Chapitre 5 Enzo

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« Il y a sur les rivages du malheur toutes les conditions pour faire des rencontres majeures. » David Foenkinos.

J'ai vu le corps de mon frère... enfin ce qu'il en reste... le légiste a essayé de faire au mieux. Des corps j'en ai vu, j'en ai torturé, j'en ai tué... mais lorsqu'il s'agit de son frère, de son sang... c'est... plus compliqué. Même si nous nous étions quittés un peu en froid, il est difficile de le retrouver sur une table en inox, couvert d'un simple drap, drap qui ne montre que son visage, enfin sa tête qui est elle-même détachée de son corps, enfin le légiste a raccordé la tête avec le tronc, en faisant de la couture. Les fils de pute, ils vont me le payer, je jure devant dieu qu'ils vont me le payer. Je vais les retrouver et je vais les buter.

Je suis ressorti de la salle d'autopsie après avoir confirmé au flic que c'était bien mon frère. J'ai ensuite contacté Aspic pour qu'il me donne le numéro de notre revendeur d'armes. Rendez-vous a été pris dans un entrepôt à l'Est de Paris, à Montreuil. Nous ne sommes pas venus en moto trop voyant. Nous avons pris que nos glocks, plus facile à dissimiler en cas de contrôle routier, on préfère se charger sur place avec d'autres styles de pétards beaucoup moins discrets, c'est pour cela que nous avons contacté notre fournisseur, il est plus simple de prendre le matos sur place. Nous avons rendez-vous à vingt-trois heures trente, mais j'aime bien arriver un quart d'heure à l'avance, pour contrôler les alentours et être sûr de ne pas tomber dans un piège. Nous garons le van à quelques mètres du hangar, nous écoutons, observons avant de nous rendre au rendez-vous. La Hyène part à droite, Narco et Conchita à gauche, moi, je vais droit devant. On se retrouve tous à trente mètre de la porte.

— J'ai repéré une moto planquée à quelques mètres d'ici, une Honda CB 650 R noire, personne autour, me dit la Hyène.

— Ok, restez sur vos gardes. Une moto pour une armée de flics me semble dérisoire, c'est peut-être à un des mecs qui doit accompagner notre contact, cela m'étonnerait qu'il soit seul pour l'échange, même s'il nous connait. D'autres pourraient se pointer, sans y être invités.

On se dirige vers la porte, au moment où je l'ouvre, je tombe nez à nez avec un mec tout en noir avec un passe-montagne. Mon premier réflexe est de sortir mon flingue, le sien est de faire la même chose.

— On se calme les mecs, c'est une cliente, elle partait ! n'est-ce pas Vendetta ?

Une cliente ? Merde, je ne l'avais pas bien étudiée. Une gonzesse...Vendetta... curieux

— Oui en effet, je pars ! dit-elle en direction du mec sans me lâcher des yeux et quels yeux, ils sont d'un bleu presque vert. Ses pupilles sont dilatées puisque nous sommes dans la quasi obscurité.

— Baissez vos armes les mecs, cool, continue le vendeur.

Nous baissons sagement nos armes avec lenteur, puis je me décale pour la laisser passer, je fais signe à mes hommes d'en faire autant.

— A bientôt ma belle ! crie le revendeur.

Ce qui lui vaut un doigt d'honneur de la part de la nana. Mes hommes me passent devant, moi, je suis toujours statufié au milieu de la porte. Mon regard n'arrivant pas à se décrocher de ce petit bout de femme. Putain ! elle est sacrément bien roulée, dommage que je n'ai pas pu voir son visage en entier, elle doit être magnifique. Elle se dirige vers l'endroit où la Hyène m'avait informé avoir vu une moto, dans un recoin noir, putain... la femme parfaite ! Tout en cuir, avec une Honda 650, un beau joujou. Elle démarre et me passe sous le nez en ne me quittant pas du regard. La place dans mon fute* vient de se rétrécir. Qui est-ce ? Pourquoi s'arme-t-elle ? Parce qu'avec le sac qu'elle a dans le dos, ce n'est pas des fringues qu'elle est venue acheter, en même temps, Gabriel ne vend pas ce genre d'articles. Je la suis des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse de mon champ de vision puis j'entre dans l'entrepôt.

— Qui est-ce ? dis-je à Gab.

— Une cliente, comme je te l'ai dit.

— Mais encore ?

— Je n'en sais pas plus, elle m'a été recommandé par un de mes contacts. J'ai voulu en savoir un peu plus, mais même lui ne savait rien, juste que la nana voulait s'armer. Lorsqu'elle a récupéré le matos, j'ai essayé d'en apprendre un peu plus également, mais elle s'est refermée direct et m'a envoyé bouler. Je sais juste son nom de code Vendetta, cela veut tout dire et rien dire.

— Ok, dommage.

— T'as remarqué toi aussi hein ? Elle est bien roulée la petite et ses yeux bordel ! Elle vous fusille sur place.

— Bon, on ne va pas épiloguer sur cette gonzesse toute la soirée, t'as ce qu'on t'a commandé ?

— Bien sûr pour qui tu me prends ? J'ai les Famas, les trois glocks quarante-cinq, les grenades de désencerclement, les lacrymos et les grenades fumigènes. Voici les paquets de munitions pour toutes les armes.

Je vérifie avec mes hommes le matos, on arme tous les flingues pour qu'ils soient prêts à faire feu. Je paie Gabriel puis on se casse de Montreuil. On a eu une info comme quoi, un diner aurait lieu demain soir dans le quartier chinois, dans le restaurant « Chine Mó Shì ». Il faut qu'on aille repérer les lieux discrétos cette nuit, pour mettre notre plan à exécution ; même si le délai me paraît très court pour la mise en place de ce plan. Il n'y a pas de place pour le hasard pourtant, mais nous n'aurons peut-être pas d'autres occasions, il faut que l'on puisse se garer et garder un œil sur le resto. On a trouvé dans un magasin de bricolage, tout ce qu'il nous faut pour nous préparer.

Il est trois heures du mat, lorsqu'on débarque sur les lieux, les rues sont vides, tout est fermé. On repère assez facilement le restaurant, on passe une seconde fois dans la rue et on se gare à cinquante mètre de ce dernier, proche d'une bouche d'égout. On sort du van, après avoir vérifié que personne ne nous observe, Conchita monte la garde pendant que La Hyène, Narco et moi posons sur la grille, une plaque métal, pour simuler une intervention. On dispose autour des plots que l'on relie entre eux par un ruban de balisage rouge et blanc. On pose un panneau de chantier triangulaire avertissant qu'il y a des travaux sur cette bouche. On ferme le van et on part à pied, un par un, à une distance de dix minutes d'intervalle, au cas où.

Ce soir à lieu le rendez-vous, il faudra que l'on vienne planquer quelques heures plus tôt. On a réservé une chambre d'hôtel quelques rues plus loin, sur le boulevard Masséna. Le « Asia in Paris » propose des salles de bains et des chambres communes, se sont souvent des lits superposés. Nous avons pris une chambre pour six personnes, pour être sûrs d'avoir un maximum de place. Nous ne sommes pas des petits gabarits, il faut que l'on puisse se croiser dans la chambre.

Nous arrivons dans le hall d'entrée après avoir passé les doubles portes vitrées coulissantes. Il y a un petit comptoir d'accueil sur notre droite mais à cette heure-ci personne n'est présent. Nous nous dirigeons vers les ascenseurs. Ils forment comme un couloir, il y en a deux de chaque côté, les portes sont de couleur rouge ; les murs sont recouverts de carrelage marbré ; le plafond est blanc et une rangée de Led éclaire l'allée centrale les desservant.

Arrivés à notre étage, c'est le même décor, le couloir a exactement le même carrelage et les portes des chambres sont de la même teinte que l'ascenseur. Nous pénétrons dans la chambre et sans grande surprise, nous voyons deux fois deux lits superposés et deux autres lits individuels, lit d'une personne bien entendu. Les lits superposés ont chacun un rideau permettant de garder un minimum d'intimité. Cela ne coupera en rien les ronflements de mes hommes, mais ce n'est que pour une nuit, demain tout sera réglé et nous pourrons retourner à Biscarosse. Derrière une porte coulissante se trouve la salle d'eau, la douche n'a pas de cabine. Le pommeau est accroché au mur, un siphon se trouve au milieu de la pièce. Autant dire, qu'il ne faut pas qu'il y en ait un qui se lave les dents au petit lavabo blanc, pendant que l'autre se douche, sinon il est douché également. L'installation est sommaire. Les WC sont séparés, ça au moins, c'est bien. Chacun choisit son lit, La Hyène et moi, prenons les individuels, Narco et Conchita prennent chacun un lit superposé en choisissant le couchage du haut. Autant dire que nous avons les pieds qui dépassent du matelas, à part Conchita et ses un mètre quatre-vingt, lui c'est juste, mais ça passe. C'est vrai que la communauté chinoise n'est pas très grande, d'où les lits. Nous mangeons les sandwichs que nous avions achetés quelques heures plus tôt puis commençons notre nuit. Nous n'avons pas besoin d'être sur les lieux avant dix-sept heures, autant dormir et ne pas se faire repérer.


Explicatif des *

Fute : pantalon en argot.

DARK FORCES T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant