Chapitre 11 ~ Frappé en plein cœur

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Un violent orage éclate dans la nuit, me faisant sursauter au premier coup de semonce. Mon cœur caracole dans ma poitrine, puis rate un battement lorsque je découvre un bras masculin passé autour de moi.

Vaän, profondément endormi contre mon dos, me serre étroitement contre lui. Incapable de faire abstraction de la pluie fouettant les carreaux et le toit de chaume, je repousse précautionneusement le chasseur et me dresse, attentive au vent qui se lève.

Un éclair lézarde le ciel, irradiant la chambre d'une clarté aveuglante. À l'extérieur, un cheval hennit de terreur, me flanquant un désagréable frisson contre l'échine.

J'ai un mauvais pressentiment...

Au mépris des éléments qui se déchaînent, Vaän continue de dormir du sommeil du juste. Je répugne à le secouer – en partie parce que je crains qu'il me brise la nuque s'il se pense attaqué par surprise dans son lit –, et passe par dessus son corps alangui.

Le hululement du vent n'a d'égal que la force du déluge. Par deux fois, je crois percevoir un bruit incongru, sans rapport avec l'intempérie. On dirait... un martèlement de sabots sur les pavés. Je vois difficilement un cavalier prendre le risque de sortir sous un temps pareil, s'il y a un équidé en maraude, c'est forcément qu'il s'est fait la belle. Je pense instantanément au destrier noir que mon chasseur aime tant.

Vaän, appelé-je dans l'obscurité, cheval, dehors ! Vaän !

Silence éloquent de l'intéressé.

Je peste mentalement et sors de la chambre à l'aveugle. On n'est jamais mieux servie que par soi-même !

Au rez-de-chaussée, un courant d'air manque de m'envoyer le vantail de la porte d'entrée en pleine figure. Je m'interroge sérieusement sur ma capacité à reconduire un équidé rétif dans l'écurie, quand une rafale de pluie s'engouffre sous le porche et me trempe de la tête aux pieds.

J'étouffe un juron et m'avance dans la cour. Une boue glacée remonte entre mes orteils nus. Courbée en deux, je lutte contre le vent qui siffle fort entre les bâtiments.

Toutes les lanternes sont éteintes ou fracassées sur le sol. L'eau ruisselle sur ma peau et s'infiltre au cœur de mes vêtements. Mes cheveux me fouettent le visage, rendant ma visibilité presque nulle. Mon amour des bêtes me perdra, va-t-il finir par se montrer, ce foutu canasson ?!

Une poigne vigoureuse se referme sur mon épaule, m'arrachant un hurlement terrifié. Durant un court laps de temps, je crois voir un revenant se matérialiser dans mon dos. Ce n'est fort heureusement que Vaän, dont la peau a pris une teinte diaphane à la faveur d'un nouvel éclair.

Il me foudroie du regard et me somme de rentrer. Je crie pour me faire entendre par-dessus la tempête :

—Je n'essaie pas de m'enfuir ! Il y a un cheval dehors ! Cheval !

Une bourrasque plus forte que les autres me pousse contre lui. Je me retiens au-devant de sa chemise blanche, si imbibée d'eau qu'elle en est devenue transparente.

Le chasseur me contemple avec un regain de douceur. Je lis mon prénom sur ses lèvres, bien qu'aucun de ses mots n'atteigne mes oreilles assourdies par le vent.

La vision qu'il offre sous cette pluie vorace me laisse un instant ébahie. Des gouttelettes s'amoncellent sur ses cils, s'y balancent quelques secondes, puis s'en détachent pour s'écraser sur mes joues. J'en tressaille de la racine des cheveux à la pointe des orteils — et ça n'a rien à voir avec le froid glacial qui nous entoure.

L'air tourmenté, Vaän recueille les perles d'eau échouées sur mes joues du revers des doigts et caresse mon visage de ses paumes brûlantes.

—Reste... avec... moi.

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