Chapitre 46 - Attrape-rêves

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-  Je croyais que je n'avais pas le droit de sortir.

- Tu es avec moi, personne n'est assez bête pour tenter de s'en prendre à toi sous mon nez.

- La dernière fois que je me suis retrouvée dans une voiture en ta compagnie, nous savons tous les deux comment ça s'est finit.

- Personne n'est assez bête à part mon père. Rectifia-t-il.

Une heure de route dans la même voiture et je ne savais toujours pas ce qui me retenait de lui enfoncer la tête dans le volant. Le trajet était silencieux, coupé par moment par quelques-uns de ses commentaires inutiles.

Je n'avais aucune idée d'où nous nous rendions, il tenait à garder le secret comme si cela était classé secret défense et je le haïssais d'avoir choisi ce jour-là pour sortir. Il devait faire cinq degrés maximums mélangés à une pluie acharnée.

Sa posture m'indiquait que sa fatigue prenait le dessus sur son attention. Son bras sur le volant et l'autre sur l'accoudoir, la voiture accélérait à chaque fois qu'il clignait des yeux trop longtemps.

Il était dans le même état depuis deux jours, songeur et absent à chaque fois qu'un de ses hommes souhaitait s'entretenir avec lui. Son comportement m'inquiétait, j'en venais presque à m'en vouloir de ne pas lui avoir accordé plus d'attention, j'avais préféré faire la forte tête et l'ignorer.

J'aurais peut-être dû rester.

Même si d'un côté, je ne savais pas pourquoi je devenais vital à son sommeil, et pourquoi il devenait indispensable au mien.

Je ne voulais pas de cette dépendance qui devenait ridicule, j'étais sûr qu'il ne la voulait pas non plus d'ailleurs, que ma présence lui servait seulement de veilleuse et que la sienne me servait d'attrape-rêves.

Cette pensée m'écrasa la poitrine d'une douleur vive et rapide. Je me mettais à penser à des choses absurdes.

- Pourquoi tu ne parles pas ?

- Pourquoi est-ce que je devrais le faire ?

- J'en ai envie. Ton insupportable voix pourrait m'éviter de m'endormir.

D'un geste, j'allumai la radio et augmentai le son de façon à ce qu'il perde l'ouï dans les plus brefs délais. Il claqua directement ma main et me fusilla du regard. Sa main, décorée de bagues argentées, glissa sur le levier de vitesse et la voiture accéléra soudainement.

Une vingtaine de minutes passèrent, il ralentit devant un large tunnel sombre. De l'autre côté de celui-ci, se trouvait une côte bordée de grande barrière en bois, donnant sur la mer.

La pluie ne me laissait pas le plaisir de découvrir les vagues déchaînées. Je tournai la tête pour savoir s'il connaissait réellement la route. Apparemment, oui, puisqu'il se risqua à prendre des petits chemins trop étroits pour notre gros véhicule.

Je m'accrochai à la poignée intérieure pour amortir les secousses de la voiture, dont mon corps était victime. Son rire était parfaitement perceptible, il prenait du plaisir à me voir serrer les dents.

- Si tu veux te débarrasser de moi, j'aimerais le savoir maintenant. Lançai-je, dans l'incompréhension.

- J'ai d'autres plans pour toi, trésor.

Ses yeux s'encrèrent un centième de seconde, dans les miens. J'y aperçus une lueur de délectation. Rien de ce qu'il me disait, ou plutôt ne me disait pas, ne me rassurait.

L'espoir est mauvaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant