mon miracle

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𝐸𝓁𝒾𝒶𝓃𝒶

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J'applique quand même un peu de mascara sur mes cils, même s'il finira sur mes joues dans un laps de temps. Je ferme les yeux quelques secondes et je m'assois sur la chaise, laissant ma belle-mère brosser mes longs cheveux noirs avant de les plaquer dans un chignon bas. Je ne pourrais jamais suffisamment remercier le Ciel de l'avoir dans ma vie, elle prend soin de moi même dans son propre deuil. Après tout, c'était quand même son fils, la chair de sa chair. C'est elle qui devrait être en train de se morfondre dans son coin et moi qui devrais être en train de brosser ses cheveux. Mais c'est une femme forte, bien plus forte que moi. Elle arrive à afficher un sourire même lors de la pire journée de sa vie.

— Eliana chérie, j'aimerais te donner quelque chose pour t'aider à affronter cette journée, dit-elle d'une voix douce.

Je ne réponds pas et je tourne simplement la tête dans sa direction, pendant qu'elle sort une petite boîte de son sac. Elle me la tend et j'en sors un bracelet en or, gravé avec le prénom de mon défunt mari: Asad.

— Il a reçu ce bracelet le jour de sa naissance, elle m'explique. Tu veux que je te le mette? Il devrait t'aller, tu as un poignet si fin!
— Oui, s'il te plaît.

Je hoche rapidement la tête et elle s'approche pour m'attacher le bracelet.

— Tu es prête?
— Non, mais je suppose qu'on doit y aller.

Elle m'offre un sourire réconfortant et elle m'aide à me relever de la chaise, me guidant vers la sortie. On rejoint le reste de la famille dans le salon et ceux que je n'avais pas encore vus viennent me présenter leurs condoléances. C'est parti, je me mets tout de suite à pleurer. Heureusement, ma belle-mère vient à la rescousse et elle invite tout le monde à partir en direction de l'enterrement.

Pendant les prochaines heures, j'entends des discours de diverses personnes sur la vie de mon mari et sur son décès inattendu. Il était plein de vie, il ne devait pas partir aussi tôt. J'ai l'impression de sortir en dehors de mon corps et de voir tout ce monde réuni mais de ne pas être réellement présente. On me parle mais je n'arrive pas à trouver la force de répondre. On me regarde mais je n'arrive pas à croiser leur regard en retour. Tout est flou, tout paraît irréel.

Jusqu'au moment où ils sortent son cercueil et qu'ils s'apprêtent à le descendre. Là, je réalise que c'est bien réel. Je me mets à hurler et je les empêche de le faire. Je tente de leur expliquer qu'ils ne peuvent pas faire ça, mais mes pleurs m'empêchent de m'exprimer.

— Arrêtez! Laissez-le! Vous pouvez pas me le prendre! j'arrive à articuler malgré mes pleurs.

J'ai l'impression que je vais m'évanouir mais je sens des bras me rattraper. Je croise le regard abattu de Kaan, mon beau-frère. Il me soulève et me porte avant de me poser à l'ombre d'un arbre, un peu plus loin. Je finis par fondre en larmes dans ses bras et il me serre fort contre lui.

Kaan a toujours été un soutien pour moi, depuis ma rencontre avec son frère. Même ces 9 années où tous voulaient nous séparer, il était le seul à accepter notre amour. Le premier à nous aider, une des raisons pour lesquelles on a finalement réussi à faire accepter notre relation auprès des nôtres. On s'est battu tant d'années pour notre amour, pour que mon Asad meure un an et demi après notre mariage. On n'a même pas eu le temps de profiter de notre vie de couple marié. On devait avoir la vie devant nous... Aujourd'hui je me retrouve seule, avec une vie remplie de souvenirs qui m'attend. Une vie remplie de nostalgie et de deuil.







Feiruz m'aide à enfiler ma robe mais je vois bien qu'elle coince. Elle a pioché une vieille robe dans mon armoire, qu'elle trouvait jolie. Je grimace et elle me demande de rentrer le ventre pour qu'elle puisse fermer la fermeture éclair.

— Tu viens manger ce soir?
— Non, je me sens pas encore prête...
— Eli' ça va faire un mois. On aimerait bien te voir, tu nous manques.
— Vous aussi.

Je suis tellement reconnaissante pour la famille de mon mari. Malgré 9 années compliquées, ils ont su m'accepter comme leur fille le jour où je me suis mariée à leur fils. Même après sa mort, ils me traitent comme l'une des leurs et ils sont tous là pour moi. Ma belle-mère et ma belle-sœur viennent régulièrement à la maison pour m'aider à me doucher et m'habiller, quand je n'en ai pas la force. Ça fait déjà un mois que mon mari est enterré mais je n'ai pas l'impression d'aller mieux. J'ai même parfois l'impression que ça va de pire en pire.

— Allez on y va, Kaan t'attend!

Je hoche la tête et on descend pour rejoindre son frère qui nous attendait. Il nous a gentiment préparé à manger, il cuisine divinement bien. C'est un ange, il vient souvent m'aider à la maison en faisant à manger ou en faisant le mélange. Parfois, il vient simplement me tenir compagnie. Il sait à quel point je me sens seule à présent, dans cette énorme maison vide. Et puis il doit se sentir seul lui aussi, Asad était son meilleur ami sur terre.

On s'assoit à table et on mange en discutant, je participe peu à la discussion mais j'arrive mieux à me concentrer sur ce qu'ils disent. Les premiers jours après la mort d'Asad, je dissociais constamment et il était impossible pour moi de tenir une conversation.

— Il est à quelle heure ton rendez-vous 'Liana ?
— Dans une heure, Kaan.
— D'accord, on mange et on y va alors.
— Oui.

On termine tranquillement de manger et Kaan m'accompagne à mon rendez-vous chez le médecin. Je suis en mauvaise santé donc mon médecin a souhaité faire un contrôle général de mon état. Je dois avouer que je n'ai pas pris soin de moi récemment (hygiène, alimentation, sommeil) donc ça ne m'étonne pas. Qui peut m'en vouloir après tout?

— Bon, je reviens te chercher dans une demi-heure du coup? me dit Kaan en arrivant devant l'hôpital.
— Viens avec moi.
— Eliana, il dit d'un ton ferme.
— S'il te plaît, Kaan.

Il soupire et il entre avec moi. Je sais qu'ils cèdent tous à mes "caprices" parce que je suis une jeune veuve mais j'ai simplement besoin de soutien. J'ai constamment besoin d'une présence avec moi, sinon j'ai peur de m'écrouler. J'ai perdu celui qui était mon ancre dans cette vie et je ne sais plus comment faire pour ne pas me noyer lorsque je suis seule.

On entre dans la salle et il explique la situation à mon médecin qui accepte qu'il reste. Kaan se met en retrait pendant le contrôle, par respect.

— Madame, à quand remonte votre dernier rapport sexuel?

Je sens le rouge me monter aux joues, à cause de la présence de Kaan dans la pièce. Je me souviens parfaitement de mon dernier rapport avec Asad, la veille de sa mort. Mon corps entier commence à trembler et menace de s'écrouler.

— Un mois. Le 17 mai.

Il hoche la tête et il note quelque chose sur sa feuille.

— Eh bien... je suis ennuyé de vous l'annoncer dans ces circonstances mais vous êtes enceinte.

Il continue à parler en me donnant des conseils pour que ma grossesse se passe bien mais je n'écoute plus. Je me mets à hurler de douleur et j'entends Kaan courir vers moi pour me prendre dans ses bras. Je crie à pleins poumons, j'ai tellement mal au cœur. Pourquoi ça arrive maintenant? Comment je vais faire pour élever un enfant seule? Comment pourrais-je prendre soin d'un autre humain alors que je n'arrive pas à prendre soin de moi-même?

Toutes ces questions tournent encore dans ma tête quand on arrive chez moi, une heure plus tard. Mes sanglots n'ont pas cessé mais j'accepte quand même de me coucher dans mon lit quand Kaan m'aide à m'allonger. Il soupire et il s'assoit par terre, à côté du lit. Je vois que ce n'est pas facile pour lui non plus, de savoir que son grand frère ne pourra jamais devenir père alors qu'il en a toujours rêvé.

ONE SHOTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant