UNDER THE RED LIGHT

.26.

    Tout penaud, je me rends dans le bureau du PDG. Mes collègues me lancent des regards interrogatifs, se demandant ce que j'ai bien pu faire pour encore être convoqué. Je passe le pas de la porte, les mains moites. Le patron est de dos, le regard vers la vitre.

- Ferme la porte derrière toi.

    Son ton me donne des frissons. Il est franc, limite froid. Je fais ce qu'il me dit et avance jusque devant la table, les mains dans les dos, la tête rentrée dans les épaules. Je ne sais pas ce qu'il me veut. Est-ce qu'il va me menacer de ne pas divulguer sa présence au club BDSM ? Peut-être.

    M. Kang se retourne dans ma direction. Il porte, comme d'habitude, un costume avec un veston. Il n'a pas son blaser et ses manches sont retroussées. Il croise ses bras contre sa poitrine et s'installe contre son bureau, face à moi. Sa prestance m'impressionne. J'avale difficilement ma salive et lui demande, légèrement bégayant :

- Avez-vous... be... besoin de quelque chose ?

- Assieds-toi.

    Je ne me fais pas prier et m'installe sur le fauteuil devant lui. Je frotte mes mains moites sur mes genoux et tente d'anticiper ce qu'il va pouvoir me reprocher. Mon regard arrive à hauteur ses bras. Un détail étrange me saute au visage. Je fronce fortement les sourcils et lève les yeux vers lui. M Kang décroise les bras et les met dans son dos avant de m'expliquer :

- Si je t'ai fait venir c'est pour te parler de ce qu'il s'est passé hier..

- Si vous vous inquiétez pour votre réputation, je n'ai certainement pas l'intention de divulguer vos activités personnelles.

- Bien. Je suppose que je peux compter sur toi.

- En effet...

    Un long silence s'en suit durant lequel des questions fusent dans mon esprit. Un sentiment étrange me submerge. Mon cœur est comprimé dans ma poitrine. Je n'ose pas y croire. Sur les bras de l'homme en face de moi se trouve des marques, semblables à celles qu'avait Kai après notre séance hier soir. Je me souviens où les cordes étaient placées et cela correspond aux traces sur ceux de Kang Dae-Ho. C'est quoi ce bordel ?

    J'ai l'impression qu'une révélation m'explose à la figure. Kai est-il Kang Dae-Ho ? Cela doit être une simple coïncidence. Il y a quand même beaucoup de points communs, hein. Ma conscience me souffle et me rappelle toutes les caractéristiques similaires que les deux hommes ont. D'abord, ces marques sur les bras, ensuite la marque au niveau de la tempe, leur carrure. Le son de leur voix résonne dans ma tête, me faisant remarquer la similitude assez frappante. Kai a un grain de voix plus grave selon les circonstances. Mon patron, lui, a une voix souvent joviale lorsque je suis avec lui, donc un peu plus aigu.

- Est-ce que je peux m'en aller, Monsieur ?

    Le ton que j'emploie est assez froid. J'ai une sensation de trahison. Pourtant, je n'ai pas la certitude sur cette révélation. Je me fais peut-être des films. Ces deux hommes n'ont certainement rien à voir l'un avec l'autre. Je ferais mieux de creuser avant de me précipiter.

- J'aimerais faire un point avec toi sur tes auteurs. Va chercher tes dossiers et rejoins moi dans la salle de réunion.

    Je hoche la tête et me lève d'un bond. Je me précipite vers la sortie. J'ai besoin d'une ou deux minutes pour souffler. Je viens de ressentir un gros coup de pression. Je ne sais pas pourquoi je me sens si étrange. Ce n'est pas comme si cela me dérangerait d'avoir une relation avec mon patron. Ca a d'ailleurs failli arriver. S'il s'agit vraiment de Kai, le ressenti doit forcément être le même. Je me souviens lorsqu'il m'a embrassé le soir du barbecue, la sensation était presque identique.

    Je peste en attrapant mes affaires et saisis ma bouteille de café. Je vais devoir lui faire face, seul à seul, sans penser au fait que lui et Kai sont semblables. J'espère que je vais réussir à démêler le vrai du faux dans cette histoire.

    Cela fait vingt minutes que je suis avec mon patron en salle de meeting. Il est en train de lire tous mes rapports avec beaucoup de sérieux. Moi, je reste silencieux et le fixe pour examiner son visage avec minutie. La ressemblance est plus que frappant maintenant que j'ai pris le temps de l'observer.

    Rien que de penser que c'est avec mon patron que je fais toutes ces choses, mon bas ventre se contracte et mon cœur s'accélère. Je l'ai toujours trouvé très sexy et l'imaginais souvent dans des situations plutôt intimes. Je me suis fait des films, couchant ensemble et pleins d'autres trucs. Maintenant, puisqu'il est Kai, je peux faire toutes ces choses. Seulement, je ne sais pas si je dois lui dire que je suis quasi sûr de sa véritable identité. Je suppose que non.

- C'est parfait, Seo-Jun.

    Je reviens sur terre en entendant le son de sa voix. Il me tend les documents en me souriant. Il me dit quelques trucs, mais je ne l'écoute pas. Je prends mes feuilles et les lève de sorte que le haut de son visage soit caché. Je reconnais la bouche de Kai, la forme de sa mâchoire, tout. Même si Kang Dae-Ho paraît plus soigné que le jeune homme du club de par sa coiffure et ses costumes, je ne peux me tromper sur les caractéristiques de son visage.

- Seo-Jun, qu'est-ce qu'il y a ?

    Je baisse la main, redevenant un instant sérieux. C'est difficile d'ailleurs de l'être en me remémorant ce qu'on a fait avec Kai hier soir. Je me vois encore l'attacher et lui faire une fellation sans qu'il puisse bouger. J'essaie de balayer ses images. Seulement, mon corps s'en souvient que trop bien et je sens que je commence à avoir une érection. Merde, ce n'est pas du tout le moment.

    Nous poursuivons notre conversation comme si de rien n'était, discutant sur les futurs projets de mes auteurs et webtoonistes. J'essaie de ne pas faire transparaître mon malaise et reste calme. Le regard fixe de mon patron ne m'aide pas vraiment. Il me toise d'un air espiègle, avec un demi sourire. Les marques sur ses bras sont bien visibles, accentuant les souvenirs de la nuit dernière.

    Je remballe mes fiches, essayant de calmer mes ardeurs avant de me lever. Je ferais mieux de me mettre à bosser pour ne plus penser aux événements d'hier, ni au fait que je me tape mon patron dans un club BDSM. Je me mets debout rapidement et hoche la tête vers l'homme qui est toujours assis sur sa chaise. Je me dirige d'un pas vif vers la porte. Seulement, avant que je puisse la passer, la voix grave de mon boss résonne :

- J'aimerais que nous ayons une discussion, ce soir, dans mon bureau...

- J'ai... un rendez-vous, Monsieur... avoué-je.

- Peu importe, ça ne sera pas long.

    Je tourne le regard vers lui. Il me fait clairement comprendre qu'il n'accepte pas de refus de ma part. Si cela ne durera pas longtemps, très bien. Néanmoins, je ne sais pas vraiment de quoi il va bien pouvoir me parler. Toutefois, si je pose un lapin à Yoon, il risque de péter un plomb. Je devrais faire ça vite et partir aussi rapidement.

    Je suis assez anxieux. Je sais quel effet cet homme a sur moi. Je peux facilement perdre le contrôle, tout comme lui. Et ça, ça ne serait pas bon.