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 « Je suis sûre que ça se passera super bien ! Il n'y a pas de raison ! »

Rayenne sourit à sa sœur. Un sourire qui ne toucha pas ses yeux sombres. Il avait déjà fait subir tellement de choses à sa famille, il pouvait bien jouer un peu la comédie pour les préserver.

« Ouais, je vois pas ce qui pourrait mal se passer. » répondit-il.

Son père posa les mains sur ses épaules.

« On est tous très fiers de toi, Rayenne. Et on est sûrs que tu accompliras de grandes choses ! »

Rayenne acquiesça, toujours avec son sourire feint.

« Il va finir par rater son bus si vous continuez, on doit le laisser partir. C'est un adulte maintenant, continua son père.

— Ah bon, il rentre pas au collège ? Avec sa gueule, il se fondrait dans la masse sans souci, fit remarquer sa sœur.

— Arrêtez de l'embêter. Tu es beau, mon fils, ne les écoute pas ! »

Rayenne fit une grimace à sa sœur, même si le cœur n'y était pas. Le bus devant lequel la petite famille se tenait commença à vrombir et le groupe comprit que le moment de se dire au revoir était venu. Rayenne serra les membres de sa famille contre lui et écouta leurs derniers conseils. Il avait déjà déposé sa valise dans la soute et s'assura machinalement qu'elle avait bien été placée avec les autres avant de se diriger vers la porte.

« On se revoit pour les vacances de Noël, c'est pas si loin ! » lança sa mère alors qu'il s'éloignait.

Rayenne sourit encore une fois avant de monter dans le bus. Il salua le chauffeur qui l'ignora royalement et ravala sa fierté en cherchant une place. Le véhicule était déjà plein à craquer d'élèves et il craignait d'en heurter certains avec son sac en bandoulière. On pouvait reconnaître les anciens qui discutaient entre eux, heureux de se revoir, et qui se racontaient leurs vacances. Les nouveaux affectaient un faux air détendu, trahi par leurs yeux qui détaillaient avec avidité les autres.

Rayenne hésitait à s'installer à côté de l'un d'entre eux. Il aurait aimé trouver une place sans voisin pour ne pas avoir à imposer sa présence à un inconnu, mais il s'y était pris un peu trop tard. Sans prévenir, le bus démarra et le nouvel arrivant perdit l'équilibre. Il se rattrapa de justesse au premier siège qui lui passait sous la main. Par chance, il était libre et l'étudiant qui occupait la place près de la fenêtre ne lui avait pas accordé la moindre attention. Il regardait vers l'extérieur au travers de lunettes de soleil vertes.

Rayenne se glissa dans le siège libre et abandonna l'idée de se passer de voisin. À choisir, il préférait conserver son intégrité physique. Il passa une main sur son patch de glycémie par réflexe. Il ne s'était pas décroché. Une fois rassuré, il se défit de son sac qu'il posa à ses pieds et se rappela alors qu'il n'avait même pas fait un dernier signe à ses parents. Il tourna la tête vers la vitre, le bus était déjà loin de l'arrêt. Il eut un pincement au cœur. Il était vraiment parti.

Ne restait plus que son reflet qui le dévisageait dans la vitre teintée, ses cheveux noirs en bataille et ses éternels cernes. Il n'avait pas bonne mine.

« Premier départ, hein ? »

Rayenne entendit la question, qui n'en était pas vraiment une, sans la comprendre. Ce ne fut que le regard insistant de son voisin qui lui fit comprendre qu'on s'adressait à lui.

« Pardon, t'as dit quelque chose ? »

L'inconnu eut un petit sourire moqueur qui dévoila des canines particulièrement aiguisées. Rayenne s'arrêta plus en détail sur son voisin. Des cheveux courts bruns, une veste élimée aux coudes et un t-shirt noir floqué d'un énorme Z vert, assorti aux lunettes qui lui cachaient la moitié du visage. Une dégaine peu commune.

« Laisse tomber, je crois que j'ai la réponse à ma question.

— Je suis vraiment désolé, ça me fait un peu bizarre.

— T'inquiète pas, gamin, si t'es arrivé jusque là, t'as fait le plus dur. »

Rayenne tiqua à l'usage du mot gamin. Il était peut-être nouveau, mais son interlocuteur ne devait pas être bien plus âgé que lui. Après tout, c'était aussi un étudiant. Même si les profs empruntaient les bus, ce dont il doutait, ils ne portaient sûrement pas de tels accoutrements.

« Moi c'est ZeratoR, se présenta finalement le mystérieux interlocuteur.

— ZeratoR ? »

Le prénom était peu commun et Rayenne en oublia sa politesse. Le fameux ZeratoR eut un petit rire.

« Eh oui, ça surprend au début, hein ? Tu peux oublier ton prénom et ton nom. C'est bon pour les profs et l'administration ça. Pour les Externes. »

Rayenne avait envie de poser une bonne centaine de questions. Ses lèvres restèrent cependant scellées. Il n'avait pas envie de dire une connerie et espérait secrètement que ledit ZeratoR y réponde sans qu'il ait à demander.

« Un peu timide, hein ? Les autres petits nouveaux m'auraient déjà posé dix questions. C'est pas plus mal d'écouter de temps en temps.

— Je... euh... enchanté. »

ZeratoR haussa un sourcil et partit d'un rire franc. Rayenne sentit ses joues s'empourprer. Son voisin riait fort, et quelques têtes commençaient à se tourner dans leur direction. Personne ne leur fit cependant de remarque.

« Désolé, je me fous pas de ta gueule. C'est juste que j'ai un peu l'impression de parler avec un décalage horaire. Ça va aller, je vais pas te bouffer, hein. Enfin pas tout de suite. »

Rayenne préféra garder le silence plutôt que de bafouiller une nouvelle connerie. Il affecta tout de même un petit rire pour donner le change.

« Bon, ça fait longtemps que j'ai pas fait ça. Mais je peux pas résister à tes bafouillements. Je suis obligé de te prendre comme baptisé. Tu pourras dire aux autres que tu t'appelles Étoiles, avec un S à la fin. Parce que t'as la tête dans les étoiles. Et oublie pas de mentionner que c'est ZeratoR ton nommeur. »

ZeratoR tendit la main. Étoiles la saisit machinalement. Il comprit que quelque chose d'important était en train de se passer. Cette poignée de main au milieu d'un bus bondé de jeunes gens à peine sortis de l'adolescence avait plus de sens que toutes les poignées de main qu'il avait reçues dans sa vie. Une vague de chair de poule remonta le long de son bras et se propagea dans tout son corps.

« Bienvenue à T.W.I.T.C.H., Étoiles. »

ZeratoR mit fin à la poignée de main et enfila un casque audio, le visage de nouveau tourné vers l'extérieur. Étoiles resta un moment sans bouger. Il avait l'impression que le bus entier avait assisté à cette interaction. Il se rendit rapidement compte que les bavardages ne s'étaient pas interrompus, il avait simplement été trop emporté par son baptême pour y prêter attention.

Le jeune homme reposa la main sur ses genoux et décida lui aussi de prendre ses écouteurs. Il ferma les yeux et tenta de regagner son calme. Il n'y avait pas de raison que ça se passe mal. Et puis il y avait pire dans la vie que de s'appeler Étoiles. Il eut un petit sourire. Un vrai cette fois.

Nos Étoiles MystèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant