Oublier

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Ce sentiment si laid qui te prend dès que tu poses ton regard sur elle.

Elle ne sait pas faire autant de choses que toi, ne sait pas autant de choses que toi, ne sait pas parler aussi bien que toi, ne réfléchis pas autant que toi, n'a pas autant d'expérience en matière de vie à l'étranger que toi. L'intelligence, le raisonnement, l'anglais, la cuisine, la réflexion spontanée, le contrôle des émotions, l'éloquence, la culture générale, l'ouverture d'esprit... Même si tu ne l'avouerais jamais à voix haute en raison de l'humilité que t'ont inculpée tes parents depuis l'enfance, tu sais parfaitement que tu es bien meilleure qu'elle dans tous ces domaines. Et pourtant, elle possède quelque chose que tu n'as pas, et que tu n'as aucune chance d'acquérir : son amitié à lui.

Ce sentiment si laid et possessif qui ne fait qu'ajouter un arrière-goût amer au mélange de tes émotions, tu le connais. C'est de la jalousie.

Elle ne fait pourtant rien qui soit réellement susceptible de te contrarier, ce n'est pas comme si vous vous êtes déjà parlées.

Elle est belle, sympathique, rayonnante et pleine de bonne humeur. Elle est d'une nature naïve et assez bête qui reste tout de même touchante, les efforts et la volonté qu'elle porte dans tout ce qu'elle entreprend fait d'elle quelqu'un de terriblement attachant et d'admirable. Tu avais même souhaité devenir son amie si l'occasion se présentait. Mais un beau jour, le regard légèrement affectueux que tu avais l'habitude de poser sur elle s'est progressivement assombri. Lorsque tu as constaté la proximité et l'amitié qui la relie à lui, la laideur de tes émotions a commencé à faire surface pour alors tâcher de noir la sympathie que tu avais pour elle.

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Inconsciemment, tu as commencé à te comparer sans cesse à elle. Vos compétences, vos connaissances, vos manières de parler, vos références culturelles. La certitude orgueilleuse et futile de te proclamer (intérieurement) meilleure qu'elle, de te dire que tu ferais une bien meilleure impression sur lui en raison de cette soi-disant supériorité et des nombreux points communs que tu partages avec lui par rapport à elle. Plutôt que d'un "Les opposés s'attirent", tu crois à un "Qui se ressemble, s'assemble". Étant une affreuse et naïve fleur bleue, tu oses rêver au destin. Penser que toi et lui êtes faits pour vous entendre et vous compléter, lui te rappellerait la culture que tu avais peur de ne plus pouvoir comprendre, toi lui apprendrais la culture qu'il a oublié mais qui était censée être la sienne. Un horrible sentiment de naïveté et d'illusion te consume lorsque tu penses à lui, tu n'arrêtes pas de te dire à quel point vous vous entendriez bien tous les deux. Tu vous vois en train de discuter de la pluie et du beau temps, puis progressivement entrer dans les sujets personnels et philosophiques les plus profonds, pour ensuite lui apprendre ce qu'il rêve de savoir sur ce qu'il a perdu étant jeune, que tu as eu la chance de connaître et d'avoir expérimenté.

Tant de jolis petits scénarios se formaient dans ta tête, jusqu'à ce jour fatidique où tu les as vus ensemble pour la première fois.

Cette jalousie enfouie en toi a réveillé ton arrogance et ton esprit compétitif. Tu as également commencé à comparer tes atouts physiques aux siens. A commencer par ta peau, que les gens disent "parfaite", une peau lisse qui te donne un visage si juvénile qu'il pousse beaucoup de monde à penser que tu as quinze ans malgré le fait que tu atteins la vingtaine. Malgré ces nombreux malentendus, tu estimes que c'est une chance de paraître plus jeune qu'on ne l'est réellement, et tu as appris à être contente de ce visage si jeune et naturel. Contrairement à elle, tu n'utilises aucune crème ou produits de beauté pour prendre soin de ta peau, tu ne fais que laver ton visage à l'eau du robinet et le pouvoir de la génétique et de tes bonnes habitudes alimentaires fait tout le reste.

TuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant