Chapitre 10

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Les passants formèrent en quelques minutes une épaisse foule autour du Shibuya 109. Alertés par des explosions qui résonnèrent dans une grande partie de la ville, ils se tenaient sur les routes et les trottoirs aux alentours. Toute la circulation dans le quartier était arrêtée, et chaque œil se tournait vers l'immense colonne de flammes qui ravageait le cœur du centre commercial. Les survivants, témoins privilégiés du drame, sortaient par dizaines des entrées principales et des sorties de secours. Chacun tentait de se protéger de la toxicité de la fumée par n'importe quel moyen : les bras, les mains, l'écharpe que certains portaient à ce moment-là, et d'autres rentraient même leurs têtes dans leurs manteaux ou rampaient au sol.

La cinquantaine de pompiers mobilisés pour éteindre l'incendie secoururent dans le même temps les personnes prisonnières des flammes. Ils sortirent des hommes et des femmes traumatisés, couverts de cendres et en pleurs, mais heureux de retrouver l'air pur et la lumière du jour, et de s'en sortir vivants. Les secours avaient également pu compter les morts qu'ils voyaient à l'intérieur du bâtiment ; les premiers chiffres faisaient état de plus de soixante-dix victimes, mais on s'attendait à bien pire encore, une fois l'incendie maîtrisé.

Ce puissant brasier s'était déclenché suite à plusieurs déflagrations programmées dans les ascenseurs. Elles n'étaient pas très violentes, mais suffisamment bien placées pour tuer et lancer un feu qui piégea les clients situés au dernier étage. Deux hélicoptères appelés en renfort s'étaient mis en stationnaire au-dessus du centre commercial et libérèrent quatre sauveteurs, qui intervenaient plus couramment dans des opérations en haute mer. Leur but était d'hélitreuiller les quelques clients réfugiés sur le toit, et les victimes trop atteintes pour s'échapper des lieux de l'attentat. Ils secoururent douze blessés graves dont une belle jeune femme, d'abord placée au service réanimation de l'hôpital central de Tokyo, puis transférée dans un bloc opératoire. Les médecins la mirent ensuite dans une belle chambre individuelle, spécialement aménagée d'un puissant système de respiration artificielle, peu après la lourde opération chirurgicale.

Plusieurs graphiques et sons électroniques traduisaient le rythme de son cœur. Il s'était stabilisé depuis son arrivée, contrairement à son cerveau, ne semblant plus dégager d'activité. Les médecins avaient passé bon nombre de scanners et estimaient Miwa à la limite de la mort cérébrale.

L'un de ces médecins, responsable de la patiente, et un neurochirurgien se tenaient près du lit. Ce premier décrivait les évènements à son collègue, et paraissait inquiet sur l'avenir de la jeune femme. Le spécialiste du cerveau analysait quant à lui chaque radio et tenait son menton de la main gauche. Il faisait parfois la moue, parfois des grands yeux. Il rejoignait l'avis du médecin : l'élément en métal qui avait transpercé le crâne de Miwa avait fait beaucoup de dégâts. Trop de dégâts. Soudain, une main se posa sur l'épaule du médecin. Celui-ci se retourna.

« Docteur, comment va-t-elle ? lui demanda Daisuke, paniqué.

- Son état actuel est très inquiétant », répondit-il.

Daisuke lâcha un juron et se retourna vers Kazuki, qui l'avait accompagné. Le vieillard le consola sagement, et le médecin les invita amicalement à s'asseoir pour qu'il puisse terminer son entretien. La chambre était grande et un canapé et deux fauteuils étaient proposés aux proches de la patiente, tandis que deux grandes baies vitrées laissaient une formidable vue sur Tokyo, magistralement illuminée de mille lumières. La nuit venait de tomber. Les doux néons tamisaient la chambre et faisaient ressortir les murs peints d'un pourpre assez clair, ce qui apaisa la nervosité ambiante.

« Excusez-moi docteur, je ne me suis pas présenté. Je suis Daisuke, un a...

- Nous sommes de sa famille, interrompit Kazuki. Je suis son grand-père, et Daisuke est l'un de ses cousins », dit-il d'un geste de la main en sa direction pour le présenter.

Souvenirs d'HiroshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant