Chapitre 10

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Les jambes de la servante finirent par se calmer, celle-ci retrouvant une position plus « naturelle ». Elle se redressa alors en position assise, et écarquilla les yeux avant de regarder autour d'elles et de constater les trois visages qui l'observaient avec inquiétude et empressement.

- Je suis désolée... commença-t-elle sur un ton d'excuse. J'ai cru avoir vu... madame Maxwell... juste là – elle désigna de l'index la porte d'entrée demeurée grande ouverte-, mais cela ne se peut, elle est morte il y a déjà deux ans. Elle me semblait pourtant si réelle, si...

Mais elle ne put terminer sa phrase, sa conscience vacillait de nouveau, et elle sombra dans l'inconscient.

- Arthur, si vous voulez bien m'aider, nous devrions l'allonger sur le divan. Nous devons nous remettre les idées en place et décider de quoi faire. De toute évidence, il y a quelqu'un d'autre ici.

Sans dire un mot, Arthur acquiesça et Shawn et lui soulevèrent la servante, tandis que Tessa referma de nouveau la porte d'entrée.

- Shawn, nous devrions renforcer cette porte, lui dit Tessa une fois dans le petit salon. Elle ne cesse de s'ouvrir, et il fait un froid glacial là dehors.

- Tu as raison, répondit-il. Monsieur Brown, vous semblez bien connaître les lieux, sauriez-vous où nous pourrions trouver des planches ou quelque chose qui s'en approche ?

Il y avait autant dans la voix que dans le regard de Shawn Wilson un certain agacement face à cet homme qui demeurait en retrait depuis que le corps d'Edmond Maxwell avait été découvert. Shawn ne pouvait s'empêcher de le comparer à ces personnes aigries qui ne pouvaient s'empêcher de râler à tout bout de champ, mais qui devenaient inutiles lorsque la situation se gâtait.

- Dans la cave, répondit-il lentement non sans lâcher la fenêtre des yeux, celle qui donnait sur l'extérieur, du côté de l'entrée.

- Arthur, vous voulez bien l'y accompagner ? Tessa et moi allons rester ici et nous occuper d'Olivia.
- Jeune homme, le coupa monsieur Brown, je peux y aller seul. Arthur, cherchez plutôt un téléphone qui marche dans cette maison. Je crois qu'Edmond en gardait un dans son garde-manger, derrière la cuisine.

- Bien entendu... répondit Arthur qui s'était assis sur le fauteuil après avoir allumé la cheminée.

Shawn remarqua à nouveau qu'Arthur semblait ailleurs. Une inquiétude et un empressement manifestes le rongeaient. Cependant, le cadavre découvert un peu plus tôt ne semblait pas en être la seule cause au vu du petit carnet rouge qu'il venait tout juste de ranger, de nouveau, dans la poche intérieure de sa veste avant de se saisir d'un candélabre posé sur la cheminée.

Quelques instants plus tard, Shawn et Tessa se retrouvèrent seuls dans la pièce – si on occultait Olivia qui sommeillait toujours.

- Shawn, commença Tessa. Je dois reconnaître que cette situation me dépasse. Si Arthur ne parvient pas à trouver le téléphone, nous devrons rester ici pour la nuit.

- En effet. Qu'as-tu en tête ?

Shawn savait que Tessa ne parlait jamais sans avoir quelque chose de précis à dire. Et elle n'était pas femme à se plaindre d'une simple peur.

- Des tours de garde, répondit-elle. Nous ne savons pas ce qu'il se passe ici et après la découverte du corps de monsieur Maxwell... En bref, si ce n'est pas un suicide, rien ne nous dit que la personne qui s'en est pris à elle ne rode pas encore aux alentours de la maison. Ici, nous sommes coupés de tout et nous ne connaissons pas les lieux. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous séparer en pareilles circonstances.

- Je suis d'accord, répondit-il les yeux fixés sur Olivia.

- Ne t'inquiète pas, elle va bien. Elle n'est qu'en état de choc.

- Comment ça ?

- J'ai déjà vu ça. L'année dernière, lorsque je suis partie, j'ai travaillé en tant qu'auxiliaire de santé dans un hôpital de Liverpool.

- Je n'en savais rien.

- Je suis désolée, Shawn. Désolée d'être partie sans t'avertir. Je te raconterai ce qu'il s'est passé, c'est une promesse. Mais pas là, pas ce soir.

Des larmes légères commençaient à apparaître dans les magnifiques yeux bleus de Tessa, qui les essuya rapidement du revers de sa manche.

- Tessa, tu...

Mais avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, Edgar ouvrit la porte les bras chargés de trois planches de bois fichées sous le bras gauche, d'un marteau et d'une boite remplie de vieux clous dans la main droite.

- Je vais m'occuper de ça, fit-il en désignant son attirail. Tenez la fenêtre ouverte pendant que je suis dehors. Je passerai par là pour rentrer.

- Je vais venir avec vous, Edgar, dit une voix derrière lui.

Arthur apparaissait à son tour dans l'ouverture de la porte, le regard un peu penaud.

- Je suis désolé, continua-t-il. J'ai bien trouvé un téléphone dans le garde-manger, mais il n'y a aucune tonalité. Je pense que la neige aura eu raison des câbles de service...

- Eh bien je crois que nous sommes bons pour rester ici cette nuit, grommela Edgar en s'éloignant.

Shawn regarda Tessa dans les yeux. On dit qu'un silence vaut mille mots, et celui-ci signifiait clairement « nous allons veiller l'un sur l'autre, quoi qu'il puisse arrive ».

Ils s'installèrent ensemble à la cheminée, et observèrent Arthur et Edgar qui renforçaient la porte d'entrée à coups de clous et de marteau.

Shawn remarqua qu'Arthur paraissait de moins en moins tranquille, de plus en plus nerveux. Il regardait sans cesse autour de lui, comment un Saint-Bernard qui chercherait un blessé sous les décombres d'un immeuble.

- Tessa, que pense-tu d'Arthur ?

Shawn avait appris une chose importante au sujet de Tessa lors de ses multiples incursions avec elle, mais aussi en tant qu'amie. Elle avait ce don de pouvoir cerner les gens. Elle était également douée d'une sensibilité accrue quand il s'agissait de ressentir les émotions d'autrui.

- Il cherche quelqu'un, si c'est ta question.

- Pardon ?

- Les coupures de journaux qu'il lisait à notre arrivée, je les ai regardées rapidement avant que nous quittions la pièce tout à l'heure, fit-elle. On y parle essentiellement de disparitions de plusieurs jeunes adultes, qui ont environ nos âges. Parmi eux figure le nom de Teddy Davis. Je suppose qu'il s'agit d'un parent à lui...

- Je vois, répondit Shawn avec amertume.

- Ce n'est pas tout, continua Tessa. D'après ce que j'ai pu lire, ils ont tous disparu dans les bois voisins, ceux que nous avons traversé en venant ici.

Shawn ouvrit la bouche, mais avant qu'il ait pu émettre le moindre son, Tessa poursuivit :

- Non, je ne pense pas qu'Edmond Maxwell y soit pour quelque chose, dit-elle le regard sombre. Cependant, tout porte à croire que ce serait de cela qu'Arthur voulait lui parler tout à l'heure. Il doit certainement enquêter sur l'affaire, et si la police ne sait rien, il est tout à fait compréhensible qu'il se soit tourné vers la personne la plus proche des lieux des disparitions.

- Ce doit être la raison de son invitation... j'imagine que Monsieur Maxwell l'a fait venir pour ça.

- C'est probable.

Ils furent interrompus par une ombre qui se posta devant la fenêtre et qui toqua à la vitre

Le Voyageur de WistborrowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant