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    7H30. Je m'extirpe du lit de Yoon qui ronfle doucement. Je remets la couverture en place et m'habille de mes vêtements de la veille. Je vais faire un saut chez moi pour me changer avant d'aller au boulot. Je pourrai prendre un petit déjeuner pour mes collègues en même temps.

    Je laisse un mot au jeune homme et le pose sur sa table de nuit. « N'oublie pas de travailler un peu. On se revoit plus tard. A plus. ». C'est simple, concis et ça ne laisse pas paraître les sentiments que je n'ai pas. Le sexe reste du sexe. Je ne veux pas d'une relation sérieuse, pas pour l'instant. De plus, avec le hobby que j'ai, c'est compliqué d'avoir quelqu'un qui accepte complètement ce côté de moi. Beaucoup m'ont fui lorsqu'ils ont appris mon penchant pour le BDSM. Je comprends, ça ne plaît pas à tous.

    Cafés et pâtisseries dans les mains, j'entre dans les bureaux. Je salue tout le monde d'un air sympathique. Je ne suis pas quelqu'un de casanier. Seulement, comme chacun, j'aime ma tranquillité et je ne suis pas hyper sociable. Il faut vraiment un long moment avant que je sois bavard avec une personne.

- Oh, Seo-Jun, tu as rapporté le petit déj' ! s'exclame l'un de mes collègues.

- Oui, il y a un café pour tous et un gâteau !

    Je pose le tout sur la table principale et prends ma boisson avant d'aller m'installer à mon poste de travail. Les autres se servent en me remerciant. Nous le faisons de temps à autre. Au moins, cela participe à la cohésion de groupe. Nous sommes six dans ce pôle éditions, autant bien s'entendre.

- Ah, j'allais oublier. Seo-Jun, le patron a demandé à te parler quand tu arriveras...

    Un frisson me parcourt le dos. Je manque de m'étouffer avec mon café. Qu'est-ce qu'il me veut, celui-là ? Je n'ai jamais été appelé dans le bureau du directeur depuis que je travaille pour Kang Books. Ça ne doit pas être grave, je n'ai rien fait de particulier. Du moins, je ne crois pas. Je pose mon gobelet et me lève de ma chaise pour aller voir le boss.

    Je me tiens devant la porte, les poings serrés. J'inspire un grand coup et toque. Une voix au loin m'indique d'entrer. Je pénètre la pièce et distingue M. Kang derrière son bureau, les lunettes sur son nez. Je fais un pas en avant, laissant la porte dans mon dos ouverte. L'homme tourne la tête vers moi, enlevant ses lunettes d'un geste élégant. Sa voix profonde s'exprime :

- Ferme la porte, je te prie.

- B... Bien, Monsieur...

    J'opère un demi-tour, la gorge serrée. D'une main tremblante, je saisis la poignée et pousse la porte. Mon regard croise les visages de mes collègues. Ils semblent tous préoccupés par cette soudaine entrevue. Un clic résonne dans la pièce, nous sommes désormais en tête à tête. J'entends la chaise de M. Kang rouler sur le sol. Il vient de se lever. Je me retourne pour lui faire face, la boule au ventre.

    Il me fait un signe silencieux, m'invitant à m'asseoir sur le fauteuil face à son bureau. J'avale ma salive et marche comme un zombie, très lentement. Je m'assois, l'air déconfit. Je crains d'être viré. Pourtant, je ne vois pas ce que j'ai pu faire pour mériter ce rendez-vous.

- Allons, Seo-Jun, ne fais pas une tête pareille. On croirait que je vais te virer ! plaisante l'homme.

    Son rire emplit la pièce. Je fais de même, beaucoup plus nerveusement. Si ce n'est pas pour me virer, pourquoi je suis ici ? Le patron s'appuie contre son bureau, les deux mains sur le bord. Mon regard l'analyse discrètement. Son costume est impeccable. Le bleu lui va comme un gant. Sa chemise épouse parfaitement son buste. Seul le bouton au centre semble se battre pour garder les deux bords fermés. Je suppose qu'il doit être bien musclé.

    Un pouffe sort de la gorge de mon boss. Je sursaute et me rends compte que je le fixe un peu trop. Mon visage s'empourpre. Merde, je suis grillé. En même temps, il est vraiment près et particulièrement beau. Qui pourrait résister à le regarder rien qu'un peu ?

- Si je t'ai fait venir c'est pour te parler de ton auteur, Min Yoon.

    Je fronce les sourcils et lève les yeux vers lui. Je suis bien curieux de savoir ce qu'il va me dire sur Yoon. Ses webtoons cartonnent et il avance bien dans ses chapitres. Qu'est-ce qu'il pourrait bien lui reprocher ?

- J'aime bien ses histoires. Les dessins sont très bien faits et plutôt réalistes. J'aimerais avoir une entrevue avec lui et discuter un peu sur ses futurs projets. Pourquoi pas lui donner des idées également...

- Euh... Eh bien, je suppose que c'est possible. Il avance rapidement et je pense que vous pourrez le rencontrer la semaine prochaine.

- Génial, je te laisse t'en charger ! Prends rendez-vous avec Yoon dans le café où vous allez habituellement. Evidemment, tu resteras avec nous. Vous êtes bons amis, non ?

    Ses yeux se plissent avec son sourire. Malgré son expression joyeuse, ses yeux transpirent un autre sentiment. Je ne saurais dire ce que c'est : du ressentiment, de la jalousie ? En tout cas, il fait semblant de sourire à la mention de Yoon. Etrange.

    Il est vrai que l'on se connaît depuis longtemps avec Yoon. Nous sommes même plus qu'amis. Mon cerveau me repasse chaque moment que nous avons passé dans l'intimité. Surtout le corps nu du jeune homme. Inconsciemment, je serre les jambes et retiens mon souffle. Je racle ma gorge pour empêcher un couinement de sortir de ma gorge et réponds :

- Oui, on est amis de longue date... Je vais organiser ça...

- Je te remercie. Ah et aussi, relis le manuscrit de M. Han, corrige-le entièrement. Il vient cet après-midi pour parler de la publication. J'aimerais que tu fasses une sélection de formats et de styles pour l'édition. Je compte sur toi !

    Ma bouche se décroche. Le manuscrit de M. Han fait près de trois-cent-cinquante pages. J'ai environ trois heures pour tout relire, corriger et chercher des types de bouquins pour la publication. Bordel de merde ! Et en plus de ça, je dois contacter Yoon pour son rendez-vous avec M. Kang. Je suis vraiment un poisseux.

    Je me lève de ma chaise, mollement et désespéré. Je hoche la tête et essaie de ne pas frapper le visage arrogant de mon patron. Ce dernier me fixe avec un grand sourire, sachant parfaitement que le travail qu'il m'a demandé est pharamineux. Même si j'ai tout retapé hier, quelques fautes ont pu m'échapper. Tout relire va me prendre des heures. J'espère au moins que l'histoire en vaudra la chandelle. Quel connard tortionnaire !

    Bon, il n'y a plus qu'à se mettre au boulot. Si mon patron cherche à tester mes capacités ou mes limites, il va être servi. Il veut jouer ? On va jouer ! 

UNDER THE RED LIGHTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant