Chapitre 25 ~ Deux inconnus

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Nos verres sont vides. Il n'en reste plus une goutte, ni pour elle ni pour moi. Pourtant, j'ai la gorge sèche.

En l'invitant à se confier à moi sans réserves, je ne m'attendais définitivement pas à ce qu'elle me livre un récit comme celui-là. Celui d'une épopée dont je suis tour à tour le héros puis le bourreau, flanqué de mes deux potes aux rôles tout aussi glorieux. Mention spéciale à Andro, oscar du meilleur fils de pute de l'univers Maëllien.

—Il paraît que c'est à cause de l'hypothermie, confie-t-elle enfuyant mon regard. Chez certaines personnes, ça provoque des délires et des hallucinations plus vraies que nature. C'est une histoire de fous, tu ne trouves pas ?

—J'imagine que, même sur l'échelle des hallucinations, ton expérience n'est pas banale.

—Dans ma tête, poursuit-elle sans vraiment m'écouter, des semaines entières se sont écoulées, alors que tout ne s'est joué en quelques minutes... Je n'arrive toujours pas à m'en remettre.

—M'avoir en face de toi ne doit pas arranger les choses.

—C'est perturbant, c'est sûr, mais tu m'aides à reprendre pieds. Tues réel, c'est... rassurant.

Je soulève un sourcil moqueur. Moi, un mec rassurant ? Je crois bien que c'est la première fois qu'on me qualifie ainsi. D'ordinaire, j'endosse plutôt le costume du type antipathique. Sa copine m'a d'ailleurs bien cerné de ce côté-là.

—Comment est-ce que ça s'est terminé pour toi et tes amis ? m'interroge-t-elle.

—J'ai passé la nuit aux urgences, un café dans les mains et une couverture de survie sur le dos. C'est comme ça que j'ai rencontré Lisa, qui a débarqué vers trois heures du matin avec tes parents. Brice a eu le droit à quatre points de suture, un cocktail d'analgésiques et une belle engueulade de sa copine. Andro n'est finalement pas allé bien loin avec la bagnole dans l'état où elle était. Les flics lui sont tombés dessus, il a fini en dégrisement avec une comparution immédiate à la sortie.

—Tu veux dire qu'il est en prison ?!

—Non, non, il a pris du sursis pour non-assistance à personne en danger, un retrait de permis et une amende pour destruction de mobilier urbain, résumé-je.

—Un policier est venu me voir à l'hôpital pour me dire que je pouvais déposer plainte. j'ai refusé.

—Je peux te demander pourquoi ?

—Parce que je ne voulais pas qu'on s'acharne sur vous. C'était un accident, ça aurait très bien pu être moi ou l'un de mes amis derrière ce volant, je ne suis loin d'être irréprochable...

—Maëlle, tu as failli mourir par notre faute et, bien que je te remercie de ne pas l'avoir fait, ça aurait été normal de nous poursuivre.

—À quoi est-ce que ça aurait servi ? Tu m'as dit toi même que tu n'en dormais plus la nuit, et je doute qu'Andro se vante aux quatre coins de la ville de ce qui s'est passé. On a tous retenu la leçon, non ?

—Oh, je suis persuadé qu'Andro y réfléchira à deux fois avant d'abandonner quelqu'un sur le bord de la route la prochaine fois, raillé-je, acerbe.

—Même en sachant ça, je ne veux pas me venger de lui. Je préfère de loin apprendre à te connaître, toi.

Nos regards s'accrochent avec une fébrilité qui n'était pas de mise jusqu'à présent.

Elle a raison, il y a plus important que de ressasser éternellement la responsabilité des uns et des autres dans ce désastre. Pour aller de l'avant, je dois laisser couler, et me concentrer sur ce que cela m'a apporté de positif : ma rencontre avec elle.

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant