Ta tête est lourde de pensées. Fatiguée, exténuée, déprimée sont tes humeurs qui écrasent ton quotidien et ton esprit en est tellement accablé qu'il t'est actuellement impossible d'écouter ton professeur pourtant juste en face de ton bureau.
Tu n'as qu'une envie : t'amuser. Sortir avec des amies, aller au restaurant, voyager quelque part pour t'éloigner de la pression et de la remise en question étouffante que t'apportent tes choix d'orientation scolaire. Tu as besoin d'ajouter une once de changement dans ton quotidien maussade. Bus, cours, dodo. Ce cycle quotidien sans saveur te fatigue au plus haut point et te pompe le peu d'énergie qu'il te reste.Vivement le week-end.
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Quelle coïncidence, il pleut.
C'est enfin le week-end tant attendu. Malheureusement la joie n'est pas à la fête.
Ton grand-père se trouve dans un état critique après s'être battu valeureusement contre son cancer depuis plusieurs mois. Ta mère était partie lui rendre visite à l'hôpital pendant deux semaines. Tout allait pourtant si bien lors de ses visites, il mangeait correctement, reprenait des couleurs, pouvait parler normalement et retrouvait force et santé dans l'entourage de ses proches. Cependant au retour de ta mère à la maison, ton grand-père est soudainement tombé dans le coma. Les médecins ne peuvent plus rien faire pour lui.Ta mère est aux bords des larmes. Elle est si loin de lui à présent, et il lui est impossible de retourner à son chevet dans l'immédiat. Tu imagines tes tantes et ta grand-mère mortes d'appréhension et de chagrin au pied de son lit d'hôpital. Il ne va pas tarder à nous quitter, tout le monde le sait, mais personne n'ose le dire. La mort est vraiment quelque chose d'effrayant. Pour elles. Pour lui.
Comment se sent-t-il ? A-t-il accepté ce destin inévitable qui rallient tous les Hommes ? A-t-il peur en ce moment même ?
Si oui, tu aimerais être à ses côtés pour lui apporter réconfort et rassurance. Tu es naturellement attristée par la situation, mais pas autant que tu le devrais. C'est cruel à avouer, mais tu es plus attristée de voir ta mère dans un tel état de tristesse que par la mort très prochaine de ton papi, et tu t'en sens terriblement coupable. Tu le connais ton papi, tu as passé quelques temps avec lui. Vous n'étiez pas particulièrement proches, mais vous vous entendiez bien. Il t'aimait, et tu l'aimais. Alors pourquoi ta tristesse n'atteint-elle pas un plus haut degré que cela ?
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C'est le soir, le temps est à l'orage et à la pluie. Ton papi est sorti de l'hôpital pour rentrer chez lui.
Il va probablement partir cette nuit, et il souhaite le faire chez lui. Dans son foyer, ce petit appartement dans lequel il a vécu avec sa femme, élevé ses enfants, accueilli ses petits-enfants et mêmes ses arrières-petits-enfants. Ce foyer rempli de bricoles en tout genre, rempli de souvenirs, rempli de tout.
Toujours dans l'impossibilité de venir à lui, vous vous voyez obligés de faire vos adieux en vidéo call. Tu le vois allongé, pâle, yeux fermés et bouche grande ouverte. Il ronfle, comme s'il dormait. Tu espères de tout coeur qu'il dort d'un sommeil paisible. Ta mère dit qu'il vous entend et qu'il est encore conscient. Il ne peut vous répondre mais il peut écouter vos dernières paroles d'adieu.
Elle est sur le point de pleurer. Tu te rappelles des fois où tu as joué aux cartes avec tes cousins et ton papi des années auparavant. Il adorait jouer aux cartes, c'était un petit joueur. Tu revois son adorable sourire à chaque fois que vous jouiez au poker ensemble, et le chagrin s'empare aussitôt de ton être. Très bientôt, il ne sera plus. Alors tu lui adresses tes derniers mots."Au revoir papi. On t'aime."
Tu vois à travers la caméra que tout le monde s'est rassemblé chez ta grand-mère pour accompagner ton papi dans cette étape difficile de la vie. Tes tantes, tes oncles, tes cousins et cousines, tes petites-cousines, ta mamie. Tu aurais aimé être là toi aussi, mais quelque part au fond de toi tu es également soulagée de ne pas y être. Car tu as peur de le voir s'éteindre sous tes yeux. De voir ses ronflements s'arrêter. De voir sa respiration coupée à jamais. De voir tout le monde s'effondrer en larmes et crier de chagrin. De voir ton cher papi partir.
La mort te fait peur.
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C'est dimanche matin. La veille au soir, tu n'arrivais pas à dormir.
Ta mère est encore dans sa chambre, tu n'oses pas aller la voir. Tu n'oses pas lui demander si ton papi est réellement parti la nuit dernière. Alors tu décides d'attendre qu'elle vienne vers toi. A travers les murs, tu l'entends parler au téléphone avec ses soeurs, puis elles commencent à chanter une prière. Il vous a quittés ce matin.
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Il est midi.
Comme à ton habitude, tu prépares le déjeuner pour tout le monde, même si tu penses que personne n'a réellement très faim. Tu réchauffes seulement les restes de la veille. Il n'y en aura pas assez pour tout le monde.
L'image de ton papi sur son lit de mort te revient soudainement en tête.C'est le week-end.
L'heure du deuil.
Une tristesse rongée par la culpabilité de ne verser aucune larme.
Tu ne sais plus où te donner de la tête.
Tu soupires.

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Tu
No FicciónLes pensées, les émotions, les joies comme les frustrations, Tu les vis, Tu les ressens, Tu les assumes, et Je les raconte. Dans les moments où les émotions nous dépassent, on a parfois besoin de faire de l'ordre dans ses sentiments en bazar. Et lor...