18. "Ton vœu a été exaucé"

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Nos épaules se frôlaient à chaque pas et c'était maintenant une sensation étrange de ne pas sentir sa main contre la mienne quand nous arrêtions de marcher. Les doigts de Flamme serraient les miens, ou peut-être était-ce moi qui m'accrochais à lui. Je me tournai un instant vers son visage baigné de lumière. Ses yeux clos, l'ombre de ses cils sur ses joues, son air si serein et le léger sourire qui peignait ses lèvres pendant que ma main le guidait sous la chaleur réconfortante du soleil. J'avais envie que ce moment dure pour toujours. Cet instant paisible, comme suspendu au milieu d'une vie d'incertitudes et de tourments. Que demander de plus que la paix ? Le rire de Camille résonna dans l'air à quelques mètres devant nous, tel une mélodie magique il me réchauffa avec presque autant d'intensité que l'étoile brûlante qui nous éclaire. Et je me surpris à sourire également. Ce jour là était une belle journée.
Le jour d'avant nous n'avions fait que passer dans des villages qui défilaient au fil de nos pas, aussi sinistres les uns que les autres. Certains rideaux remuaient encore quand nous frôlions le bord des fenêtres. Quelques rares fois un jeune visage apeuré apparaissait dans l'ombre, nous observant marcher dans les rues désertes. Car c'est ce que la guerre faisait, elle enfonçait cette saleté de crainte continuelle dans le crâne de chaque personne qu'elle croisait. Et il y en avait du monde sur son chemin, ceux qui n'osaient même plus ouvrir leur porte à leurs voisins, ceux qui tremblaient à chaque ronflement d'avion de chasse passant dans le ciel. Et même après la fin, si cette confrontation cessait un jour, les gens seraient changés à jamais. Que ce soit ceux qui avaient vu la guerre juste en face, ceux qui combattaient au front, ou bien ceux qui n'avaient observé que ses répercussions.
La guerre changeait les gens, là tout au fond, à un endroit presque inatteignable et qui, une fois modifié, ne redevenait jamais le même.

C'était sur cette route interminable que je pris conscience que moi aussi j'avais changé. J'étais malgré moi devenue complètement indépendante, plus solitaire aussi. Oui, j'avais changé. Je n'étais plus la petite fille qui était sortie de chez elle en cherchant seulement un peu de paix. Pourtant j'avais toujours le même but, et je crois que c'était bien la seule chose qui était restée la même.
Je soupirai, emportée par mes pensées, cela m'attira le regard interrogateur de Flamme qui avait rouvert les yeux sans que je ne m'en aperçoive. Je ne savais pas depuis combien de temps je n'avais plus besoin de le guider, mais à aucun moment il n'avait fait mine de retirer sa main de la mienne. Et je ne le fis pas non plus.
Nous marchâmes encore et encore, et au bout de ce cinquième jour de voyage, je finis par me demander vraiment si nous allions arriver au bout un jour. L'épuisement se voyait sur chacun de nos visages. Et si le soleil nous réchauffait le dos, l'air glacé nous rougissait les joues. Et mon corps entier était si courbaturé que j'aurais pu sauter dans les bras de chaque personne nous accompagnant quand nous nous posâmes enfin pour monter le camp.

Si nous n'avions pas fêté l'anniversaire d'Alaska le jour même, pris de court par tous ces imprévus, ce soir nous étions décidés à marquer le coup. Camille, qui avait décidé qu'elle serait dorénavant la référente des fêtes et célébrations, avait réussi à transformer complètement l'espace où nous avions planté les tentes. Les multiples bougies que nous avions emportées étaient maintenant disposées un peu partout autour de nous, éclairant les endroits que la lueur du feu de camp n'atteignait pas. L'ambiance était légère, calme, parfaite pour célébrer. Les quelques musiciens de notre groupe s'installèrent autour du feu, enchaînant des morceaux plus entraînants les uns que les autres. Très vite une piste de danse s'arrangea autour de nos artistes, des groupes de deux ou trois tournaient en cercle dans une danse plutôt désorganisée mais qui nous correspondait parfaitement. On battait des pieds et des mains, on chantait, on vivait.
Assise sur une souche, je me contentai d'observer la scène, la douleur dans mes muscles ne m'aurait pas permis de bouger très longtemps. Mais cela ne m'empêchait pas de profiter de la soirée également, j'aimais être témoin de la joie qui imprégnait l'air ce soir là. Et je n'aurais échangé ma place pour rien au monde, ces quelques instants valaient plus que tout.

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