Chapitre 6

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Les deux hommes restèrent immobile. Le corps de Kazuki avait fortement été stimulé et n'était plus dans la même position. Cette nostalgie lui avait naturellement fait plaisir, mais lui fit du mal à l'instant où il reprit conscience qu'il allait avoir quatre-vingt dix ans. Daisuke, à l'inverse, avait découvert une étrange atmosphère, en décalage avec son temps. Elle le fascinait.

« Cette façon de parler, de se tenir face à un supérieur ou une inconnue, c'est dingue, c'est totalement en décalage par rapport à aujourd'hui.

- Pourtant, ce n'est vieux que de soixante-dix ans.

- Quand je repense à mes élèves ce matin ! Nous ne vivons plus dans le même monde.

- La comparaison est impossible, les mentalités ont changées, et puis il y avait la guerre. Elle était terminée en Europe, mais ne faisait que commencer à détruire le Japon.

- Je ne savais pas que tu n'avais que dix-huit ans lorsque tu as perdu ta main, comment l'as-tu vécu ?

- Je pourrais t'emmener sur cette plage et revivre le moment si tu veux.

- Oh non, surtout pas, merci ! »

Ils rigolèrent avant de reprendre leur sérieux.

« C'était assez angoissant quand Saya a pointé du doigt ta prothèse.

- C'est une femme impressionnante tu ne trouves pas ?

- Elle me rappelle beaucoup Miwa. Ses yeux verts, cette petite taille, mais surtout ce sourire dévastateur. Et puis, elles ont pratiquement le même âge.

- Oui, elle avait précisément dix-neuf ans. Tu comprends pourquoi j'ai été choqué de voir Miwa sur l'écran. Je pensais me retrouver à nouveau face à Saya. »

Kazuki se redressa et s'assit au niveau de la table pour picorer quelques gâteaux secs. Daisuke resta allongé.

« Je m'attendais à plus de révélations, mais c'était agréable, je prendrais plus de recul sur ma vie maintenant. Et puis, tu avais raison, je ne manquerai pas mes cours de cet après-midi. J'ai même le temps de partager le déjeuner avec toi.

- Parce que tu penses que nous avons déjà terminé ? Ce n'était que l'introduction.

- Comment ça ? J'ai découvert ce que tu as vécu pendant la guerre et pourquoi Miwa était si effrayante à tes yeux. N'est-ce pas l'essentiel ?

- Cette... cette "séquence" sert de base pour celles qui vont suivre.

- Et combien y en aura-t-il ?

- Je ne sais pas encore. Deux, voir trois, si j'arrive à combiner plusieurs moments.

- Bon, il y a de la marge. A vrai dire, c'était intéressant. »

Un léger sourire anima le visage de Kazuki. Il s'interrogea.

« Aujourd'hui l'opération est facile, mais comment faisaient les Américains pour pénétrer à l'intérieur d'un souvenir, ou de l'inconscient d'un inconnu ? Je veux dire, si l'inconnu ne voulait rien transmettre, avait-il juste à ne pas penser ?

- Avec un interrogatoire musclé et bien emmené, n'importe qui peut avouer.

- Mais comment forcer quelqu'un à se souvenir d'un évènement ?

- A mon avis, le fait de lui montrer des photos du lieu ou de l'événement en question va faire travailler son inconscient.

- Le voyant rouge s'allume, un américain branche l'électrode et le tour est joué ?

- Certainement...

- C'est trop facile. Si le Kaiko était aussi efficace, ils l'utiliseraient encore.

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant