Magie Ancienne

Chapitre 27 : L'Auberge

Je ne vivais plus depuis près de deux ans, depuis qu'elle n'était plus là, depuis qu'elle était morte... J'avais mis du temps à accepter l'idée, que jamais plus je ne la verrai, que jamais plus je n'entendrai sa voix, que jamais plus je ne la toucherai, ne l'embrasserai... Pourtant, parfois j'avais l'impression de sentir son regard près de moi, surtout en présence d'Abby. Il m'arrivait de temps en temps de m'imaginer qu'elle était toujours là quelque part et qu'elle m'observait à travers les yeux de la petite. Mais la réalité refaisait vite surface et le souvenir de son corps sans vie dans mes bras revenait me hanter. Depuis ce moment, depuis que je l'avais perdu, je ne faisais que survivre. Trop lâche pour en finir avec la vie, trop lâche pour être heureux. Je me contentais d'errer, je n'avais même plus conscience du temps qui passait. Jamais mon cœur ne guérirait, jamais mon âme ne serait à nouveau complète, pas sans elle. Jamais je ne m'en remettrait, elle était l'amour de ma vie, la seule femme que j'aimais. J'avais perdu une partie de moi ce jour là, elle l'avait emporté avec elle en mourant. J'avais passé la plupart de mon temps à boire pour oublier la peine et la souffrance causées par son absence, mais rien n'y faisait. Même ivre mort je continuais de penser à elle. Je m'en voulais tellement de ce qu'il lui était arrivé... J'aurais pu la sauver si seulement je ne l'avais pas laissé seule avec Lotharius...

Allongé sur le lit, perdu dans mes souvenirs, j'entendis quelque chose gratter contre la grande baie vitrée. Un hibou. J'avais trouvé refuge chez Lux. Je souffrais tous les jours à y vivre mais j'avais besoin d'y être, je pouvais encore sentir sa présence par moments. Je n'avais aucune envie d'aller chercher la lettre sûrement envoyée par ma sœur, encore une autre invitation à aller manger chez eux. Ils filaient le parfait amour et j'étais très heureux pour eux, mais en les voyant je ne pouvais qu'éprouver de la jalousie. J'aurais tout donné pour avoir leur bonheur. Le hibou gratta frénétiquement contre la vitre, m'obligeant à venir le libérer de son courrier. Je lui pris la lettre et la lisant rapidement, je transplanais directement chez eux. Après la mort de Lux, toutes les protections qu'elle avait placées avaient disparues. La magie disparaissant en même temps que son propriétaire... Mon cœur se serra à cette pensée mais le contenu de la lettre était trop important pour que je m'en soucie. « Abby a encore dit son nom dans la nuit, plusieurs fois... On ne sait pas ce que ça veut dire mais... Viens le plus rapidement possible. »

- Entre Sebastian, Abby fait la sieste à l'étage. Va dans sa chambre et écoute ce qu'elle dit.
Anne me montra l'étage et j'allais dans la chambre de la petite à pas de loup. Je m'assis dans le fauteuil près de la fenêtre et attendis patiemment, le cœur battant la chamade. Plusieurs minutes passèrent, mais rien ne se passa. Je décidais de rester à écouter le plus silencieusement possible. J'étais assis là depuis près d'une heure lorsqu'Abby parla :

- Lux ? Merlin va bien ?
Un silence.
- Oui ça va, maman et papa pensent que je dors encore. Oncle Sebastian ? Non je ne l'ai pas vu depuis longtemps.
Un nouveau silence, plus long cette fois.
- J'ai encore fait un dessin pour toi, je le garde avec les autres.
Un nouveau silence, plus court.
- Moi aussi je t'aime.
Puis plus rien. Sans que je ne m'en rende compte, les larmes m'étaient montées aux yeux et je pleurais en silence. Je ne savais pas exactement ce que voulaient dire les paroles d'Abby, ni même si Lux était toujours en vie. Mais il était clair qu'elle semblait parler à quelqu'un.
- Abby ? Murmurais-je pour ne pas l'effrayer.
- Je savais que tu étais là oncle Sebastian, mais il fallait pas qu'elle le sache. Me répondit- elle de sa petite voix fluette.
- Qui ça ?
- Tu sais bien qui. Je savais que papa et maman allaient t'en parler mais... Oncle Sebastian, tu ne dois pas te mettre en colère contre moi. C'est elle qui veut pas qu'on la retrouve, je voulais pas qu'elle soit fâchée contre moi.
- Oh mon trésor, ne t'en fais pas, personne n'est en colère contre toi. Tu as seulement fait ce qu'elle t'a demandé, c'est très gentil de ta part. Mais j'aimerais vraiment savoir où elle se trouve maintenant. Je...
- Elle m'a jamais dit où elle était. Je sais juste qu'elle travaille dans une auberge et qu'elle a un bouc qui s'appelle Merlin.
Une faible étincelle que j'avais cru éteinte pour toujours se réveilla en moi. Elle était en vie, elle était toujours là. Abby sortit de son lit et je la pris sur les genoux. Ses petites mains se posèrent sur mon visage et j'eus la même sensation que deux ans auparavant lorsqu'elle m'avait montré où Lux était retenue prisonnière. Ma conscience s'envola hors de mon corps et parcouru un long trajet. Il faisait sombre mais je la voyais. Elle était toujours aussi magnifique, toujours aussi rayonnante. Elle était derrière un comptoir, essuyant de la vaisselle. J'étais sous le choc, je ne parvenais plus à penser tellement l'émotion était forte. Elle était vivante. Et elle allait bien. Ma conscience s'éloigna légèrement et je pu voir la devanture de l'auberge et son nom: « Le chaudron ». Puis à une vitesse vertigineuse, ma conscience reprit place dans mon corps. Les larmes coulaient toujours le long de mes joues et Abby me serra dans ses petits bras.
- Tu peux la retrouver oncle Sebastian ? Je sais que tu l'aimes, je l'aime aussi et elle me manque. Elle est triste comme toi, si tu la retrouves, vous ne serez plus tristes.
Ses paroles réchauffèrent mon cœur qui n'avait pas battu aussi fort depuis très longtemps.