A nos sombres cœurs |Terminé|

Chapitre 14

Quelques heures plus tôt...

COLSON

Dans la voiture, plus aucun de nous ne prononce un mot. Je sais que c'est la dernière fois que l'on va faire le trajet, et je me sens plus mal que jamais. La boule dans me gorge ne fait que monter de descendre. J'ai envie de pleurer, mais je me l'interdis. Je dois être fort. Pour ma mère. Pour Easton. Mais surtout pour mon père.

Penser à lui me rend tellement mal. Je pensais naïvement que les choses s'arrangeraient un jour, mais je me trompais. Lorsque ma mère a reçu le coup de fil de l'hôpital, on savait déjà ce que cela voulait dire, mais aucun de nous ne veut l'accepter. Parce que quand on ne dit pas les choses, la réalité semble ne plus exister. Je ne veux pas être celui qui ne se rend pas compte des choses, mais la vérité est que c'est plus simple ainsi. Faire l'autruche est peut-être refuser de faire face à la réalité, mais c'est mon seul recours plus le moment.

Il n'y a pas l'ombre d'un bruit dans l'habitacle, pas un regard. Ma mère conduit distraitement, Easton regarde quelque chose sur son téléphone, et de mon côté, je ne rêve que d'une chose : Lake. Je sais qu'elle est la seule qui peut comprendre ça, elle aussi a perdu ses parents, d'une certaine façon, et elle pourrait comprendre ce qu'il m'arrive. Néanmoins, quelque chose, de la fierté peut-être, m'empêcher de la contacter. Je sais que Lake serait là pour moi, et qu'elle saurait me conseiller, mais je ne sais pas... Pourtant, elle m'a confié certains pans de sa vie, et elle sait que mon père est mourant, donc je ne comprends pas trop pourquoi je cherche à lui cacher. Je me promets que, tôt ou tard, je lui en parlerai. Elle pourra m'aider, me rassurer, me consoler, je le sais. Et je sais aussi que je vais avoir besoin d'elle. Il émane d'elle quelque chose qui me donne envie de me confier, de lui donner tout l'or du monde. Cette fille mérite tellement de bonheur, et après ce qu'elle a vécu, j'ose espérer être celui qui lui donnera.

J'ai repensé à ma discussion avec Easton, et je pense vraiment qu'il va falloir que je lui parle de ce que je ressens pour elle. Seulement, avec mon père qui est en train de partir, je doute que ce soit une bonne idée... Disons que l'on ne tombe pas sur le meilleur timing, et j'essaie de me consoler en pensant à Lake pour ne pas penser au pire.

Lorsque je tourne la tête, je constate que Easton me regarde. Son regard en dit long sur ce qu'il pense. Nous savons l'un comme l'autre que nous devons être forts pour Maman. Elle souffre, mais choisit de ne pas nous le montrer. Pour autant, nous ne sommes pas stupides, nous savons qu'elle ne va pas tarder à craquer. Il suffit de regarder la couleur de ses phalanges, tellement blanches à force de les serrer contre le volant de la voiture. J'ai sincèrement de la peine pour elle. Elle n'imaginait sans doute pas devoir s'occuper seule de ses deux enfants. Mais nous serons là pour elle, tout le temps qu'il lui faudra pour se reconstruire après cet événement. Ma mère compte énormément pour moi, elle a toujours été très présente et je compte bien lui rendre la pareille. C'est une femme extraordinaire, qui ne mérite clairement pas tout ce qui lui tombe sur la tête. Ça va faire beaucoup à encaisser, mais je suis certain qu'elle va y arriver. Il le faut.

Mon père m'a souvent dit de vire chaque jour comme si c'était le dernier. Je me console en me disant qu'au moins, il a vécu sa vie à fond. Les larmes me montent aux yeux quand je pense à ça. Toutes ses petites phrases philosophiques vont terriblement me manquer. Mais ce qui me manquera le plus sera sa présence, sa manière de rigoler ou de nous encourager dans chacune des décisions de nos vies. Il a soutenu Easton quand il a dit vouloir aller à la fac, et quand ce sera mon tour... Il ne sera plus là pour me conseiller, et mon cœur se serre un peu plus. Cependant, je refuse de pleurer. Je ne peux pas, je dois être fort. Si je sombre déjà, la chute n'en sera que plus douloureuse. Et je ne peux pas me permettre de chuter. Mon père ne voudrait pas ça, il voudrait que l'on continue à vivre notre vie à fond, sans penser à lui à chaque putain de seconde. Mais comment cela pourra-t-il être possible ? Au fond de moi, je sais que j'aurai du mal à vivre sans la présence de mon père que j'aime tant. Il m'a tout appris, il a fait de moi un homme respectueux et sage, du moins je l'espère. Il m'a toujours enseigné de belles valeurs, dont le respect avant tout. Je ne veux pas le décevoir.