Chapitre ~ 19 Sang et larmes

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Un sifflement sec réveille mes tympans bourdonnants.

J'étouffe un cri et rentre la tête dans les épaules. Un projectile vient de passer à un cheveu de ma boîte crânienne, et je préfère ne pas imaginer ce qui se serait passé s'il m'avait atteinte ou frôlée d'un peu plus près.

Bizarrement ramassée sur moi-même, je dévale en zigzaguant une pente boisée en tentant de me dissimuler dans la végétation sauvage.

Mon cœur et mes poumons sont en feu. L'air peinant à trouver son chemin dans ma cage thoracique me fait souffrir le martyr. Je suis contrainte de m'arrêter pour reprendre mon souffle, et tamponne la sueur qui dégouline à grosses goûtes dans mon cou et entre mes seins. Ma paume en ressort couverte de sang.

Hagarde,je remonte la traînée rouge qui sillonne sur ma peau, et me découvre blessée à l'oreille. J'ai été touchée, finalement.

Une vague de panique me pétrifie sur place. La vision trouble, je me raccroche à une branche basse pour conserver mon équilibre et tâtonne mon visage et ma tête. Le sang roule entre mes doigts,gluant et chaud, roule à l'intérieur de mon poignet, et finit par tacher les feuilles mortes à mes pieds avec un bruit de goutte à goutte accéléré.

Mes doigts empressés finissent par éveiller une vive douleur dans mon oreille droite. Je me mords la langue pour de pas crier et la palpe avec plus de précaution. Mon lobe est déchiré. Qu'est ce qui a fait ça ? Une branche ? Une flèche ?

Comme pour répondre à ma question, l'écorce d'un arbre tout proche explose sous la morsure d'un trait d'arbalète.

Je n'ai pas le temps de réagir, une forme bleutée tapie dans les broussailles me saisit par la taille et me jette sur le sol. Nous dégringolons dans les feuilles sèches sur plusieurs mètres.Lorsque je reprends mes esprits, Taran se tient à mon côté, aussi affolé que moi.

—Où est Evandro ? m'écrié-je. Il est arrivé quelque chose au village, tu dois me conduire à lui !

Voyant qu'il ne m'écoute pas, je l'attrape par l'épaule et lui désigne la rune de l'infini maculée de sang à la base de ma gorge.Le symbole d'Evandro. Le jeune garçon paraît comprendre mais se réfugie brusquement derrière moi.

Un soldat d'Azan vient de faire irruption sur le sentier où nous nous trouvons. Une petite voix en moi me crie d'user de la langue enseignée par Vaän avant que le soudard nous transperce de part en part, mais les mots me manquent. Le faciès déformé de haine de l'arrivant m'ôte tous mes moyens, je suis incapable de retrouver mon vocabulaire barbare !

Tout-à-coup,ses yeux se révulsent et il tombe à genoux, mortellement blessé.Un guerrier à tête de loup apparaît derrière lui, récupère la hache plantée dans le dos du soldat, et disparaît aussi furtivement qu'il est arrivé.

Nous l'avons échappé belle, mais ne sommes pas tirés d'affaire pour autant. Des cavaliers en cuirasse passent au triple galop sur une crête qui nous surplombe, heureusement sans nous voir. Plus loin,des archers tirent depuis une colline sur une troupe de guerriers peints acculés au pied d'une falaise.

Partout, des cris, des appels à l'aide, et le vacarme du fer répondant au fer. Taran et moi sommes tombés au cœur de la bataille !

La patte griffue du jeune garçon me lacère subitement l'épaule. Ses lèvres se retroussent sur ses dents acérées, son regard se mue en folie assassine et un grondement animal monte dans sa gorge. Je comprends l'imminence du danger et bondis en même temps que lui.

Encore ce chuintement insupportable dans l'air... je m'attends à être touchée d'un moment à l'autre par une pointe de fer, mais c'est Taran qui trébuche et roule hors du chemin. Je me fige, haletante,hésitant entre lui porter secours ou courir pour ma vie.

Qui es-tu ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant