9. Cette nuit là tout a changé

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Je fermai les yeux quelques secondes, et pris une grande inspiration avant de replonger au cœur de ce souvenir que j'essayais d'éviter par tous les moyens depuis plus d'un an.

- C'était... C'était un samedi, commençai-je d'une voix si faible que je fus obligée de me racler la gorge avant de continuer.

Flamme pressa légèrement ma taille pour me rassurer et me montrer qu'il écoutait.

- Pour une fois on était presque tous à la maison : ma mère, mon frère, ma sœur et moi, sauf mon père qui était déjà parti en service à ce moment là. Et je sais plus pourquoi mais à un moment, je me suis disputée avec ma mère... C'était sûrement un truc stupide, mais sur le coup ça m'a énervé plus que n'importe quoi...

Je m'arrêtai le temps d'effacer les larmes qui glissaient sur mes joues en même temps que les souvenirs affluaient, aussi perçants qu'une flèche ayant été tirée droit dans ma poitrine.

- Alors je suis sortie. Je... Je crois que quelqu'un a essayé de me rattraper mais j'ai juste mis mon casque sur mes oreilles et lancé la musique à fond et je suis partie. Je voulais pas forcément aller loin, juste... Juste m'éloigner un peu pour me calmer, être seule, tu vois ?

J'inclinai légèrement la tête sur le côté de manière à regarder Flamme et vis celui-ci hocher la tête.

- Je suis allée dans des chemins autour de chez moi - j'habitais à la campagne, mais tu le savais non ?

- Oui tu me l'avais déjà dit mais ça aide de repréciser quand même, répondit Flamme en me donnant un petit sourire d'encouragement. Tu veux continuer ?

Je mis quelques secondes avant de lui répondre.

- Oui, je... Oui. Je marchais sans but précis, je voulais juste me vider la tête...

Ma voix craqua sous le coup des émotions et notre chef resserra sa prise sur ma taille, m'offrant un ancrage, un moyen de ne pas laisser les souvenirs me submerger. Je pris une profonde inspiration avant de continuer :

- Juste au moment où j'ai croisé quelqu'un à vélo, des sirènes ont retenti.

Je vis Flamme fermer les yeux et serrer les dents, il avait très bien compris ce qui allait suivre, il savait.

- J'ai pas compris ce qu'il se passait tout de suite, mais le garçon qui venait de passer à côté de moi si. Il a fait demi-tour en vitesse et, une fois arrivé à ma hauteur, m'a crié de monter sur son vélo. Je me suis accrochée à sa taille et il a pédalé vers un bois en face de nous. Le plus loin possible de notre village. Je sentais mon téléphone vibrer dans ma poche au fur et à mesure que ma famille essayait de m'appeler...

Je me stoppai quelques secondes, une boule de souvenirs et d'émotions me nouant la gorge, bloquant mes cordes vocales dans le silence. Je n'essayais même plus d'arrêter les larmes de couler le long de mon visage. Flamme, de son côté, faisait un effort immense pour continuer à m'écouter alors que l'épuisement et la douleur fermaient à moitié ses yeux, dessinant de larges cernes au dessus de ses joues et ralentissant chacun de ses gestes.

- Quand on est arrivé à la lisière des arbres, on est descendu de son vélo et on a couru le plus vite possible à l'intérieur du bois. Quand la première bombe a explosé, le sol a tremblé sous nos pieds et il y a eu un éclair de lumière qui a illuminé les arbres tout autour de nous. Puis un bruit assourdissant s'est propagé dans l'obscurité du crépuscule. Le garçon s'est jeté contre un tronc d'arbre tombé au pied de ses semblables et il m'a tirée contre le lui, m'ordonnant de m'aplatir au sol. Je me suis recroquevillée contre l'écorce du bois mort et j'ai fermé les yeux quand nous avons entendu d'autres détonations. Je...Je tremblais, sans savoir si c'était à cause du froid ou de la peur, mes mains saignaient et j'avais aucune idée de quand je m'étais blessée. Je n'ai remarqué que le silence était revenu qu'au moment où le garçon s'est relevé. Je crois qu'il m'a demandé si je n'avais rien mais j'ai juste secoué la tête sans vraiment savoir ce qu'il avait dit. On a couru jusqu'au village et on est parti dans des directions opposées dès qu'on est arrivé aux premières maisons.

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