1-Ève

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Ève

La main qui flotte au vent, une musique des années 80 qui passe à la radio et me voilà sur la route vers mon avenir, vers ma nouvelle vie et étrangement, je n'ai pas peur.

Je laisse alors mon esprit vagabonder au fur et à mesure que la voiture avance. 47 heures de routes, plusieurs miles nous séparent de mon ancienne vie et ce n'est pas pour me déplaire.

Après mon séjour à l'hôpital, mon jumeau est retourné à Boston avec mon autre frère, puis, mon père a pris rendez-vous avec le doyen de l'Université de Californie pour demander le transfert de mon dossier à Boston. Il était d'accord avec ma décision même s'il n'était au courant de rien.

Cependant, malgré cette distance que je m'impose, comment faire ? Comment passer outre un événement quand la vie s'efforce de nous le renvoyer en pleine figure ? Comment oublier un an d'enfer et deux mois de souffrance ?

J'ai souffert pendant un an, j'ai craqué il y a deux mois et maintenant, je me sens comme une imposture qui tente de fuir son crime, un crime imparfait. Je souhaite tout oublier mais on ne peut devenir amnésique en se réveillant un beau matin, si c'était le cas, cela relèverait du miracle.

Je l'ai appris à mes dépens. Entre les interrogations, la compassion, les jugements et les accusations, ma vie a pris un tournant désastreux. Ainsi, la phrase prononcée par le médecin lors de mon court séjour à l'hôpital perd tout son sens, "Tu es courageuse, tu es une battante", ce ne sont que des conneries. Je ne survis pas, je retiens mon souffle, je ne suis pas une battante, je m'écrase lamentablement sur le sol.

Le choix s'est donc porté sur Le Boston College. Il ne fait certes pas partie de l'Ivy League, mais il détient un département historique important. Plus impressionnant, plus grand que celui de Leland Stanford Junior University. D'autant plus que le complexe sportif est le meilleur. Cela ajoute donc de la plus-value à l'endroit.

— Ève je voudrais te parler avant qu'on soit arriver. J'arrête mes rêveries, la vitre remonte et mon père baisse le volume de la radio. Je sais que tu n'es pas prête à discuter de ce qui t'es arrivée il y a deux mois mais il le faut, je suis là pour toi, tes frères aussi, tu dois nous faire confiance.

— Papa ce n'est pas contre toi, en gardant pour moi ce qu'il s'est passé je vous protège, on a déjà eu tellement de mal à survivre à la mort de maman que je ne souhaite pas briser la famille.

— Tu n'as pas commis de meurtre?

— Non

— Tu n'as rien fait d'illégal?

— Papa tu me connais alors non je ne suis pas une junkie, une meurtrière, un monstre je suis juste détruite et j'ai besoin de respirer.

Il se tait et réfléchit à d'autres questions. Non je ne suis pas une meurtrière, je n'ai rien fait d'illégal mais je reste coupable. Mais rien ne se passe, sa bouche est close. Le voyage continue dans un silence de plomb et après quelques minutes, nous arrivons à une station service.

— Tu veux manger ou boire quelque chose ?

— Un Cherry Cola et un paquet de Dragibus s'il te plaît. Il me regarde l'air de dire "tu sais que le salé existe quand même ?", et mon regard lui envoie en pleine figure "ne te mets jamais entre les dragibus et moi", il rigole et sort de la voiture.

J'attends mon père, la musique qui se joue dans mes oreilles est plutôt calme, douce, sans artifices. Cependant, alors que je cale ma respiration sur le rythme de la musique, je vois une Jeep se garer à côté de la voiture de mon père.

Un groupe de garçons descend de cette voiture et l'un d'eux regarde dans ma direction, il s'avance et siffle avant de sautiller comme un enfant.

— ... Mec, je n'y crois pas, c'est le dernier modèle ! Elle est juste sublime.

AmnésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant