𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝑽 - 𝑺𝒂𝒊𝒏𝒕-𝑻𝒓𝒐𝒑𝒆𝒛

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𝓐𝓵𝓮𝔁𝓮𝓲 🦋



Nul bruit n'osait percer l'atmosphère glaciale de l'immense terrasse placée sous rayons solaires. Assis d'une extrémité à l'autre de la table, Anastasia et moi terminions de déjeuner dans le silence.

La nuit passée ne quittait pas nos esprits encore chauds. Telle une gêne, elle perdurait en bloquant la conversation suffisamment fragile pour voler en éclats. Nos lunettes de soleil nous servaient de barrières : façades noires gommant l'humanité de l'un de l'autre.

Je m'adressais seulement au personnel. Ces derniers, assistant à ce médiocre spectacle, accouraient dès le moindre signe pour m'apporter de l'eau ou n'importe quel élément resté en cuisine. Les restes de vins de la nuit me donnaient mal à la tête... et ces pâtes aux gambas servies ce midi me filaient la nausée...

Un expresso était le maximum que je pouvais avaler.

L'un des commis de cuisine me le porta. Pourtant, aussitôt posé sur la table, je le repoussais avant de saisir mon verre d'eau avec amertume. Anastasia semblait, elle aussi, avoir perdu l'appétit. Les verres rivés sur la Méditerranée scintillante, elle fumait ses vogues en délaissant son plat dans un coin.

La tension nous entrainait avec elle comme une enclume lâchée en mer. Je souhaitais quitter la table, mais Sergeï, mon lieutenant, me retint en surgissant sur la mosaïque rosée de la terrasse. Il se hâtait avec l'un de ces airs sérieux ne le quittant pas.

La surface de son flingue à la ceinture brillait sous l'astre placé haut dans le ciel bleu. Il déposa une feuille sur la surface ocre de la table tandis que j'ôtais mes lunettes de soleil.

Voici la liste des invités pour l'ouverture du lounge demain soir. Tes oncles seront présents.

- Génial...

Je lâchais un soupir avec ironie. Tout comme mon géniteur, je les voyais déjà sur mon dos ; à l'affut du moindre problème et de la moindre remarque à faire.

Je présume qu'ils viennent tous ?

- Oui. Je viens d'avoir ton oncle Ivan, il quitte Istanbul dès ce soir.

- Il était surement en vacances avec sa putain... Décidément, c'est une mode qui touche toute la famille...

J'allumais ma clope en haussant le ton afin que ma femme entende cette pique.

Vient-elle avec lui ?

- Oui, il insiste.

- Super... Ça en ferra deux pour me reluquer à défaut de ma femme.

- Deux ?

Sergeï ne cachait pas son étonnement.

- Tu le verras par toi-même... C'est tout ?

- Non, tu dois me lister les invités qui auront accès au bar à cocaïne.

- Putain... J'ai pas la tête à ça, Sergeï...

- Il le faut. J'en ai besoin pour cet après-midi. C'est très important, ton père n'acceptera aucun écart.

- Tu ne m'apprends rien... Quoi d'autres ?

- Il faudrait passer jeter un oeil au lounge avant l'ouverture. Tu devrais aussi contacter les Boliviens. Nous n'avons plus de nouvelles de la marchandise depuis qu'elle a quittée La Paz en direction Brésil.

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