenant, je comprends. Il voulait me protéger, m'éviter ce calvaire, ce fardeau trop gros. Mais aujourd'hui, je suis obligée d'y aller. Je suis obligée. Tu étais mon meilleur ami, Will, et je compte bien te le rendre. En te rendant hommage en affrontant cette terrible épreuve. De toute façon, tu n'aurais pas aimé qu'on soit malheureux. Mais je ne peux faire autrement, je pleure depuis que je sais. Que je sais que tu n'es plus parmi nous. Et que tu ne le seras plus jamais. Qu'on ne se reverra plus jamais. Je pleure alors que j'enfile ma robe noire et que j'attache mes cheveux en chignon, je veux être présentable pour te rendre hommage et honorer ta mémoire, mon ami.

C'est parti. C'est aujourd'hui. Je vais enterrer mon meilleur ami au cimetière du village. Parmi les autres morts. Mes parents m'accompagnent. Pour une fois, mon père est là. En fait, je m'en fous. Qu'importe que je sois seule ou non, je veux être présente. Je serre les poings. J'avance dans le village, pas à pas, la boule au ventre, le cœur essoufflé. J'ai peur. Je ne sais pas pourquoi mais je flippe. J'ai terriblement peur. Comment ça va se passer ? Mes ballerines foulent le sol gelé et s'abiment au fil de la route, comme moi. Je m'abime au fil de la route. Je n'en peux plus. Que le cauchemar s'arrête, par pitié.

Des voitures noires. Des visages bas, des larmes, de la douleur, de la souffrance, de l'incompréhension. La famille, les amis, les connaissances, presque le village entier est là en fait, le village entier est touché en plein cœur par cette disparition injuste. Je baisse la tête et serre les poings. Je suis forte, je dois le rester. Je ne dois pas être faible, je dois garder la tête haute et affronter cela comme une grande personne, en adulte, mais au fond je ne suis qu'un enfant même si j'ai bientôt 18 ans. Mon âme d'enfant ressort car j'en étais une avec Will. Je retombais en enfance et me sentais plus que vivante. Alors que là, je me sens plus que morte, six pieds sous terre, mes ballerines enterrées.

Le portail apparait devant moi. Là, le cimetière est à quelques mètres. Il y a déjà un attroupement un peu plus loin. J'ai la pression. Je n'en peux plus. Je vais crever d'angoisse et de chagrin. Je serre un peu plus les poings, les larmes tombent, mes ballerines se froissent comme mon cœur. Une main bienveillante se pose sur mon épaule.

« -Sandra, ça va aller... »

Je me retourne. L'inspecteur Sarez. Vêtu tout de noir, lunettes de soleil sur le nez. Mais le soleil n'est pas là, il est mort depuis longtemps. Je le regarde. On se regarde. En silence alors que les gens avancent. Je ne sais pas où me mettre, je ne sais pas, je ne sais plus.

« Inspecteur, qu'est-ce que je dois faire ? Je... comment ça se passe ? Je ne sais pas.

-Il n'y a pas de mode d'emploi Sandra... il n'y en a pas, je ne peux pas te dire... mais dans tous les cas, n'aies pas honte de tes émotions, de ce que tu ressens, tu as le droit comme tout le monde... »

Un village trop tranquilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant