Chapitre 1

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PREMIERE PARTIE



Les premiers flocons commençaient à recouvrir la cour de récréation. Les élèves les plus studieux avaient déjà posé leurs crayons et regardaient ce beau spectacle. Impatients d'attendre la cloche sonner, certains d'entre eux remuaient d'un rythme énervé leurs jambes et leurs pieds qui semblaient s'alourdir. Les élèves n'ayant pas terminé se faisaient persécuter du regard et dissimulaient leur sentiment de réussite ou d'échec en cachant leur feuille. Les moins bons sentaient leur cœur battre de plus en plus fort. Ils fixaient la grande aiguille rouge de l'horloge, dont son tic-tac devenait chaque fois plus lourd. La pièce semblait se rétrécir peu à peu sur eux, et les cartes géographiques et les tableaux accrochés aux murs les agressaient. Les chaises des plus agités grinçaient à chaque mouvement de bassin, le parquet craquait sous les pas lourds du professeur circulant entre les rangs. On ne supportait plus les petits toussotements du voisin, ni les moteurs vrombissant dans la rue. Le moindre petit bruit perçu prenait des dimensions insurmontables.

Les crayons noircissaient une dernière fois les feuilles blanches. Les visages des retardataires collaient aux questions, persuadés que les réponses allaient venir plus facilement. La cloche retentit soudainement. Le vacarme fit sursauter ceux s'étant endormis sur leur table et déclencha la panique chez les retardataires. Le professeur lâcha un « C'est terminé ! », puis applaudit pour faire accélérer le rythme des plus lents.

Parmi les premiers debout, face au bureau pour rendre son devoir, Daisuke ne pouvait que se réjouir ; il connaissait parfaitement sa leçon et avait rapidement rempli le questionnaire. Ce grand brun, récemment récompensé par quelques billets pour ses seize ans, était le plus jeune et le plus talentueux de sa classe, ce dont ses camarades, un tantinet jaloux, l'avaient puni par plusieurs surnoms dérangeants mais amicaux. Leur espièglerie les poussait à le taquiner dans le couloir lorsqu'ils récupérèrent leurs affaires ; on profitait de ces derniers instants entre copains.

Dans toute la ville, on sortait fièrement des écoles. On se précipitait dans le tramway, le métro et les bus avant qu'ils ne soient paralysés par la neige. On était surtout pressé de rentrer chez soi pour mettre au placard ces tristes uniformes qui serrent les cuisses et qui font transpirer les avant-bras. On faisait un dernier adieu chaleureux à ses camarades au croisement des chemins, et on leur souhaitait une bonne fin d'année.

Noël approchait à grands pas. Chacun élaborait déjà son petit programme personnel : premières leçons de ski pour les uns, patinage pour les autres, un peu de repos à la maison pour les plus démunis. Dans chaque situation, les adolescents allaient pleinement profiter du sentiment de liberté qu'ils aiment tant.

Daisuke et son meilleur ami Tetsuya n'avaient pas peur du froid, récemment arrivé sur Hiroshima. Le chemin séparant l'école de leurs maisons n'était pas très long, alors ils rentraient souvent ensemble. Leur paisible quartier se situait au Nord-Ouest de la ville, à flanc de collines. On y trouvait de nombreuses petites ruelles sinueuses, où il n'y avait suffisamment de place que pour une seule voiture à la fois. On circulait entre les maisons individuelles et des petits immeubles qui dépassaient rarement les trois étages. Tout était à disposition des habitants pour qu'ils n'aient pas à se rendre en centre-ville. Cela favorisait une ambiance familiale : on se déplaçait souvent chez son voisin parler de la pluie et du beau temps, et on se connaissait jusqu'à trois pâtés de maison. Ce n'était pas le quartier le plus riche, ni le plus propre, mais c'était certainement le plus tranquille.

La neige cessa de tomber. Elle avait rendu les trottoirs glissants, et les deux garçons eurent quelques difficultés à franchir la petite bosse qui séparait la rue principale de leurs maisons sans tomber. Après plusieurs cascades, Daisuke récupéra le courrier du jour. Ses parents ne rentraient jamais du travail avant lui et le chargeaient de cette tâche quotidienne.

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant