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 Ponce sentit tout de suite qu'il y avait un problème lorsqu'il entra dans la chambre de Rivenzi. Enfin dans leur chambre. L'odeur de savon qu'il avait associé à Riv était moins prononcée que d'habitude. Mais surtout, la pulsation de vie qui animait la salle battait à peine.

C'était quelque chose qu'il arrivait à sentir à travers ses plantes. Tous les lieux émettaient une fréquence qui était dictée par les personnes qui les occupaient souvent. Le studio de musique résonnait par exemple un peu différemment maintenant que des petits nouveaux commençaient à se l'approprier.

Mais ici, ce n'était pas un simple changement de tonalité, c'était un étouffement total de la vibration. Sa première pensée fut de se dire que Rivenzi avait quitté les lieux et lui avec. Qu'il avait récupéré ses affaires pour voguer vers une meilleure relation, tout comme Nicotine l'avait fait avant lui. Cela eut l'étrange effet de l'apaiser. Enfin, Riv avait compris où était son intérêt et s'était protégé de lui.

Les discussions jusqu'au bout de la nuit lui manqueraient. Les câlins lui manqueraient. Il lui manquerait. Mais c'était mieux pour tout le monde. Il était trop égoïste pour briser leur relation et voir souffrir la personne qu'on aimait n'était jamais agréable. Parfois, il avait menti terriblement mal dans l'espoir au moins d'être confronté, d'être mis face à son comportement de merde. Mais il lui avait toujours tout pardonné sans se plaindre. Du moins face à lui.

Ultia passait son temps à lui dire qu'elle réconfortait Rivenzi dès qu'il avait le dos tourné. À chaque fois ça lui brisait le cœur. Il se disait qu'il fallait qu'il arrête, que personne ne méritait ça. Et puis il se laissait prendre au jeu... c'était si simple, trop simple.

« Ponce ? »

Ponce releva les yeux. Rivenzi se tenait dans l'encadrement de la porte de la salle de bain. Le botaniste se rendit compte que toutes ses affaires étaient en effet toujours là. Il avait tiré des conclusions un peu trop vite.

« Je pensais pas que tu rentrerais si tôt. »

Tous les muscles de Ponce se tendirent. C'était bien pire que ce qu'il avait imaginé. Rivenzi était toujours là physiquement, mais ses yeux et sa voix trahissaient le fait que ce n'était pas lui. Ponce avait déjà entendu parler des possessions par esprit. Forcément, avec Nicotine, il en avait appris pas mal sur le sujet. Il savait donc que ça pouvait être irréversible.

« Riv, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il en tentant de maîtriser sa voix.

— Rien. Tout va bien. »

Il lui adressa un sourire terriblement faux. Ponce fit un pas en arrière. Il avait paniqué à l'idée de perdre Riv sans penser que lui aussi était en danger immédiat. Il fallait qu'il appelle à l'aide. Qu'un dompteur d'ombre vienne s'en occuper. Vite. La pulsation de vie de Rivenzi était si faible qu'il la percevait à peine.

Ponce fit un pas en arrière et mit la main sur la poignée.

« Oh bah non, pars pas déjà. Pour une fois qu'on peut passer une soirée en amoureux.

— J'ai juste oublié un truc dans la salle de musique, je reviens dans deux minutes, promis, tu peux choisir un truc à regarder ensemble en attendant. »

Ponce tenta un sourire charmeur et rassurant. Le visage de Rivenzi se crispa.

« Encore un mensonge... Toujours des mensonges. T'en as pas marre à un moment, hein ? Ponce ? Oui, c'est à toi que je parle ! Est-ce que tu sais ce que ça fait quand tu viens t'allonger à côté de moi en sentant quelqu'un d'autre ? Quand t'enlèves ton t-shirt et que je vois les marques du connard qui t'as jeté comme une merde quand il avait plus besoin de toi ? »

Ponce parvint enfin à gagner le couloir. Rivenzi s'était jeté sur lui et avait pulvérisé la porte, le projetant sur le mur du couloir. Ponce réussit à amortir le choc avec un coussin de lianes. Mais il devait bien s'être fêlé deux ou trois côtes.

« Tu m'avais promis que ça serait différent. Et je me suis dit que tu pouvais changer, que je pouvais te changer ! »

Rivenzi, ou ce qu'il en restait, ne criait pas, ce qui était peut-être d'autant plus effrayant. Il parlait d'une voix étouffée par la douleur et les larmes.

« Je suis désolé, souffla Ponce dans une grimace de douleur.

— Je sais. T'es toujours super désolé. C'était la dernière fois, c'est ça ? »

Cette fois, Ponce ne vit pas venir le coup. Rivenzi avait saisi son bras pour le lancer plus loin dans le couloir. Le botaniste poussa un cri lorsque son os se brisa et qu'il retomba lourdement dessus. Il sentait des larmes de douleur commencer à se former dans ses yeux.

« Ça fait mal, hein ? Oh... tu pleures ? Pour une fois, les rôles s'inversent. Alors qu'est-ce que tu penses de cette distribution ? »

La voix de Rivenzi ressemblait de moins en moins à une voix humaine et son souffle vital s'affaiblissait de seconde en seconde.

« Riv, si t'es là, quelque part. Pitié. Je suis désolé. Je suis un connard. Mais bats-toi, putain. T'as pas besoin de ça pour me remettre à ma place. Je veux pas te perdre !

— Pas me perdre ? Pas me perdre ? Mais ça fait des semaines que tu m'as perdu, Ponce. Des semaines qu'il est là pour me tenir compagnie quand t'es dans les bras de n'importe qui ! »

Ponce inspirait difficilement. Les côtes fragilisées n'avaient pas dû tenir le coup. Il sentait que Rivenzi préparait déjà sa prochaine attaque. À ce rythme-là, elle risquait d'être mortelle. Pour lui comme pour Rivenzi, qui corrompait encore un peu plus son âme en se nourrissant de la sienne.

« Euh, il se passe quoi, ici ? »

Oh non. Ponce n'avait pas besoin de regarder derrière lui pour reconnaître la voix d'Étoiles. Il avait prié pour que quelqu'un les trouve et leur vienne en aide. Mais pas un première année, et encore moins ce première année en particulier.

« Casse-toi, va chercher de l'aide ! »

Son cri ressemblait plus à un croassement qu'autre chose. Il arracha une grimace de dédain à Rivenzi.

« Étoiles, tu tombes bien. Est-ce que tu veux essayer de sauver ce minable ? T'as l'air d'aimer sa compagnie, hein ? Tu savais qu'il avait un petit-ami, pourtant ? Non ?

— Laisse-le... commença Ponce.

— Je me souviens pas t'avoir parlé, toi. Je parle à Étoiles. Ou plutôt j'attends une réponse de sa part. Alors, tu le savais qu'on était ensemble lui et moi. Comme tout le monde. Et ça vous empêche pas de vous foutre de ma gueule dès que j'ai le dos tourné, hein ?

— Rivenzi, qu'est-ce qu'il se passe ? »

Rivenzi rit à gorge déployée à la question d'Étoiles. Ponce réussit à peine à ralentir son mouvement en lui enroulant des lianes autour des jambes. Mais son compagnon passa à côté de lui à la vitesse de l'éclair pour se précipiter vers sa nouvelle cible. Ponce se retourna en étouffant un cri. Étoiles était parvenu à invoquer une fine barrière pour se protéger. Il résista au choc initial qui déstabilisa son assaillant.

Rivenzi récupéra cependant rapidement son équilibre et envoya Étoiles voler d'un coup dans le plexus. Le première année poussa un cri.

« Riv, arrête ! C'est moi le problème pas lui.

— Ah, le fameux c'est pas toi, c'est moi, sourit Rivenzi. J'aime bien cette variante. »

Il se rapprocha d'Étoiles qui ne s'était pas relevé et tentait de respirer sans succès.

« Riv, s'il te plaît ! Arrête !

— Ah, bah c'est dommage, ça, parce que ça me plaît bien ! »

Ponce concentra toute la force qui lui restait pour tenter de restreindre son petit ami qui était tombé du côté sombre de la force. Mais c'était peine perdue. Il allait voir mourir Étoiles sous ses yeux sans pouvoir rien faire. Et tout ça parce qu'il avait été un connard.

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