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Downtown, Portland, États-unis

                                       14h50

Je suis assise sur le lit dans l'une des chambres standard du Downtown Motel Warrnambool.
En temps normal, je n'aurais pas eu les moyens d'y séjourner, mais les économies que j'ai mises de côté depuis toutes ces années y ont contribué.
Je travaille depuis l'âge de 16 ans et l'argent que je gagnais chaque mois, je le divisais en deux.
Une partie pour moi et une autre partie pour mes économies que je cachais soigneusement dans une chaussette que je rangeais derrière le lavabo à l'abris des regards.

Je faisais des métiers de jeunes assez simple : serveuse dans des petits fast food, conteuse d'histoire pour les touts petits, garderie.

Ça n'a pas été sans difficulté.

Ma phobie sociale m'empêchait d'y prendre pleinement plaisir, j'étais très souvient anxieuse, timide, mal à l'aise mais j'avais besoin de cette argent. Je devais le faire, prendre sur moi pour pouvoir m'en sortir un jour et j'avais réussi.
Dans quelques heures, je serai dans un avion en première classe à destination de Los Angeles.

Première classe ? La classe non ? Et bah non !
J'ai dépensé une fortune dans cette place pour éviter d'être assis à côté d'autres personnes et pour ses privilèges.

Je ne suis pas arrogante ou prétentieuse, j'ai juste une phobie sociale extrême. J'ai peur de parler en public, peur d'être à côté de gens, peur de me perdre ou d'être angoissé quand la situation devient trop complexe. Peur d'être serrée dans les transports en communs et ne pas avoir le courage de me lever et sortir du wagon, peur de la vie en général.

Être en première classe, me permet d'avoir un chauffeur qui vient me chercher et qui m'amène directement à l'aéroport.
De là une hôtesse vient me chercher et m'amène dans la partie réservée au privilégié, ou j'attends qu'une seconde hôtesse vienne me chercher pour m'amener directement à bord de l'avion.

Je me lève, me dirige vers la fenêtre et regarde à travers celle-ci.
De la verdure, des arbres aux feuilles vertes, un vert menthe magnifique.
Des buissons taillés en parfait état, des fontaines avec de l'eau transparente rafraîchissante.
Des bancs municipaux bien entretenus sur lesquels certaines familles viennent s'asseoir pour discuter tout en regardant leurs enfants jouer entre eux.
Des chiens qui aboient, d'autres qui remuent leurs queues.
Des couples qui se prennent en photo devant ce cadre paradisiaque.

Je n'ai jamais connu cette sensation, celle d'être entourée, d'être aimée, d'être protégée, d'être comprise, d'être rassurée. Je n'ai jamais connu la joie d'aller à l'école, de raconter son week-end à ses amis, de faire des soirées pyjamas, d'être choisi au sport, de faire des sorties en groupe.
J'ai toujours été l'enfant rejetée, le bouc noir, l'invendu, celle dont personne ne veut, celle que personne ne comprend.

Mon départ pour Los Angeles est en partie à cause de mon passé.
Celle de victime contre le harcèlement scolaire et même les agressions sexuelles. Quand je regarde la ville de Downtown, je ne vois que les nombreuses larmes que j'ai versées, les nombreux cris d'appels de désespoir que j'ai hurlée en vain, les nombreuses tentatives de suicider, rater qui m'ont voulu encore plus de haine de ma famille.
Je n'ai jamais été heureuse ici. Maintenant que j'ai les moyens suffisants, l'âge requis et la mentalité acquise, j'ai décidé de m'en aller pour recommencer une nouvelle vie.

Pourquoi Los Angeles ? À vrai dire, je n'en sais rien. Ça a été comme une évidence, une lumière qui a jailli de mon esprit.

J'arrête de contempler le parc en face de moi et retourne m'asseoir sur le lit. Je devrais manger parce que dans quelques heures, je serai dans un avion, mais je n'ai pas faim. Je ne mange que très rarement. Une fois par jour, pour être plus précise. Lorsque tu as été injurier et moquer toute ta vie à cause de ton poids, tu mets tout en œuvre pour changer, quitte à te rendre malade par peur de retomber dedans.

La Mara SalvatruchaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant