19. "Elle et l'opacité ne faisaient qu'un"

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Un groupe de corneilles s'envola au dessus de la cime des arbres et pendant quelques secondes ce ne fut plus que bruissements d'ailes et croassements. Simba se redressa entièrement sur ses quatre pattes, fixant un point à travers les arbres. Je me redressai également, essayant de déterminer ce qui avait attiré son attention. Je croisai le regard inquisiteur de Flamme qui lui aussi avait remarqué le comportement étrange de notre amie à poils. Malgré le soleil de midi, l'ombre régnait en masse et je ne distinguais absolument rien entre les troncs qui me faisaient face. Un craquement résonna dans le silence qui s'était automatiquement établi. Nous nous tournâmes tous vers l'origine du bruit, même les petits s'étaient arrêtés de jouer. Une silhouette se détacha difficilement des ombres, entièrement vêtue de noir, elle et l'opacité ne faisaient qu'un. Je vis du métal étinceler dans sa main avant qu'elle n'abaisse sa capuche d'un coup sec.

- Vous n'irez pas plus loin.

Ce n'était pas une proposition, c'était un ordre, et pour l'appuyer la jeune fille sortie du noir en levant l'arme qu'elle tenait entre ses mains et la pointa au centre de notre groupe. Je retins mon souffle, sachant que chacune des personnes m'entourant en faisait de même. Flamme s'avança vers l'intruse, mais il ne fit pas plus d'un pas avant que le canon soit braqué sur lui.

- T'avances encore d'un millimètre, et mes potes descendent les tiens avant même que t'ai le temps de crier, menaça la fille en agitant son arme.

Comme suivant un signal, d'autres silhouettes sortirent de l'ombre une par une, formant un cercle autour de nous. C'était un groupe comme le nôtre, légèrement plus vieux. Tous étaient armés. Je serrai les dents, ce n'était pas le moment de faire un geste stupide. Flamme leva doucement sa main intacte, tentant d'apaiser l'atmosphère. Je crois que cela ne plut pas particulièrement à notre interlocutrice.

- Tu vas sortir gentiment le flingue que t'as dans ta poche et tu vas venir le déposer dans ma main, ordonna-t-elle d'un ton acerbe.

- Très bien, répondit Flamme d'un ton posé, comme si ce n'était rien plus qu'une petite conversation autour d'un café.

Mais à force je savais ce qu'il se cachait derrière son masque plein de flegme : ses instincts de chef revenaient, maintenant plus que jamais, et il serait le premier à tomber s'il le fallait. D'un geste lent il sortit le pistolet de sa veste, je le regardai s'avancer en ayant qu'une envie : qu'il se tourne vers moi et revienne sur ses pas. Pourtant je savais qu'il n'y avait pas d'autre solution.

Et puis Simba échappa à mon contrôle. Pourtant je tenais fermement son corps entre mes mains, essayant de ne pas lui faire mal. Le faux calme se brisa, laissant place au chaos total. Un coup de feu résonna. Je n'ai aucune idée de qui avait tiré le premier. Un ordre fusa.

- Dispersez-vous !

Flamme nous indiquait notre seule chance de survie.

Ma main chercha la sienne, elle ne rencontra que du vide. Mon corps fut balloté dans le mouvement, me forçant à courir malgré moi. Mes chaussures s'enfonçaient dans la terre humide, les branches me fouettaient le visage. Un bruit sourd produisit un sifflement insupportable dans mes oreilles. Des corps furent projetés en l'air. Une grenade, pensai-je avant d'être moi même soulevée dans les airs par un nouveau souffle brûlant. L'oxygène fut chassé de mes poumons par la rudesse de l'atterrissage. Je sentis quelque chose craquer dans ma poitrine, et au vu de la douleur qui suivit je venais de me fêler au moins une de mes côtes. Je me relevai en gémissant, la terre se glissant sous mes ongles lorsque je m'appuyai sur le sol pour mieux répartir mon poids. Le monde s'était réduit à ce sifflement incessant, et à la fumée. Beaucoup de fumée. Je ne distinguais presque plus où j'allais. Autour de moi la moitié des troncs étaient en feu. Je n'avais plus aucune idée d'où pouvaient se trouver les autres.
Et c'est quand les cris et le brouhaha de la terreur emplirent de nouveau mes tympans, au détour d'un énième arbre brûlant, que je le vis.

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