Chapitre 17

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- Qui sera là à minuit ? demanda Arthur avec empressement. De quoi parlez-vous exactement ?

- Je n'en sais rien, reconnu Shawn.

- Tessa, continua Arthur, qu'est-ce que cela veut dire ?

Tessa secoua la tête, en signe de profonde incompréhension. Mais une voix se fit entendre derrière eux. C'était la voix d'Edgar, qui s'était de nouveau assis dans un fauteuil, le visage perdu devant lui. Il semblait réfléchir.

- Le Voyageur, répondit-il.

- Le Voyageur ? Mais de qui parlez-vous Edgar ? Qui est ce Voyageur ?!

Arthur se saisit du tisonnier de la cheminée, et le tint comme on se saisit d'un sabre.

Edgar arracha son regard du néant pour le fixer sur Arthur.

- Ce tisonnier ne vous servira à rien mon garçon. D'autant que le Voyageur n'est pas fait de chair et d'os. Il n'est qu'une idée, une manifestation. Vous êtes-vous déjà attaqué à une idée avec un sabre ?

- Edgar ! le coupa Shawn. Allez-vous nous expliquer de quoi il retourne ?

Edgar eut un sourire mauvais.

- Doucement, mon garçon. Comme je l'ai dit, le Voyageur n'est qu'une idée. Une sorte... d'entité... que certaines croyances érigent en divinité.

Shawn repensa à ses rêves, à ses cauchemars. Il revit le visage de Tessa, les bras ouverts en direction de la porte de la maison. Il revit la brume envahir l'étage, comme si elle essayait de prendre possession des lieux.

Edgar poursuivit :

- Autrefois, Edmond et moi étions de très bons amis. Nous étions aussi proches que deux frères pouvaient l'être. Ensemble, nous avons voyagé. Enormément voyagé.

A ces mots, le sourire d'Edgar laissant place à une expression de profonde nostalgie, comme si l'évocation de ces souvenirs creusait dans son cœur une plaie béante.

- Il serait bien inutile, continua-t-il, de vous exposer davantage notre relation. Tout ce que vous devez savoir, c'est qu'il y a deux ans, nous nous sommes perdus dans la forêt amazonienne alors que nous cherchions la trace des Trachias.

Il ferma brièvement les yeux, et pris une profonde inspiration avant de fixer Olivia.

- C'est une petite tribu du Sud de l'Amazonie. Les autochtones parlaient d'un culte pratiqué par les Trachias. Ils prétendent entendre de sombres clameurs la nuit aux abords de l'épaisse forêt qui les cachent. Ils nous parlaient de chants qui faisaient trembler la terre et les arbres. Le culte du Voyageur.

Nous avons cherché cette tribu Edmond et moi. Jusqu'à ce que Irina tombe malade...

- Qui est Irina ? demanda Tessa avec intérêt.

- A ce moment-là, c'était la femme d'Edmond. Elle nous suivait de temps à autres. Elle est morte il y a tout juste six mois.

Alors qu'il prononçait ces paroles, Shawn sentit que la carapace d'Edgar se fissurait. Il jouait avec sa pipe, la faisant tourner entre ses doigts, le regard désormais perdu dans ses pensées. Un bref regard en direction de Tessa lui confirma cette hypothèse.

- Quel est le rapport avec ce qu'il se passe ce soir ? Demanda impatiemment Arthur, la main droite toujours fermement refermée sur le tisonnier.

- Il y a six mois, Edmond les a trouvés. Il était d'ailleurs avec votre père, Tessa, dit-il en se tournant vers elle. Il est revenu avec un certain... artefact trouvé sur place.

- De quel artefact parlez-vous ? demanda Tessa, hésitante.

- Une petite statuette de bois... que les Trachias vénéraient.

- Comment pouvez-vous être au courant de toute ceci ? demanda Tessa incrédule.

Edgar Brown regarda soudain la jeune fille avec insistance. Shawn cru même voir dans ses yeux d'ordinaire froids une certaine forme de tendresse, voire de pitié.

- Votre père... commença-t-il... ne vous a jamais parlé de moi, n'est-ce pas ?

- Pourquoi, il aurait dû ? répliqua-t-elle.

Tout sourire disparu à nouveau du visage d'Edgar Brown, qui affichait désormais un visage fermé et mélancolique, comme si l'on venait de lui enserrer le cœur. Il sortit alors de la poche intérieure de son manteau une enveloppe de papier kraft.

- Tenez, c'est la lettre qu'il m'a écrite. Lisez-la, vous comprendrez.

Tessa s'avança lentement, fébrile. Au moment où elle se saisit enfin du sac, un gong sonore se fit ressentir dans tout le manoir. Il était vingt-deux heures.

Le Voyageur de WistborrowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant