Le soleil se couchait, les derniers de ses rayons s'éteignaient sur moi. Assise au milieu d'une grand marais, je fixais un point invisible devant moi, incapable de bouger ni de me lever. Je passais en boucle les dernières paroles de l'entité qui m'avait parlé : « avec la Mort, nous avons décidé de t'accorder une dernière vie. Ta vie, sans intervention de quelconque magie. Tu seras une simple humaine mais tu garderas en mémoire ton passé. » J'aurais préféré mourir. Vivre avec le souvenir de toutes les atrocités, de toutes les vies que j'avais prises était une véritable torture. Je revoyais le regard implorant de mes victimes, j'entendais leurs supplications, je sentais l'odeur du sang sur mes mains. J'étais devenue un monstre, j'avais pris la vie de Léandre qui était venu m'aider et j'avais failli tuer l'être que j'aimais plus que tout en ce monde. Le poids de la culpabilité était trop lourd, je n'avais aucune envie de continuer à vivre tout en me rappelant toutes ces horreurs... Je ne parvenais même pas à pleurer, je me contentais de fixer ce point invisible en face de moi, me torturant mentalement. Je méritais de souffrir, mais je méritais encore plus de mourir. Je ne voulais pas de cette dernière vie, je voulais seulement que tout s'arrête. Levant la tête, je maudis toutes les entités possibles et imaginables de ce monde.
La nuit était bien avancée, le ciel était sombre, ni lune ni étoiles n'étaient présentes dans le ciel. Le vent faisait bouger les buissons autour de moi. Je ne savais pas où j'étais et je m'en moquais. Je fermais les yeux un instant mais du m'assoupir car lorsque je les rouvris, quelqu'un se trouvait avec moi. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, le visage bouffi, des petits yeux bienveillants. Il me parla d'une voix calme mais je n'écoutais pas. Je ne voulais pas savoir ce qu'il me disait. Son timbre était grave et avait quelque chose d'apaisant. Il me toucha l'épaule et tenta de me relever. Mais je n'avais pas la moindre force, pas la moindre volonté de marcher, de bouger ni de parler. Il me fit alors basculer sur ses épaules comme si je n'étais qu'une poupée de chiffon. J'avais envie de lui hurler de me laisser tranquille, que je n'avais aucune envie qu'il m'aide mais je restais impassible, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit. Arrivés près d'une charrette, il me déposa doucement à l'arrière, près d'une chèvre et de ses bébés. L'un d'eux vint se blottir contre moi et sa chaleur me fit du bien. Je fermais les yeux, tentant d'oublier tout.
J'étais allongée dans un lit chaud et douillet lorsque j'ouvris les yeux. J'avais du m'endormir dans la charrette. Un feu ronflait dans la cheminée et l'homme était à mon chevet. Il me fixait de ses yeux bleus, bienveillants.
- J'ignore ce que tu faisais au milieu de cette tourbière et si t'as pas envie d'en parler ça me va. T'aurais pas passé la nuit si je t'avais pas trouvé, une chance qu'on m'ait appelé pour aller chercher cette chèvre et ses petits qui étaient bloqués. J'ai pour habitude de dire que rien n'arrive par hasard, je ne sais pas quel dieu, quelle étoile ou je ne sais quoi a voulu que je tombe sur toi mais j'y vois un signe mon p'tit. Reste là cette nuit, je t'apporte de quoi manger et de quoi te changer. Tu as une petite salle d'eau au fond de la pièce. Si d'ici demain tu es toujours aussi... silencieuse... je te laisserai repartir et tu feras ce que tu veux.
Il sortait de la chambre quand il ajouta :- Tu peux m'appeler Bobby.
Il me laissa alors seule, perdue dans mes pensées. Je réussis à me lever tant bien que mal et pris une douche. Sortie de la salle d'eau, je trouvais des vêtements propres à ma taille et une assiette fumante de nourriture. La faim se réveilla et, m'habillant rapidement, je dévorais l'assiette entière. Quelques instants après, Bobby frappa à la porte et entra.- Je me doutais bien que ces vêtements t'iraient, ma fille avait à peu près la même taille que toi avant que... enfin bref. Je vois que tu as tout mangé, j'ai appelé ce plat « le retour d'entre les morts », les clients en raffolent. Je tiens une auberge, Le Chaudron, c'est ma fille qui avait voulu l'appeler ainsi...
- Qu'est ce qui lui est arrivée ? Si ce n'est pas indiscret... Demandai-je d'une voix faible.
- Oh mais c'est qu'elle parle ! Je commençais à croire que je n'entendrais jamais le son de ta voix ! Elle a été emportée par la maladie il y a quelques années... La moitié du village y est passé.
- Où est ce qu'on est ?
Je n'avais pas la moindre idée d'où je me trouvais, je savais seulement que ce n'était plus l'Angleterre, Bobby avait un fort accent.- Un petit village au Sud d'Édimbourg. Tu as un prénom j'imagine ?
J'allais répondre lorsque je marquais un temps d'arrêt. Je n'avais pas envie de donner mon vrai prénom, si je restais ici, je voulais pouvoir me détacher de mon passé, je ne voulais pas être retrouvée.- Alice, vous pouvez m'appeler Alice.
- Bien Alice. Et tutoies moi, ça me donne l'impression d'être encore jeune comme ça. Il est tard mais si tu veux tu peux venir avec moi voir comment vont les chevreaux, y'en a un qui voulait pas te lâcher quand je t'ai sorti de la charrette. Suis-moi.
Je le suivis, il descendit un escalier, une lampe à la main. Mon premier réflexe fut de sortir ma baguette mais je me rappelai alors les derniers mots de l'entité une nouvelle fois. Je n'avais plus de pouvoirs magiques. J'étais une simple moldue. Arrivés en bas de l'escalier, il sortit par la porte et me fit signe d'avancer un peu plus loin dans la cour. Il y avait un petit box où se trouvaient la chèvre et ses petits. Lorsque j'approchais, le petit qui m'avait collé se rua vers moi. Il était tout noir avec une tâche blanche sur le front. Je m'agenouillais et le caressais. Je ressentais une certaine paix, un certain calme à câliner ce petit animal.- Il t'a adopté on dirait. Va falloir que tu lui trouves un nom et je pense que quand il sera sevré, tu pourras l'adopter. Enfin, si tu décides de rester dans la coin.
Mon cœur rata un battement et le poids de la culpabilité m'assaillit à nouveau. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire après cette nuit.
- Je cherche quelqu'un pour m'aider en salle en échange du gîte et du couvert. Je sais que c'est pas grand-chose, mais si tu es intéressée la place est pour toi. Tu me rappelles beaucoup ma Elen, elle aussi était discrète et avait un profond attachement pour les animaux. Réfléchis et en attendant, garde la chambre là-haut.Il me laissa alors seule, le chevreau me donnant des petits coups de tête pour que je le câline.
- Merlin, je vais t'appeler Merlin.
Il me fixa un instant et se blottit contre moi. J'avais décidé de rester, quelque chose en Bobby me rappelait mon père, même si je n'avais aucun souvenir de ma vie d'avant.
Deux ans s'étaient écoulés depuis que Bobby m'avait recueillie, depuis que j'avais tout perdu. Je gérais maintenant l'auberge avec lui et j'avais adopté Merlin qui me suivait comme un petit chien. Bobby m'avait donné la maison de sa sœur qui était morte au printemps dernier. Il avait prétexté préféré dormir à l'auberge et ne voulait pas que la maison soit vendue. C'était une grande bâtisse avec un grand jardin où Merlin pouvait paître et courir partout, à cinq minutes à pied de l'auberge. J'étais heureuse, autant que je pouvais l'être après tout ce que j'avais fait. Les souvenirs de Sebastian me hantaient toujours la nuit, jamais plus je n'ouvrirais mon cœur à quelqu'un. Il était le seul que j'avais aimé avec autant d'ardeur, personne ne pourrait jamais le remplacer. Parfois, au milieu de mes crises d'angoisse, je me laissais glisser vers Abby et le lien qui nous unissait toujours. J'avais beau ne plus avoir de magie en moi, le lien fonctionnait toujours dans les deux sens. Je pouvais voir ce qu'elle voyait et inversement. Je ne voyais pas souvent Sebastian à travers les yeux d'Abby, mais lorsque ça arrivait, je pouvais sentir chaque parcelle de mon corps brûler de culpabilité au souvenir de ce que je lui avais fait subir. Il en portait des marques visibles. Je voyais des traces de brûlures au niveau de son cou, et elle devaient sûrement descendre sur son torse. Une infinie tristesse s'emparait de moi dans ces moments là et je souhaitais plus que tout au monde mourir. Abby grandissait, c'était une petite fille maintenant. Elle était incroyable, elle avait déjà de sacrés pouvoirs pour son âge. Anne et Ominis étaient heureux. Leur vision me réchauffait le cœur et attendrissait un peu ma peine. Ils me manquaient, tous, mais je savais que c'était mieux ainsi. J'avais fait trop de mal autour de moi, je leur avais fait trop de mal. C'était mieux pour eux si je ne faisais plus parti de leur vie.
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Magie Ancienne
FanfictionPersonne n'a eu de nouvelles de Sebastian depuis des mois. J'ai commencé ma sixième année à Poudlard avec Ominis mais ce n'est pas pareil sans lui... Malgré la douleur de son absence je dois tout mettre en œuvre pour aider Anne, pour la guérir de ce...