Chapitre 4

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Les étudiants se bousculaient dans l'amphithéâtre. On se bataillait pour avoir les meilleures places, et on négociait les quelques sièges qui avaient injustement été réservés. Les journaux gratuits distribués dans le métro circulaient entre les rangées et faisaient rire les lecteurs. Certains rigolos avaient caricaturé les personnalités en couverture, ou avaient dessiné la tête de leur professeur sur le corps d'un mannequin.

Ce dernier arriva dix minutes avant le début de son cours, prévu pour huit heures pétantes. Café à la main, Daisuke commençait à ne plus être intimidé par l'impressionnante audience qui faisait face à lui. A l'image de nombreux jeunes adultes, il avait peu dormi et peinait à ouvrir les yeux en ce mercredi matin. Il restait dans sa bulle, assis à son bureau, face aux gradins. Il se désintéressait des étudiants et continuait à s'interroger sur le comportement de son grand-père, dont il n'avait plus de nouvelles depuis deux jours.

L'ironie voulut que le cours du jour porte sur la psychopathologie, l'étude raisonnée des troubles mentaux ou comportementaux. Ce sujet ne le perturba pas, au contraire de son smartphone qui ne cessait de vibrer dans sa poche. C'était Kazuki qui essayait de le joindre. A la fin des deux heures, il quitta hâtivement l'amphithéâtre en même temps que ses élèves pour le rejoindre et venir aux nouvelles.

Le vieillard était discrètement rentré au crépuscule avant que la maison ne se réveille. Il passa les deux nuits suivantes à méditer et était incapable de trouver un profond sommeil. Il fermait l'œil quelques minutes, rêvassait, puis voyait le visage de Miwa apparaître et se réveillait en sursauts. En journée, il prenait tout son temps pour ranger le sous-sol, saturé de vieilles affaires rongées par le temps et dévorées par la poussière. Il découvrit par hasard un carton sous un tas de vases, et remonta précipitamment à l'entrée pour passer un coup de téléphone. Il était adressé à Daisuke.

La sonnette résonna quelques minutes plus tard dans la maison. Kazuki ouvrit la porte.

« Ah ! te voilà, s'exclama-t-il. Suis-moi, c'est très important.

- Tout va bien ? Est-ce en rapport avec Miwa ?

- Oui, rassure-toi, ce ne sera pas très long.

- J'espère, sinon je vais rater mes cours de l'après-midi. »

Kazuki avait le visage fermé. Il installa Daisuke dans le washitsu, cette pièce de tradition japonaise en tatami, dans lequel se trouvait une table basse chauffante et quelques coussins. Ils s'agenouillèrent et se servirent un rafraîchissement, en accompagnement de quelques biscuits.

Daisuke remarqua une étrange machine. C'était une boîte grise qui lui rappelait sa première console de jeu. Elle était en mauvais état et ne comprenait que quelques boutons, un voyant rouge et deux électrodes adhésives.

Kazuki prit la parole.

« Cette blonde aux yeux verts, l'as-tu vraiment rencontrée par hasard ?

- Bien sûr, assura-t-il. Elle était à côté de moi, face à l'Emakake. »

Le vieillard laissa passer un silence de quelques secondes, tout en hochant la tête, le regard perdu, les mains jointes collées au menton. Il pointa alors du doigt l'objet posé sur la table basse.

« Sais-tu ce que c'est ?

- Aucune idée.

- C'est un Kaiko. Une invention américaine. Il en existe très peu dans le monde. Celui-là a été utilisé pendant la guerre du Vietnam. Il sert à relier deux cerveaux entre eux et facilite l'échange de la mémoire. Les américains l'utilisaient pour connaître des informations que cachaient les ennemis faits prisonniers.

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant