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    Je garde mon calme et fixe l'homme derrière son bureau, un peu décontenancé par ses paroles. Ce dernier se contente de me regarder, en souriant. Ça a l'air de l'amuser, cette situation gênante. J'inspire un grand coup et reprends mon plaidoyer :

- Je m'excuse à nouveau, Monsieur. Ce n'est pas ce que vous croyez. Jamais je ne me permettrais de tels agissements et certainement pas au travail.

- Je te taquine, Seo-Jun. Détends-toi, va. Si je t'ai fait venir, c'est pour savoir où tu en es sur ce que je t'ai demandé.

    Le PDG pouffe de rire et secoue la tête. Il me prend vraiment pour un con, lui. Je lui répondrais bien, mais je m'abstiens et reste professionnel. Je passe près de lui et ouvre mon classeur pour lui montrer mon travail. Il met ses lunettes et lit mes notes. Je lui explique toutes mes idées, les défendants les unes les autres et proposants les meilleures options.

    Contrairement à tantôt, il est très sérieux et fronce ses sourcils. Son air espiègle a totalement disparu. On dirait deux personnes différentes. En un sens, c'est mieux qu'il sache être sérieux dans ce genre de moments. Et en même temps, c'est particulièrement flippant. Je crains que parfois, je me retrouve devant lui, à ne pas savoir comment décrypter ses réactions. Il a l'air de pouvoir être tout blanc comme tout noir.


    Après une lecture intense et l'écoute de mes explications, M. Kang se recule sur sa chaise et enlève ses lunettes. Il ne dit rien. Son silence me fait un peu stresser. Je le fixe, attendant d'avoir son avis. Le feu vert de mon patron est essentiel pour lancer une édition d'un auteur. Dès qu'il donne son accord, nous pouvons contacter l'écrivain et lui présenter le projet. Après l'acceptation par ce dernier, la production des exemplaires peut enfin commencer. Pour un auteur, voir son livre être publié, c'est la consécration d'un travail de longue haleine. Il faut que ça lui plaise et qu'il en soit heureux.

    L'écriture est quelque chose de si difficile. Il faut écrire ce que l'on aime et en même temps penser aux futurs lecteurs. Un écrivain doit être sûr que son œuvre plaira au public qu'il vise. Généralement, chaque livre trouve son lecteur. C'est assez rare qu'un livre reste sans public. Même si ce n'est pas celui de base, tant qu'il plaît, je pense que c'est l'essentiel.

- Tu peux contacter M. Han pour la semaine prochaine. Tes idées sont très bien. Il pourra choisir et écouter tes conseils. Très bon travail, Seo-Jun.

    Je reviens sur terre en entendant la voix grave de mon patron. Je hoche la tête et lui lance un petit sourire. Il a le visage relevé vers moi et repose son crâne contre le dossier de sa chaise en cuir. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il est vraiment beau. Ses cheveux sont parfaitement coiffés, son visage ne comporte aucune imperfection et ne parlons pas du corps qu'il semble avoir. Ce mec a l'air tout droit venu du ciel, comme un Dieu grec.

     Mon esprit divague et se met à s'imaginer des choses. Je vois mon patron, assis sur cette chaise, la chemise ouverte, les mains au-dessus de sa tête et ses yeux bandés avec sa cravate. Sa respiration est saccadée, attendant la suite des événements.

- Seo-Jun ?

    Je trésaille et secoue la tête, balayant ces images perverses de mon esprit. Je reprends mes affaires et informe le patron que je contacte l'auteur immédiatement. Je déguerpis de son bureau et vais poser mes affaires sur le mien. J'ai besoin de me calmer.

    Je marche rapidement vers les toilettes, dans un couloir adjacent. J'actionne le robinet d'eau froide et m'asperge abondamment le visage. Je relève la tête et me fixe dans le miroir.

- Mais qu'est-ce qu'il te prend, Seo-Jun ? murmuré-je, à moi-même.

    Je soupire un grand coup et essuie mon visage. Je suis en train de perdre la tête. Ça doit être à cause de cette matinée surchargée. C'est forcément ça. Je n'ai pas le droit de flasher sur mon boss. Nous ne sommes pas du tout du même monde. Il fait partie de la classe la plus haute. Je ne suis rien par rapport à lui, à part son employé. Je dois me reprendre.


    Le reste de la journée se passe plus tranquillement. Ayant terminé le travail sur le roman de M. Han, je me suis tourné vers mes auteurs de webtoons. En plus de Yoon, je suis responsable d'une jeune femme qui écrit des scénarios pour webtoons. Elle est en partenariat avec un dessinateur. C'est assez intense comme travail pour eux. Park Jaemie, l'auteure, m'envoie ses manuscrits, je les corrige et les transmets à son webtooniste, Gong Taeyung. Il fait des planches suivants l'histoire. Une fois dessinées, il m'en informe et nous prévoyons un rendez-vous tous les trois pour en parler.

    Jaemie est une autrice de romance homosexuelle. Elle écrit sur des couples d'hommes et leurs péripéties. Le fait de les adapter en « manhwa » est intéressant, cela rend ses histoires très vivantes. Le talent de Taeyung permet de transmettre les émotions de ses personnages. J'adore leurs travaux. Ensemble, ils forment une super équipe et ça paye. Ils ont beaucoup de lecteurs et de fans.

    Je me suis lié d'amitié avec Jaemie. Elle est si joviale et agréable comme personne. Je sais qu'avec elle, je peux aborder pleins de sujets que je ne pourrais pas avec d'autres amis. Notamment au sujet de Yoon et de mon hobby. Elle est toujours de bons conseils et trouve une solution à tout.

    Pendant que je lis un nouveau manuscrit de Jaemie, mon téléphone m'indique une notification. Je stoppe ma lecture et regarde ce que j'ai reçu. L'émoticône de mon groupe de parole s'affiche en haut à gauche. Ne voulant pas attirer l'attention de mes collègues, je décide d'aller consulter mon message dans l'open-space. Je serai tranquille.

    Généralement, ce groupe sert à partager des bons plans sur des produits ou des endroits pour nos pratiques BDSM. Nous nous contactons souvent le vendredi. Je ne travaille pas toujours le samedi, alors généralement, je vais dans les boîtes qu'on me conseille le vendredi soir ou alors le lendemain.

    J'ouvre la notification et vois les membres s'exciter dans le chat :

« Les gars, c'est une occasion rare ! » ; « Il faut absolument y aller ! » ; « Oh, merde, c'est hyper sélectif apparemment ! On doit envoyer un mail pour recevoir une invitation... »

    Je remonte la conversation pour savoir de quoi il parle. Mon regard tombe sur une image que j'ai toujours voulu croiser dans ce groupe. Mon cœur s'accélère et l'excitation grimpe dans ma gorge.

    L'affiche est simple, noire avec les écritures rouges. Quelques mots sont inscrits, ainsi que la date de demain. Je n'en reviens pas. Enfin !

« THE RED LIGHT a le plaisir de vous inviter à une soirée ce Samedi xx à 22H00. Merci d'envoyer votre demande en amont au mail indiqué. Si votre candidature est retenue, vous recevrez une invitation officielle. Nous avons hâte de vous rencontrer... »

    THE RED LIGHT est un club BDSM très fermé. Les membres sont limités et c'est très dur d'y entrer. J'en ai toujours rêvé. C'est enfin ma chance. Je ne dois pas la rater !

UNDER THE RED LIGHTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant