A contre-corps [Terminé]

Chapitre 6 - Violaine

Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il a disparu. Je sens encore la chaleur de ses lèvres sur les miennes, l'empreinte de ses doigts sur ma main. Main qui est retombée sur mon genoux quand il l'a lâché, trop vite pour que je l'anticipe. Et je remarque un petit papier, plié au milieu de mon poing, qu'il a glissé là subtilement. Je fonds une fois de plus devant cette curieuse façon de faire, ces sentiers détournés qu'il franchit pour tenter de m'atteindre sans même me connaître.

Il y a bien longtemps que l'on n'a plus cherché mon attention ainsi, et malgré les risques inconsidérés que je prends, cela me plaît. Je décide d'être moins raisonnable, plus ouverte.

Je glisse le petit papier dans ma poche, puis tente d'arranger mes cheveux et me calmer, pour ne pas avoir l'air d'une folle furieuse quand je vais redescendre bosser. Je suis heureuse de voir qu'il n'a pas essayé d'obtenir mon numéro pour me harceler comme la plupart des garçons — en jogging dans les rues souvent, et dont les compliments tournent aux insultes quand ils comprennent que nous ne nous leur accorderons pas notre attention — le veulent. Lui, il me fait confiance en me donnant son véritable numéro comme ça, sur une petite décharge d'énergie qui nous a traversé tous les deux, sans faire attention.

Bon, elle s'est reproduite aujourd'hui, mais...

Je ne m'attendais clairement pas à ça.

Je prends le chemin des escaliers, les jambes flageolantes et le cœur qui bat la chamade, et quand je retrouve Alma, elle pousse un sifflement que je ne sais pas identifier tout de suite. Puis je me rappelle qu'elle est Alma, et qu'après m'avoir vu disparaître avec un garçon qui semble s'intéresser à moi et tout faire pour que je le remarque — je suis d'accord cela fait peu de temps — elle s'imagine beaucoup de choses. Que je vais devoir rapidement démentir si je ne veux pas être ensevelie sous les hypothétiques abdos que j'aurais pu voir pendant ce laps de temps qui m'a pourtant semblé court.

— Soit il a fui en comprenant que tu t'appelais Violaine, soit vous avez emballé vraiment vite !

— Alma ! fis-je, en secouant la tête pour lui intimer de se taire, qu'on en parlera après.

Mais la grande blonde ne m'écoute pas, et ramène ses cheveux sur son épaule droite en me regardant par-dessous ses cils.

— Raconte, allez ! S'il ne s'est rien passé...

J'hésite, même si je lui fais confiance. Je pianote sur le rebord du comptoir sans rencontrer ses yeux avides d'en apprendre un peu plus, et elle me fait flancher quand elle fait la moue en joignant ses deux mains devant elle pour me supplier de lui dire. Il ne faut surtout pas qu'elle donne l'idée à Moona si je ne veux pas avoir de problèmes, dans quelques années. De un, ce sera ma fille et ça sera compliqué de lui résister juste pour ça, et de deux, si elle me fait cette tête-là, le débat sera clos avant d'être entamé.

— On a parlé. Il n'y a rien eu de...

— Quoi ? Tu me fais mariner pour rien ?

— Je n'ai rien dit, c'est toi qui te fais des films ! Avoue, tu avais encore Pretty Woman en tête ?