Amnésie

2-Théodore

C'est courbaturé que l'ensemble du groupe descend de la voiture. Nous aurions dû rentrer plus tôt. Comme à chaque vacance, l'un de nous décide de faire une grasse matinée, entraînant alors un retard conséquent. Nous prenons donc nos affaires et pénétrons dans la demeure qui sera désormais la nôtre.

— Welcome home les Eagles, vous êtes prêts pour une année remplie de victoires, de soirées, de filles et de... Je coupe directement mon coloc bien trop joyeux et réveillé.

— À ta place, j'y réfléchirais à deux fois avant de finir ta phrase, je te rappelle que cette année on joue notre avenir en ligue pro et croyez moi vous allez suer comme des porc lors des entraînements et bosser vos cours.

— Oui maman, tu ne veux pas nous mettre au régime sec en plus de ça, c'est notre dernière année, autant en profiter non.

Il me tape à l'épaule avant de se diriger vers l'étage. Je pose mes affaires à côté du canapé et je pars au frigo me prendre une boisson énergisante. Il faut que je pense à remercier le coach pour l'aménagement, les courses pour tout et même pour ma nomination en tant que capitaine.

Je réserve une surprise bien coriace à mes colocs et Adrien Lander a tort de se moquer du régime sec, car une fois la compétition lancée, aucuns écarts ne sera permis. Puis vu ce que le coach a foutu dans nos placards, je n'ai pas besoin d'user de mon imagination pour dresser une liste des repas équilibrés.

— Alors cap, prêt pour cette nouvelle année? Je me retourne pour trouver l'un de nos attaquants, Noah.

Rusé, féroce sur la glace, il est mon partenaire depuis le début. On anticipe le jeu, on attaque et on marque, sans lui, je ne serai pas à la place de capitaine actuellement.

— Oui et non, d'un côté je suis content d'être le capitaine cette année mais de l'autre je ne sais pas ce que je vais faire de mon avenir après la fac, j'ai toujours joué la facilité. Dis-je en regardant le mur qui me fait face.

— La facilité veut que tu entres dans une équipe de la NHL, ce n'est pas ton rêve? Me demande-t-il en s'installant à mes côtés.

— Entre l'état de santé de ma petite sœur, ma mère qui enchaîne les gardes et...les autres problèmes, je ne sais plus si m'éloigner de Boston est une bonne idée.

— Tu voulais entrer dans quelle équipe si possible?

— Les Devils du New Jersey.

Une équipe qui se situe très exactement à 5h25 minutes de route de ma famille. Cependant, je rêve d'intégrer cette équipe depuis que j'ai enfilé des patins et mis mon premier palet dans un but avec mon père.

— Je ne suis pas le mieux placé pour t'aider, mais en tant que coéquipier et ami, je te dis de suivre le chemin qui te fait le plus vibrer, est ce que tu aimes la foule, sentir le froid quand tu joues et être un sportif de haut niveau, ou préfères tu la sécurité, rester ici, à travailler dans le domaine de tes études et j'en passe.

— T'as sûrement raison. dis-je en me levant. En attendant, il faut qu'on se prépare pour un briefing du coach dans moins de deux heures, je te laisse prévenir les gars.

— À vos ordre mon capitaine. réplique-t-il en imitant le salut militaire avant de partir à l'étage.

Je le suis et entre dans ma chambre. Elle est plutôt grande, lumineuse. Sur les murs, des posters de joueurs célèbres, des photos de ma famille, une étagère avec mes trophées et pour finir, une bibliothèque avec une tonne de livres.

Loin du cliché du sportif prétentieux, j'aime m'évader dans la littérature, façonner mon imaginaire et continuer de rêver alors que des barrières commencent à se dresser sur mon chemin. Une fois mes affaires rangées, je prends mon sac de sport et je retrouve une partie de l'équipe devant la porte. On va souffrir aujourd'hui.