Proie & Prédateur - Le Jaguar et le Puma

Chapitre 33.

Lance sentit l'instant exact ou Louise lui échappa. Tout était dans le comportement, un instant, elle lui tenait la main, l'instant d'après, c'était comme s'il n'existait plus.

Le combat commença, mais il ne lui prêta aucune attention, le regard rivé sur le profil de la jaguar. Elle observait l'autre, dans la cage, comme s'il était une révélation. Lance ne savait pas quel sentiment dominait en lui. Le désespoir, de devoir la laisser partir, la déception, de se rendre compte qu'une femme aussi formidable qu'elle ne pouvait évidemment pas être pour lui ? Ou la résignation, après tout, c'était dans l'ordre des choses, les jaguars avec les jaguars, les pumas avec les pumas, ils n'avaient jamais été faits pour être ensemble.

Louise lui avait dit un jour que les sirènes révélaient l'opposé à celui ou celle qui les regardait. Lance savait désormais que c'était faux, les sirènes ne révélaient pas les Opposé, c'était une légende... elles révélaient les désirs. Et lui désirait ardemment Louise, mais elle lui était plus que jamais interdite. Le combat s'acheva par la défaite du Jaguar, mais il ne semblait pas si amoché que ça.

Lance trouvait ce simulacre de combat vraiment ridicule, c'était faux, un jeu pour amuser la galerie, à la limite. Ce chaton n'avait probablement jamais combattu pour de vrai. Comment ferait-il pour protéger sa Louise au juste ? Une petite voix lui rappela que Louise n'avait pas besoin d'être protégée.

La blonde s'extrayait de la foule et il l'a suivie, mais elle n'avait d'yeux que pour son jaguar qui recevait des félicitations et allait s'asseoir à une table dans l'ombre, avec les autres combattants. Il n'avait pas encore remarqué Louise. Celle-ci s'avança vers lui, d'un pas sûr... sans hésiter, sans se tourner vers Lance pour réclamer son aide.

Elle savait désormais, elle n'avait plus peur.

Lance voulait la retenir, la garder pour lui. Mais il n'en avait pas le droit, pas le droit de privé Louise de son bonheur. Un sourire doux-amer sur les lèvres, il la laissa rejoindre le Jaguar. Celui-ci se redressa en voyant Louise, puis se leva et tendit la main. Elle était éblouissante, il le savait, il savait ce que cet homme voyait.

Voilà, c'était la fin du voyage. Lance n'arrivait presque plus à réfléchir, puis Louise sourit. Un sourire pur, sincère, le sourire qu'il avait mis des semaines à lui arracher. Alors il sourit lui aussi, et lentement, se laissa engloutir par la foule.

Au fond, c'était ça l'amour non ? Savoir renoncer à l'autre pour le rendre heureux.

Il était... parfait. Louise n'avait pas d'autre mot, il était exactement comme elle se l'était imaginé. Pas trop grand, mignon, avec un air doux, même s'il était un peu amoché par une arcade sourcilière cassée. Quand elle s'était approchée, il l'avait lui aussi tout de suite reconnu, et tout avait été fluide et facile.

— Et tu es venu seule ici ? demanda-t-il un peu inquiet.

Louise secoua la tête.

— Non, j'étais avec mon ami, Lance, il est...

Elle se retourna, mais Lance n'était nulle part en vue. Elle fronça les sourcils, contrariée de sentir un grand vide en elle. Elle le chassa.

— Il a dû partir, éluda-t-elle à mi-voix. Euh... tu aurais un peu de temps ? Où tu as peut-être d'autres combats.

Il secoua la tête.

— Non, non, je ne me bats qu'une fois par soir, c'est juste histoire de gagner un logement. On pourrait se poser à une table... pour discuter.

Louise hocha la tête, emballée. Il lui prit la main, elle était grande et douce, fraîche aussi. Lance avait des grandes mains calleuse et dure, et elle sentait toujours un picotement quand elle la lui prenait. Louise fronça les sourcils. Elle préférait les mains douces. Enfin... elle pensait qu'elle préférait les mains douces, elle n'était sûre. Louise secoua la tête et le suivit jusqu'à une table et il lui commanda un verre.