Chapitre 7

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Daisuke se dressa rapidement sur ses pieds et fixa son grand-père.

« Pourquoi m'as-tu caché que tu étais un Hibakusha ? demanda-t-il véhément. Tu n'as cessé de répéter que tu avais quitté la ville, que tu étais parti à Tokyo quelques jours plus tôt. Pourquoi nous avoir menti ? Avais-tu honte ? »

Kazuki baissait la tête. Il n'était pas fier. Daisuke continua.

« Je n'aime pas que l'on me mente. Cela n'apporte rien, si ce n'est des ennuis.

- Accepte mes excuses, implora Kazuki. Mais comprends que ce qui s'est passé a été un traumatisme, et qu'il est difficile d'en parler, même trente ou quarante ans plus tard. »

Daisuke quitta la pièce les sourcils froncés. Il se servit un rafraîchissement dans la cuisine et prit son temps pour le consommer. Il s'appuyait contre l'établi, les jambes croisés, et repassait la scène de l'explosion en boucle. Celle-ci le choquait.

Il revint s'asseoir autour de la table basse. Il laissa passer un léger silence.

« Personne n'aurait porté un jugement sur ta situation de Hibakusha, qu'est-ce qui t'a pris de t'enfermer dans un mensonge ? dit-il d'un ton plus apaisé, en empathie.

- Je devais t'en parler. Les blessures ne sont pas encore refermées. Peut-être le seront-elles ce soir, lorsque tu auras découvert toute la vérité.

- Est-elle si lourde ?

- Plus que tu ne le crois. »

Kazuki se leva à son tour et sortit de la maison prendre l'air. Il n'était pas bien et angoissait concernant la suite de l'opération. Il ne savait pas si le plus dur avait été fait, ou s'il était à venir. Dans le même temps, Daisuke grignota quelques biscuits et s'interrogea sur la santé de son grand-père. Il ne comprenait pas pourquoi il n'avait gardé aucune séquelle du bombardement atomique, qui fit tant de victimes par les radiations. Il lui demanda lorsque celui-ci fut de retour dans la pièce, prêt à repartir. Kazuki ne répondit qu'un simple : « Tu le découvriras par toi-même. »

***

« Faites-nous l'honneur de rester en notre compagnie ?»

Un extraordinaire rassemblement eut lieu vers le 15 août, près du port, soit neuf jours après le bombardement. La radio nous apprit que Nagasaki fut détruite par une bombe similaire, qu'ils appelaient « bombe atomique ». Nous entendions par la suite, et pour la première fois, la voix de notre Empereur Hirohito. Il nous annonça la fin de la guerre. La foule jacassait et se partageait en deux émotions distinctes : le soulagement d'en finir et l'humiliation d'être vaincue. Certains criaient la fin de la monarchie, mais les informations du gouvernement qui suivirent démentirent rapidement une quelconque modification du pouvoir sous la future occupation américaine.

Un groupe de scientifiques américain débarqua dans la baie d'Hiroshima peu après la capitulation officielle du pays, qui eut lieu le 2 septembre. Après avoir mesuré les dégâts, interviewé des victimes et s'être pris en photo devant le Dôme de Genbaku, ils furent rejoints par des troupes militaires. Elles apportèrent des matières premières et des produits de consommation courante, avec pour objectif de mener à bien la reconstruction de la ville. Mais aucun survivant ne voulait les remercier publiquement. Les américains avaient détruits nos vies et voulaient maintenant les reconstruire. Alors, nous prenions tout de même leurs ressources, mais nous évitions leurs regards, par fierté. Nous regardions parterre, en l'air, à côté. Nos orgueils étaient blessés au plus profond. Ils respectaient peu notre culture, nos valeurs, et même nos blessés, qu'ils considéraient pour certains comme déjà morts. Nous étions désormais sous tutelle américaine, dépendant de leurs décisions, comme l'est un jeune enfant avec ses parents.

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant