Chapitre 15

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A la veille de la Saint-Valentin, la météo capricieuse forçait Daisuke à effectivement faire très attention. Balayés par de forts vents du Pacifique, les nuages défilaient sans cesse au-dessus de la belle ville de Miyazaki et lâchaient d'un seul coup des torrents d'eau sur les habitations. L'averse de quinze heures fut particulièrement intense.

Les passants s'efforçaient à garder incliné leurs parapluies secoués par les rafales, et ne se demandaient pas encore si leurs femmes allaient leur offrir une boîte de chocolats le lendemain au petit-déjeuner. Parce que la tradition, même commerciale et encore récente, pouvait revêtir un important costume dans les foyers japonais. Celui de la Saint-Valentin prenait du volume chaque année, et contrairement à l'occident, seules les femmes offraient aux hommes. Les heureux receveurs devaient patienter le « jour blanc », un mois plus tard, pour les remercier de leur offrande.

Sous la pluie battante, Daisuke continuait d'errer dans l'un des nouveaux quartiers de la ville depuis une bonne trentaine de minutes et ne pensait à rien de tout cela non plus. Il était loin de sa femme Megumi et ne s'attendait pas à trouver une boîte de chocolats dans la tombe de sa grand-mère. Seul le carnet noir l'intéressait.

Sans parapluie ni capuche, trempé et agacé de ne rien trouver, il se précipita sous l'arrêt de bus le plus proche. Il s'assit sur le banc vide, mit sa sacoche dégoulinante sur ses genoux et en sortit le plan de la ville, après s'être séché les mains et les cheveux avec plusieurs mouchoirs en papier. Il regarda de plus près la zone où il se situait. C'était pourtant bien ici, dans ce secteur. Un rayon de soleil perça l'épais manteau nuageux et éclaira brièvement l'ensemble du quartier. Même le tout-puissant semblait lui confirmer sa pensée. Ce serait idiot d'avoir aménagé un planning universitaire et se payer un aller-retour à plus de vingt-cinq mille yens pour revenir les mains vides, pensait-il.

Un bus s'arrêta. Il interrogea le chauffeur. Par chance, il allait là où il le souhaitait. A l'hôtel de ville.

Il lui fallait plus de renseignements. Après tout, seul son grand-père lui avait fourni quelques indications approximatives sur la ferme, et la ville s'était incroyablement étendue et métamorphosée depuis quatre-vingt ans. Et puis, c'était la première fois qu'il venait ici. Peut-être que la tombe n'était plus accessible, qu'elle avait été détruite par des bulldozers dans la construction d'une maison, ou recouverte du bitume qui fit ensuite office de route. Peut-être que la mairie connaissait l'existence du cercueil, l'avait déterré et emmené au cimetière de la ville. Peut-être même que son grand-père avait menti et qu'il n'avait jamais déplacé le corps de sa tendre aimée. Peut-être était-ce tout simplement une bêtise de venir.

Daisuke garda son calme. Son intuition lui faisait rarement défaut. Il avait le pressentiment de bientôt mettre la main sur la tombe et le carnet. L'idée l'effrayait encore mais le rassurait en même temps. Depuis trois semaines, il était obsédé par le souvenir de sa grand-mère. Quelques minutes après le réveil de Miwa, il eut la sensation d'être choisi pour détruire le carnet. Parce que ce carnet existait toujours et qu'il pourrait être retrouvé et utilisé à nouveau. Parce que l'Akuma, s'il le désirait, pouvait manipuler quelqu'un, le forcer à récupérer le carnet et à y écrire des vœux, comme cela s'était passé avec Saya.

Daisuke ne savait pas expliquer ce qu'il vivait et n'en parla que très peu pour ne pas éveiller la curiosité. Seul Kazuki était dans la confidence. Daisuke lui-même ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Il devait simplement retrouver le carnet et s'en débarrasser.

Il se présenta à l'accueil de l'hôtel de ville.

« Bonjour mademoiselle, je recherche l'emplacement de la ferme des Fujiwara, elle a été détruite après 1960 je crois, peut-être avez-vous encore une carte des années vingt, ou des années trente de la ville qui pourrait m'aider ?

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant