Chapitre 24 ~ Refaire surface

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Mon récit s'achève dans le plus complet silence. Maëlle ne m'a pas interrompu une seule fois, pas plus qu'elle n'a manifesté la moindre émotion, je dois dire.

Elle s'est contentée de m'écouter d'un air absent, les yeux dans le vague, un peu comme si je lui racontais une histoire qui n'était pas la sienne.

Son manque de réaction me désarme. Je m'étais attendu à sentir un poids s'envoler de mes épaules en lui livrant la vérité nue, sans enjoliver mon rôle, sans le ternir non plus. Il n'en est rien. Je reste suspendu à ses lèvres, le cœur battant, dans l'attente d'un verdict qui ne vient pas.

Je décide de lui laisser le temps dont elle a besoin pour formuler sa pensée, et cesse de la dévisager. Ce faisant, je m'aperçois que la nuit est tombée sans que j'y prête attention.

Nous ne sommes plus seuls dans le patio. De petits groupes de fumeurs savourent la quiétude de ce début de soirée à la lueur des braseros. Des relents de musique folk en provenance de l'intérieur du bar viennent se mêler aux bruissement des conversations indistinctes. Les guirlandes lumineuses entrecroisées au-dessus de nos têtes grésillent paisiblement, diffusant une douce clarté autour de nous.

—Tu aurais une photo de tes amis ? m'interroge Maëlle d'une voix éteinte. Ceux qui étaient dans la voiture.

Pas vraiment surpris de sa requête, je fouille dans mon téléphone et fais glisser l'appareil sur la table. Elle se penche sur l'écran, jette un furtif coup d'œil aux visages d'Andro et Brice, puis se détourne vivement.

—Je me souviens d'eux.

Ses yeux s'embuent à cet aveu et, bien qu'elle essaie de me le cacher, je devine qu'elle est sur le point de fondre en larmes.

Ma gorge se noue. Le sentiment de légèreté que je commençais à peine à ressentir s'évapore au profit d'une profonde culpabilité. À quoi bon lui faire revivre tout ça ?

Je repousse ma chaise :

—Je ne vais pas t'imposer ma présence plus longtemps.

—ATTEND !

Maëlle hurle ce mot, la voix brisée par un sanglot. Le bruit des conversations chute subitement dans le patio, et d'innombrables paires d'yeux convergent dans notre direction. Je reste focalisé sur ma naïade, accrochée des deux mains à mon poignet dans une tentative désespérée de me retenir.

—Tu ne comprends pas, gémit-elle. C'est moi le problème ! Moi qui ne tourne pas rond ! Je suis partie tellement loin...

—Tout se passe bien ? intervient une voix familière.

Nous nous retournons sur Lisa, la poupée grunge, qui arrive à notre table avec un plateau.

Une part de moi voudrait saisir cette occasion pour échapper au regard larmoyant de Maëlle, ainsi qu'à ses réactions disproportionnées. Je ne m'explique pas cette peur panique qu'elle affiche dès qu'il est question que je m'en aille. C'est à la fois touchant et flippant.

Pas assez pour que j'oublie le deal qu'elle doit honorer. Je me rassieds donc et me force à afficher un sourire affable.

—J'allais justement passer commande.

—En me privant d'exercer mon talent ? s'insurge la poupée grunge, feignant de ne pas remarquer la main que je tends à son amie en échange de mon poignet séquestré.

—Lisa n'a pas son pareil pour associer les gens et les boissons, explique Maëlle, acceptant de relâcher sa prise pour glisser ses doigts dans ma paume.

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant