1 LE PIC DU DIABLE

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Loin, très loin... dans une contrée reculée et presque oubliée de tous, deux silhouettes sombres se détachaient de la blancheur immaculée d'un paysage de haute montagne. Au-dessus de leurs têtes, le soleil avait déjà amorcé sa descente par-delà le pic vertigineux qui s'annonçait comme une prochaine étape. La pente était effroyablement raide, et à en juger par le pas hésitant des alpinistes ainsi qu'à l'allure de leurs capes de voyage rapiécées, l'épuisement d'un périple de longue haleine s'imposait depuis beaucoup trop longtemps.

Grand gaillard solidement bâti qu'il était, le meneur du groupe s'évertuait à maintenir une certaine cadence. La neige avait beau lui arriver tout en haut des cuisses et le vent glacé transpercer le reste de son corps, un feu brûlait en son for intérieur qui lui procurait la force de continuer. Un peu plus tôt, son frère, l'homme qui l'accompagnait, avait en effet prononcé quelques mots qui n'avaient eu de cesse de résonner dans sa tête depuis : « Tout espoir n'est pas perdu de le retrouver, j'ai un plan. ».

Quelques dizaines de mètres en aval cependant, le frère en question peinait de plus en plus à suivre la cadence. Depuis un moment déjà, il trébuchait, dérapait davantage, et ne se rattrapait qu'au dernier instant pour s'éviter une chute qui pourrait bien être la dernière. D'une stature frêle, presque gracile, il était loin de disposer de la musculature de son compagnon de cordée. Ses atouts à lui étaient de nature plus cérébrale et se révélaient d'un intérêt limité dans le contexte de cette cavale interminable qui les avait portés jusqu'ici : aux confins d'un enfer blanc à vous glacer jusqu'aux os tout en vous brûlant la rétine.

À bout de souffle, le second de cordée n'eut d'autre choix que de marquer une pause. Courbé en deux, appuyé tant bien que mal sur une jambe chancelante, sa gorge lui donnait l'impression d'un morceau de métal en fusion. Il fallait qu'il se redresse pourtant, qu'il prévienne son camarade d'infortune. Il était inutile que la corde qui les reliait ne vienne à se tendre, au point que l'un d'eux se retrouve la tête la première dans la neige, ou pire encore, glisse d'un côté ou de l'autre de l'arête escarpée qu'ils étaient en train de gravir.

– Rodo... Rodolphus ! A-ttends ! Attends-moi ! finit-il par hurler, ses mains tremblantes placées en porte-voix.

Mais la seule réponse qui lui parvint fut une nouvelle bourrasque imprégnée de flocons poudreux et glacés.

Un peu plus haut, comme s'il s'était trouvé dans une autre dimension, Rodolphus, le meneur, continuait sa progression, ressassant les paroles encourageantes perçues auparavant. Il avait toujours trouvé son frère brillant ; cruel aussi, mais pas au point de lui donner de faux espoirs, pas dans un moment pareil. Rabastan avait quelque chose en tête, il les avait menés dans ces terres lointaines pour une bonne raison, il l'avait lu au fond de son regard bleu pâle.

Une puissante rafale vint balayer la crête et Rodolphus se félicita pour une fois d'être si profondément enfoncé dans la neige. S'il avait été ne serait-ce un peu moins lourd, il y a fort à parier qu'il aurait basculé pour de bon. Un mauvais présentiment ne mis pas longtemps à l'assaillir cependant, alors même que la corde enroulée autour de sa taille le tirait en arrière d'un coup sec.

Instinctivement, Rodolphus se jeta à plat ventre.

– Non ! Pas comme ça, pas maintenant ! s'exclama-t-il, haletant, avant de se relever avec mille précautions.

Harry Potter et le Compas du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant