• 🌘 • Fuir pour survivre

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• J'ai le souffle coupé. À chaque inspiration, l'air me brûle les poumons. J'ai l'impression que mon coeur peut s'arrêter à tout moment à force de battre si rapidement dû à la vitesse de mes déplacements. Mes pieds hurlent de douleur à cause de la distance parcourue et du dénivelé escarpé. Mon dos est en train de me lâcher sous son poids. Je le sens de plus en plus lourd, son souffle dans mon cou de plus en plus lent, les battements de son coeur de plus en plus discret. Ma transpiration se mélange à tout ce sang s'écoulant de son abdomen, ses dernières forces sont en train de quitter son corps inerte. Ça ne peut pas se terminer ainsi ...

Comment en était-on arrivé là ? Dans cette forêt, au milieu de montagnes inconnues, traqués telles des proies. Pourtant, quelques heures plus tôt, nous nous trouvions en plein centre-ville pourchassant nous, les fuyards. Ce sentiment ne me plait guère mais je ne peux me résigner à l'abandonner pour faire face à mes prédateurs. Comment me regarder dans un miroirs ensuite, si je ne suis même pas capable de le sauver lui..

Mission de merde ..

Des échos se font entendre de plus en plus fort derrière moi. J'accélère de nouveau le rythme malgré le mécontentement de mon corps. Je dois vite trouver un endroit sûr pour au moins faire les premiers soins avant qu'il ne soit trop tard.

La pénombre commence à tomber. Je pense avoir mis assez de distance entre nous pour ralentir le pas et chercher un nid pour la nuit. Avant que l'obscurité ne nous envahisse, je déniche un petit ruisseau qui me mène à une caverne peu profonde. Je le dépose délicatement sur le sol et jette un oeil apeuré à sa plaie.. ouais..c'est laid..

Allant chercher de l'eau tout d'abord pour nettoyer tout ça, j'essaye de faire un bandage potable. Boire aussi, j'ai la gorge en feu. La chaleur de la journée commence à laisser place à une fraîcheur qui risque de piquer ardemment durant la nuit. Chose dangereuse pour un corps si faible que le sien. Je vais devoir maintenir sa température et la seule idée qui me vient en tête me gène grandement mais je vais ravaler ma fierté, c'est pas le moment de faire le gamin.

Je le prends donc délicatement et le place contre mon torse, enroulant mes bras autour de sa taille et mes jambes autour des siennes. Espérant ainsi ma propre chaleur sera  suffisante pour réchauffer son corps frêle et glacé comme si déjà, plus aucune vie n'y résidait. Encore un peu de patience et je jure de te sortir de là.

Le froid commence à mordre mes joues et la fatigue de ma fuite à embrumer mes pensées. Mais je dois rester éveillé, réfléchir et remettre en place les évènements de la journée pour essayer de trouver un échappatoire.

Une journée lambda dans ce job avec une mission contre des trafiquants de drogues hallucinogènes. Une taupe dans nos rangs entraînant un plantage totale. Un affrontement violent et sanglant engendrant beaucoup de blessés dans les deux camps. Mon corps réagissant seul lorsque je vois celui de mon mentor se faire transpercer d'une lame. La fuite comme seule solution pour le sauver. Course poursuite dans les ruelles. Puis d'un coup, une forêt à perte de vu. Le sang qui coule, les racines qui me tordent les chevilles et les hurlements de nos poursuivants toujours à nos trousses.

Je ne suis finalement pas plus avancé. Même complètement perdu. A croire que nous sommes passés dans un portail spatio-temporel... Réfléchissons plutôt à un plan de survie pour les jours à venir

Il faut absolument que demain je débusque un point haut pour pouvoir me diriger. Ou au moins suivre un cour d'eau.. Trouver de quoi manger aussi.. et .. Le sommeil m'emporte malgré moi..

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Un mouvement contre moi me réveille en sursaut. Je l'entends respirer lentement. Au moins, il respire. Me décalant, je le glisse lentement sur le sol. Il n'a pas l'air plus mal en point qu'hier. Alors je me décide prudemment à sortir de la caverne pour explorer les alentours et trouver un petit encas.

Merci papa de m'avoir emmené si jeune faire des campements en montagne et transmis ton savoir sur les plantes. Ça va nous sauver la vie.

Quelques baies et racines... triste récolte, mais on ne va pas se plaindre, cela sera assez nutritif pour tenir encore un peu. J'en mange quelques-une et commence à mâchouiller la racine pour en récolter la pulpe. Peu glamour mais c'est le seul moyen pour le nourrir. Je lui fais donc couler le jus dans la bouche avec un peu d'eau. Il déglutit avec beaucoup de mal mais cela passe.

Sur le départ, je le replace dans mon dos. Décidant de suivre le cour d'eau sur quelques kilomètres, je me dirigerai vers les hauteurs si cela ne me mène nul part.

Après plusieurs heures de marche, rien de plus que des paysages à couper le souffle dont je ne peux profiter à cause du contexte dans lequel nous nous trouvons tous deux. Une pause s'impose. Je dépose mon compagnon de voyage contre un tronc d'arbre et me dirige vers un ruisseau pour me désaltérer.

Soudain, je sens mes poils se dresser sur ma nuque. Des mouvements se font entendre dans mon dos, là où il se trouve contre l'arbre. Je me retourne lentement sur mes gardes et vois dans les buissons des dizaines de paires d'yeux nous observer.

Mon sang ne fait qu'un tour quand une bête géante sort des taillis. Crocs luisants, griffes crochues, pelage dru et gris comme la pierre, membres puissants et imposants, oreilles dressées, yeux brillants d'une lueur qui m'est étrangère, scrutant le moindre de mes gestes. Un loup comme je n'en avais jamais vu.

Ses mouvements sont lents et prudents. Il se dirige vers mon blessé. Sa truffe arrive au niveau de son abdomen, ce qui lui provoque un mouvement de recul, babines retroussées accompagnés de grognements. Ses compagnons de chasse sortent un à un pour eux aussi observer les intrus se trouvant sûrement sur leur territoire. Ils se dirigent tous dangereusement vers ce qui doit être leur chef. La panique me prend et je réagis au quart de tour pour venir me placer devant l'homme inconscient, voulant le protéger de ces bêtes sachant pertinemment qu'elles ne font que défendre leur terre.

Je reprends mes esprits lorsque l'énorme créature se met en mouvement. Lentement, elle se dirige vers nous. Lentement, je vois sa carrure se mouvoir dans une posture étrange. Lentement, ses crocs et ses griffes se rétractent.  Lentement, son pelage s'éclaircit. Lentement, son regard se pose sur moi. Lentement, naît en moi une incompréhension, une confusion, une stupéfaction intense mélangée à un étrange soulagement...

Est-on sorti de l'enfer ou n'y était-on pas encore rentré ? •

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• Embryon d'Alpha •Où les histoires vivent. Découvrez maintenant