Chapitre 6

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Je me réveille, tout courbaturé. Dormir à même le sol n'a pas le même confort que les doux lits moelleux du Capitole. Je ne sais pas quelle température il fait, mais je suis persuadé qu'elle a augmenté depuis hier soir. Aucun coup de canon n'a retentit. Bon signe pour les autres, mais un mauvais pour moi. Je pense que ma stratégie de rester caché dans ces grottes est tombée à l'eau si tout le monde fait la même chose. En parlant d'eau, il faut que je me mette à sa recherche. Il doit bien il y en avoir quelque part, sinon à quoi bon. Tous les tributs seraient morts dans trois jours au plus tard. Ce ne serai pas un beau spectacle. A moins qu'elle soit dans les sacs de la Corne d'Abondance. Même pas la peine d'y penser, je n'irai pas. 

Je me lève de mon matelas de fortune, qui se résume à ma veste. Je me dégourdi les jambes, et part en exploration. L'eau est ma mission principale de la journée. Alors j'explore encore et encore, ce labyrinthe sinueux qui ne finit jamais. Il faut que je sorte d'ici. Ce n'est qu'un trou un rat. Et pour l'instant c'est moi le rat. De temps en temps j'entends des bruits, des mots. Je ne sais pas à quelle distance exacte je suis des autres tributs présents ici, mais je ne suis pas très loin à mon avis. Il faut que je reste sur mes gardes. J'ai un couteau, certes, mais les autres doivent avoir bien plus. Les carrières ne sont sûrement pas ici, ils doivent chasser le gibier, entre autre nous, à l'extérieur. 

Le temps passe et je sens ma langue se gonfler dans ma bouche. Ce n'est pas bon signe. Avec mon corps qui sue à grosses gouttes, je me déshydrates encore plus vite. Je suis sûr que c'était l'intention de Juges. J'attache ma veste autour de ma taille pour avoir moins chaud. Soudain, alors que je tourne à l'angle d'un chemin, une gourde est posée en plein milieu. Je me précipite vers elle, l'ouvre et vois qu'elle contient quelque chose. Je la pose à mes lèvres et m'apprête à boire, quand je me souviens de mon évaluation. J'ai bien réussi à tuer un rat avec quelques baies, alors avec ce qu'il y a dans cette arène, ce n'est pas bien difficile de faire du poison. Personne n'aurait pu perdre une gourde rempli d'eau, dans une arène comme celle-ci, sans s'en rendre compte. Quelqu'un a voulu me piéger. Cela veut dire que je ne suis pas seul dans les parages. Je repose délicatement la gourde où je l'ai trouvé, espérant que quelqu'un se fasse avoir à ma place. Je repars dans la direction opposé pour mettre le plus de distance possible avec cette gourde.

Je pourrais presque sentir le soulagement de Woof quand il m'a vu reposer cette bouteille. Je ne dois pas être un tribut très passionnant à regarder. Je marche juste, je ne chercher même pas les ennuis. J'ignore si d'autres combats se déroulent en ce moment même. En tout cas je ne veux pas en prendre part. 

Mon estomac me tiraille, donc je m'autorise à prendre un morceau de pain. Pourquoi Woof ne m'envoie t-il pas de l'eau ? Suis-je nul au point de n'avoir aucun sponsor ? C'est impossible. Puis je me rappelle avoir dis à Woof de s'occuper en priorité de Louise. Qu'est-ce-que je croyais ? Que j'allais m'en sortir les doigts dans le nez ? Avec mon petit discours à la noix. Je m'énerve contre moi-même, pour avoir cru être plus fort que les autres. Pathétique. Je ne peux m'en prendre à personne. 

Je ne sais pas quel heure il est, je m'en fiche. Je campe sur ma position et m'installe pour y passer la nuit. J'observe le soleil à travers une fente. Il se couche presque. Je m'étonne qu'il ne me soit rien arrivé. Cela doit leur suffire de me voir mourir de soif. Et puis ils ont eu leur lot de morts hier. Je cherche une caméra quelque part, mais je n'en vois aucune. Soit elle est très bien cachée, soit il n'y en a pas. Alors, je m'en invente une, et déclame un petit discours:

- Chers habitants de Panem, je suis Archibald Lincolns du district Neuf, et je vous annonce officiellement que je suis toujours en vie. J'avais une petite faveur. Pourriez-vous m'envoyer de l'eau ?  Je vous promet qu'en échange je vous offrirai un joli spectacle. Et si vous êtes généreux, je partirai même de ma grotte pour partir à la chasse aux carrières. Ce sera tout. 

Je me suis un peu emballé sur ma dernière phrase. J'attends de longues minutes. Rien ne vient. Tant pis. Je m'allonge. Je n'ai pas besoin de voir le récapitulatif pour savoir que personne n'est mort. Dommage. Chaque coup de canon me rapproche de la victoire. Mais pour l'instant elle me parait bien loin. Je m'endors, sans même m'en rendre compte. Cela doit être l'effet du manque d'eau.

Je me réveille brusquement en entendant une voix. Deux. Les voix que j'entendais au début n'étaient que des échos. Cette fois ce sont bien de vraies personnes. 

- Ça va aller, dit l'une d'entre elle.

Je rampe vers la voix, jusqu'à ce que la deuxième se fasse entendre.

- Ils ne doivent pas être loin, il faut partir d'ici.

- Tu n'es pas en état de marcher.

En effet. Je passe ma tête dans le couloir où ils se trouvent. Il y un garçon, la quinzaine, avec une profonde entaille à la jambe. La fille qui est avec lui est un peu plus grande, l'âge de Louise. Ils sont pâles, et dégoulinent de sueur. Ils ont dû courir un long moment. Je m'apprête à rebrousser chemin quand j'aperçois un objet qui capte mon attention: une gourde. J'évalue les risques. C'est ma seule option, sinon je vais y rester. Puis ils n'ont pas l'air en état de se battre, alors que moi je peux courir. Alors, à pas de loup, je m'approche de leur sac. Ils sont dos à moi. Je tends la main, j'y suis presque. Soudain, la lame de mon couteau fait du bruit contre un caillou. Les deux sursautent et se retournent. 

J'attrape la gourde et part en courant, mais la fille m'attrape la jambe, ce qui me fait tomber. 

- Rends moi ça !

Je me débats comme je peux, puis je la vois sortir une hache. Ils ne sont pas si sans défenses que ça finalement. Le garçon ne fait rien. Il se contente de regarder. Je sors mon couteau et lui taillade le bras. Ça saigne de partout. J'ai la nausée et vomis mon maigre repas. Cela la déstabilise et me laisse le temps de m'enfuir. Soudain, j'entends des bruits de pas. Des pas lourds. Et ils sont plusieurs. Je m'en souviens des paroles du garçon: "ils ne sont pas loin".

Mon écart d'attention permet à la fille de me rattraper, mais avant de m'asséner un coup de sa hache, le garçon hurle son prénom.

- Eliana ! Ils sont là !

La fille détourne son attention, et je vois quatre personnes arriver en courant: les carrières. Je prends soudain peur. Le garçon essaie de ramper vers nous, mais se fait vite rattraper. Le pauvre a le temps de crier une dernière fois le nom de sa coéquipière avant de se faire brutalement planter un couteau dans le dos. Le coup canon raisonne presque aussitôt. Je suis tétanisé par la peur, cloué au sol. Cette Eliana part en courant, mais ne parcourt pas cinq mètres avant de se prendre une flèche dans la tête. Un second coup de canon se fait entendre. 

Je regarde les tributs, où je reconnais Cynthia et Prior. Mais pas de Louise. Serait-elle morte sans que je m'en rende compte. Impossible. J'ai suivi toute les retransmissions. Mon heure est venue. Je ne sais pas quelle arme ils vont utiliser pour me tuer, mais ça risque de faire mal. Je fais une sorte de prière, où je ne sais pas trop quoi. Et dire que je me moquais des gens qui en faisaient le jour de la moisson. Quelle ironie. 

Soudain, l'un d'eux s'avança, celui avec l'arc qui abattu Eliana. Je me prépare à recevoir le coup. J'imagine que Woof va être déçu. Au moins il pourra totalement se consacrer dans la réussite de Louise. Sauf qu'au lieu de m'abattre, le garçon tend sa main, et dit:

- T'es enfin là. On te cherchait partout Gabe.

Les 51èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant