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20.

C'est presque avec la boule au ventre que Renjun pose un pied dans l'enceinte de l'établissement, laissant un Minhyung inquiet derrière lui. Ça fait deux jours que l'oméga leur a signalé un retard dans ses chaleurs, et ils n'ont absolument rien pu faire pour essayer de comprendre le pourquoi du comment. Aucun médecin n'est ouvert durant le week-end, et aller à l'hôpital n'était pas encore envisageable. Il faut un retard de plus d'une semaine pour paniquer vraiment, et pour débarquer à l'hôpital. Ce qui a laissé les deux bêtas dans un état de stress intense, et l'oméga dans une anxiété sourde. Il est dans un établissement plein d'alphas. Si jamais ses chaleurs se déclenchent en plein milieu d'un cours, d'un couloir ou de la cour en elle-même, il est foutu. Et pourtant, il marche vers sa salle de classe aussi assurément qu'il le peut, tout en sachant qu'il aurait dû rester chez lui, au fond de son lit. Mais avec la nouvelle secrétaire qui lui fout la pression sur ses absences, il en vient même à être angoissé à l'idée de louper un cours pour rien. Le noiraud arrive en haut des escaliers, et son souffle se coupe presque alors qu'il remarque la silhouette de quelqu'un juste à côté de sa salle de cours, fermant les yeux en reconnaissant Jeno. Bon sang ce qu'il a eu peur.

-Suis-je donc si affreux en ce lundi matin que tu fermes les yeux ?
-Non, non. Ça n'a rien à voir avec toi, t'es très bien comme t'es.
-Merci. Mais dis-moi, pourquoi tu sens à ce point l'anxiété ? C'est presque étouffant.
-Ma vie entière me cause de l'anxiété Jeno, et plus encore ma condition d'oméga.

Jeno fait une petite moue et suit des yeux l'oméga qui s'avance jusqu'à lui, s'appuyant sur le mur derrière lui. Ce que Renjun apprécie vraiment avec Jeno, c'est qu'il sait quand il ne faut pas poser plus de questions. Il ne sait pas comment il fait, mais il sait et c'est franchement rassurant. Le bêta lui lance un bref regard et lui tend un petit flacon de parfum neutre, servant plus à cacher les odeurs qu'à en donner une d'ailleurs, le faisant doucement sourire. Depuis plus de deux mois qu'il connaît Jeno, Renjun a remarqué qu'il avait très souvent des actes de service envers lui. Des petites attentions anodines, mais auxquelles personne n'accorde le moindre regard en temps normal. Et il doit avouer que ça le touche, et lui plaît. Jeno et Jaemin sont les seuls en dehors de Donghyuck et Minhyung qui font autant attention à lui, et il se sent à chaque fois perdu, pas habitué à ressentir ce genre d'émotions ou de sensations.

-Merci.
-Y'a pas de quoi. Il te servira plus à toi qu'à moi aujourd'hui.
-Tu en mets ?
-Rarement. Mais des fois, je n'ai pas envie que les autres puissent sentir comment je me sens. Et puis, Jisung panique déjà pour trop de choses, pas besoin de lui rajouter mes états d'âme assez particuliers.
-Jisung ? Park Jisung ? Le jeune alpha en première année ?
-Mhmh, tu le connais ?
-De nom, et de visuel. Mais ça a l'air d'être un alpha plus du genre bêta, de ce que j'ai pu voir.
-C'est le cas. Il ne sait pas ce qu'il fait en tant qu'alpha.
-Y'en a jamais assez. Et puis, ça permettra à son oméga de bien vivre. Au moins lui.
-Tu penses que tu n'y as pas le droit aussi ?
-Je sais qu'aucun alpha ne pourra supporter qu'un oméga puisse lui tenir tête. Et sincèrement, je sais pas si j'ai vraiment envie de prendre ce risque. Avec qui que ce soit même.

Le bêta tourne la tête vers son aîné, tristement surpris. À quel point un oméga peut-il avoir souffert à cause d'un alpha pour se résigner à connaître l'amour ? Habituellement, tous les omégas ont cette petite pointe de naïveté quand ça touche l'amour. Tous ceux que Jeno a rencontré ont toujours assuré vouloir avoir un partenaire, alpha ou bêta ça leur importait peu, tant qu'ils ne finissaient pas seuls, et qu'ils pouvaient avoir un peu d'amour, de câlins et de tendresse avec l'être aimé. Quand bien même ils avaient parfois subis des expériences affreuses avec un ou plusieurs alphas. Mais Renjun est différent. Il le savait, et pourtant il est toujours surpris de sa réponse. C'est d'ailleurs cette différence qui l'a attiré vers lui la première fois qu'il a pu l'observer un peu mieux qu'au travers de ce qui était dit. La sonnerie l'empêche de dire quoi que ce soit, mais il profite du vide des couloirs pour se baisser légèrement vers l'oméga, posant ses lèvres sur sa joue avant de partir, rejoignant sa salle au fond du long couloir. Renjun reste totalement statique, les yeux écarquillés de surprise et les lèvres entrouvertes. Ce contact était rempli de tant de douceur, qu'il a du mal à y croire. Et il ne comprend pas comment ça a pu le mettre dans un tel état. Il cligne soudainement des yeux et regarde autour de lui, totalement perdu. Autant dans ses pensées que dans son environnement. Il ne remarque même pas le regard de Jeno posé sur lui, ni son petit sourire gêné mais heureux.