Amnésie

10- Théodore

Sur la glace, je n'ai qu'une seule pensée en tête. Ce putain de rendez-vous. Devoir collaborer avec quelqu'un d'autre, c'est impossible pour moi. Je ne peux lui faire confiance, du moins, pas maintenant. Ève représente cette attraction dangereuse qui menace de me refaire tomber. Mais, si je plonge une nouvelle fois, je ne suis pas sûr de me relever ou d'en sortir intacte.

— Théodore, tu te bouges ou tu attends la venue de Beyoncé ?!

L'un de mes coéquipiers me bouscule et je sors de mes pensées.

Le match avec les Tigers de Colorado College. Des heures d'entraînements, d'analyse et de stratégies mises en place avec le coach Mitchell pour réussir à battre cette équipe. Certes, ce n'est qu'un match amical, mais si victoire il y a, nous aurons l'ascendant sur la première équipe que nous allons affronter lors de la NCAA*.

Je rentre dans l'arène le casque sur la tête, et dans l'attente de la présentation des différents membres de l'équipe, mon regard se pose sur les gradins. La patinoire affiche complet ce soir. C'est l'endroit où il faut être au début de l'année. Le premier match, celui qui déterminera la suite de la compétition. Cependant, elle n'est pas là.

J'ai l'air d'un con.

J'ai imaginé que notre collaboration allait nous rapprocher, mais elle reste absente.

En même temps, vu ce que tu lui as lancé quand elle t'a parlé d'organisation.

— La capitaine des Eagles de Boston pour cette année, mesdames et messieurs, je vous présente THOÉODORE HARDMANN!

À l'entente de mon prénom, je m'élance sur la glace. Mes gestes sont précis et calculés. Arrivé, au centre de la patinoire, de la glace s'envole sous l'impact de mon freinage et je lève la main vers la foule avant d'être rejoint par mes coéquipiers. Les hurlements, les cris de joie, tout est présent pour que chaque cellule de mon corps réagisse, mon cœur pulse plus rapidement et les applaudissements font monter cette adrénaline essentielle pour l'équipe entière.

Trois tiers temps de vingt minutes de jeu et une quinzaine de minutes de temps effectif. On doit constamment être sur nos gardes. Une erreur en défense ou en attaque et le match est perdu. Avant le début de la première période, on se fait quelques passes, des tirs au but et des accélérations histoire de se mettre dans le bain.

Tandis que je m'apprête à m'hydrater, je la vois. Son pantalon à pinces bleu marine se marie très bien avec son pull blanc. Son regard fait le tour de la patinoire, mais elle ne bouge pas.

— Théo, t'es à l'ouest aujourd'hui ou ça se passe comment ? Je te rappelle qu'on a un match à gagner et si tu ne te bouges pas le cul, je vais trouver un moyen de le faire !

Le coach Mitchell s'énerve avant de nous ordonner de rejoindre le centre. Je repositionne mon casque, essayant de faire le vide dans mon esprit. J'arme ma crosse, le palet dans mon viseur et j'attends le coup de sifflet, qui marquera le début de la première période.

Il ne tarde pas à venir et je me lance. La stratégie en tête, je m'applique à la respecter mais très vite, je me retrouve plaqué contre le plexi et une douleur pointe le bout de son nez au niveau de la côte droite.

Ils sont meilleurs et c'est un problème.

Je me ressaisis rapidement lorsque le bruit qui indique un but retentit dans la patinoire.

Ces connards viennent de marquer.

La crosse dans mes mains, j'attends que les défenseurs jouent leur rôle. Adrien contrôle le disque noir et me l'envoie. C'est maintenant que tout se joue. Nous devons revenir au score dès la première période pour nous donner l'avantage. Le jeu avec Noah devient précis, on anticipe et en un coup rapide, le palet finit dans le but adverse.