Le lendemain, nous visitons l'église Saint-Vincent, avec son clocher octogonal, ses superbes boiseries intérieures, et un orgue majestueux. Nous passons ensuite par le fort de Socoa. Installé sur la digue entourant le port, il surplombe l'océan, dont les hautes vagues agitées viennent se fracasser avec force contre les remparts. Le spectacle est époustouflant avec la vue au loin sur la baie de Saint-Jean-de-Luz.
— Maman, il est vraiment trop fort le roi Louis XIII !
Tiago contemple le pont-levis. Il a bien écouté les explications de Sabine qui a pris mon relais avec le guide touristique.
— Je veux devenir roi, moi aussi ! s'écrie-t-il en mettant des deux petits points de chaque côté de ses hanches, le menton levé vers le ciel.
— Ils savaient faire des choses extraordinaires à cette époque. Mais, devenir roi en France, ce n'est plus possible aujourd'hui. Maintenant, nous avons un président de la République.La mine triste de Tiago trahit sa déception, ses bras retombent le long de son petit corps.
— Allez, mon champion, tu feras de grandes choses, même sans être roi, tu verras ! rattrape Sabine.
— Oui, je veux construire un château, moi aussi ! Comme celui-là !Tiago bombe le torse, de nouveau enjoué et manifestement fier de son grand projet.
— Voilà une belle idée ! Tu auras une petite place pour marraine et moi dans ton beau château ? lui demandé-je.
— Bah oui ! Même pour papi, mamie et papa. On pourra vivre en groupe. Il y aura plein de chambres et un grand jardin avec une balançoire aussi. Et on aura un gros bateau ! Avec un pont pour aller dans le château quand on rentrera de la mer.Ses yeux pétillants sont chargés de promesses. Il agite ses bras pour mimer la taille de son futur bateau. Cette manière qu'ont les enfants de s'affranchir de tout pour accéder au surnaturel et faire vivre leur imaginaire, est fascinante. J'aimerais redevenir une enfant. Mon périple s'apparente finalement beaucoup à un rêve d'enfant, même si, malheureusement, je ne vivrai pas dans le château de mon fils.
— Oui, moi aussi je veux vivre mes rêves, mon chéri. Comme toi, murmuré-je.Nous rentrons au camping-car en fin de matinée. La marche face au vent nous a épuisés, mais nous sommes galvanisés par notre sortie matinale. Je fais bouillir de l'eau pour préparer nos tasses de thé, puis je m'affale avec Sabine sur la banquette.
— Maman, je peux rester jouer au ballon dehors ?
Seules Sabine et moi sommes fatiguées. Tiago a finalement encore une bonne dose d'énergie à dépenser.
— Oui, mais ne t'éloigne pas, tu restes près de la fenêtre là, dis-je en désignant le lieu du doigt, que je puisse te voir.
— D'accord, maman.Je sers nos deux tasses de thé, et j'observe la vapeur s'en échapper, lorsque Sabine me soustrait à la contemplation.
— Delf ? m'interroge-t-elle.
Je la questionne du regard, étonnée de son sérieux soudain.
— Tu n'as aidé aucune vieille dame à traverser la rue, lorsque nous étions à Aubeterre sur Dronne, n'est-ce pas ?Sabine a un sixième sens. Je n'ai pas raconté ma surprenante rencontre avec la voyante, en effet. Ma conscience souhaitait peut-être oublier les informations étranges qu'elle avait délivrées.
— Je ne peux décidément rien te cacher !
— Ah, j'étais sûr qu'il y avait un loup !
— Un loup... tu y vas peut-être un peu fort ! Je n'avais pas l'intention de faire de mystère, mais je n'ai pas voulu aborder le sujet devant Tiago. Et puis, ensuite, j'ai oublié de t'en parler !
— Où étais-tu passée, alors ?
— Honnêtement, je ne crois pas qu'il faille croire à ce que cette vieille dame a raconté !
— Il s'agit donc bien d'une vieille dame ? Je ne comprends plus rien ! Sois plus claire, s'il te plaît !
— Oui, pardon... Je vous suivais pour aller au château, lorsqu'une femme âgée s'est plantée face à moi, en me demandant de la suivre.Sabine s'enfonce sur la banquette, en repliant ses jambes sous son menton, sa tasse de thé chaude entre les mains. Elle me lorgne, comme si elle s'installait devant un bon film à la télévision avec son paquet de pop corns.
— Ah oui ? Et que voulait-elle ?
— Elle m'a dit être attirée par moi, elle a ressenti d'étranges vibrations... Elle a deviné que j'étais gravement malade...
— Mais non ?! C'est flippant !
— Clairement. Je n'en menais pas large... Je t'avais perdu de vue, en plus ! Mais, elle a su me rassurer un peu, en tous cas suffisamment pour que je la suive jusqu'à son abri de fortune.
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Les falaises ocre
Художественная прозаQue feriez-vous si la maladie faisait irruption dans votre vie ? Delfine a trente ans, elle est infirmière, mariée à Alexandre et l'heureuse maman de Tiago, cinq ans. Elle apprend être atteinte d'un cancer, sa vie prend un tout autre virage. Elle co...