Chapitre 18 ~ La marque du chasseur

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Je lève les mains devant mon visage, contemple mes tatouages tribaux, et me sens parfaitement idiote de m'être laissée peindre de la têteaux pieds.

J'ai l'air de quoi maintenant ? Une bataille est sur le point d'éclater, et je viens de me rallier malgré moi à la plus démunie des deux armées. Bien joué, Maëlle, vraiment !

Comme si cela ne suffisait pas, le pagne et le bandeau qui sont supposés cacher ma nudité sont aussi couvrants que deux pièces de bikini. Je me sens nue...

Rasant les murs, je tente de me repérer dans le campement secoué par le branle-bas de combat, et me faufile comme une voleuse dans la première hutte venue. À l'intérieur, je retourne les jarres et paniers qui encombrent l'espace de vie, à la recherche de quelque chose de couvrant, quand la peau de bête devant l'entrée se soulève dans un courant d'air.

Mince, je suis prise sur le fait !

Un homme peint m'invective en picte. Ses tatouages sont si nombreux qu'il a l'air entièrement bleu. Un arc et un carquois bien garni dépassent dans son dos. Je déglutis avec peine. En plus de cet arsenal, une dague est glissée dans son pagne et une longue épée pend d'un baudrier à sa hanche.

Un instant... Je ne connais qu'un seul picte qui possède une arme de ce calibre !

Evandro ! Bon sang, ce... c'est vraiment t-toi sous ces p-peintures de guerre ?

Maëlle ?

Je peux tout expliquer ! Taran m'a tendu un piège, je n'ai pas su dire non, et maintenant...

Il retire son baudrier, laisse son encombrante épée à l'entrée de la cahute, et se glisse à quatre pattes jusqu'à moi. Son irruption m'a tellement surprise que j'ai reculé sous la mansarde, là où le toit de chaume ne permet plus de se tenir debout.

Pourquoi as-tu fait ça ? m'interroge-t-il, soulevant mon menton pour mieux jauger l'étendue des runes.

Je n'ai rien fait du tout, défendis-je, détaillant en retour les nombreux symboles qui ont colonisé chaque parcelle de son épiderme hâlé, à commencer par son visage, méconnaissable. Est-ce que... ça dit des choses méchantes ?

Méchantes ?

Oui, comme : « abattez cette fille si vous la voyez »,ou « tapez fort » dans mon dos ?

Evandro secoue la tête sans comprendre mon malheureux trait d'humour, et continue son inspection.

Il a l'air d'un parfait sauvage sous cette apparence. Pour tromper l'appréhension que cela m'inspire, j'essaie d'imaginer l'histoire que racontent mes tatouages. La vieille femme en savait-elle assez sur moi pour écrire quelque chose de poétique, ou s'est-elle contentée d'inscrire des évidences telles que « fille venue d'ailleurs » ou « celle qui ne parle pas notre langue » ?

Le chef picte affiche un sourire malicieux et arrête ses doigts à la base de ma gorge :

Tu portes mon nom, juste ici.

Je frissonne à son contact. En me dévissant la nuque, je parviens à apercevoir les contours d'une rune composée de deux triangles en miroir qui me font penser au symbole de l'infini.

Ça veut dire Evandro ?

Ça désigne l'homme aux deux visages.

Ah, c'est bien toi en effet... J'imagine qu'il doit aussi y avoir mention de Vaän quelque part ?

Il grogne et me désigne de mauvaise grâce un symbole en forme d'éclair, juste au-dessus de mon cœur.

C'est la marque du chasseur ?

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant