• 🌖 • Notre terre

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• Dans la nuit si obscure, le ravin qui se rapproche à chacun de nos pas ressemble à une bouche béante prête à nous avaler au moindre faux pas.

Nous faisons un détour en amont pour pouvoir passer ensemble sur un amat de pierres. Arrivés à quelques mètres du camp ennemi, nous nous séparons en deux groupes. Le premier chargé de libérer toute les cages, et le second s'occupera des braconniers.

Cette fois, à pas de loup, comme traquant une proie dans une synchronisation parfaite, semblable à une chorégraphie structurée, nous venons encercler les tentes. J'envoie reptiles et rongeurs se glisser entre les interstices des toiles. Des hoquets étouffés s'élèvent déjà dans la nuit, les lumières artificielles commençant à illuminer le tissu. Je détache quelques loups et félins venir apposer leurs ombres terrifiantes contre la paroi des tentes. Un par un, les hommes sortent et comme je m'y attendais, la plupart sont déjà armés en passant le pas de la toile.

Je hurle au ralliement, formant rangs serrés, encerclant les braconniers peu rassurés. Grognements grondant dans la nuit, crocs et griffes luisant au clair de lune, sabot et corne s'entrechoquant dans un écho sinistre. Essayant d'éviter un affrontement inutile qui peut bien s'avérer mortel pour notre camp, je guette les moindres mouvements adverses, caché par la pénombre.

Avec une aisance surnaturelle, j'arrive à déceler les intentions des hommes au moment même où leurs corps se mettent à bouger. Je peux ainsi éviter à mes guerriers multiples blessures par balles ou armes blanches lancées dans la foule. Comportement qui énerve quelque peu les envahisseurs, ne comprenant pas comment "de simples animaux arrivent à prédire leurs actions".

Emportés par leur haine, certains se lancent dans le tas et tirent à tout va. Ce que je redoutais va se dérouler, un affrontement non équitable où je ne peux guère prédire les balles perdues. N'en pouvant plus de rester dans l'ombre, sentant Sombra s'impatienter et trépigner à chaque coups de feu, je bande mon arc et tire une première flèche dans une jambe ennemie. Dans un cri de douleur, je le vois paniquer et chercher du regard la source.

Mon lieutenant me guidant entre les arbres, je tire à multiples reprises dans le but d'empêcher les hommes d'attaquer, lâchant leurs armes dans la douleur et permettant ainsi aux miens d'approcher. S'ensuit alors un affrontement acharné, où le sang coule trop à mon goût. Avec un seul mot d'ordre que je leur répète en boucle, "pas de mort".

Au moment où les braconniers sont en position de faiblesse, j'intime Sombra à pousser un hurlement et à sortir des taillis, dévoilant enfin ma présence aux yeux ennemis. Ma meute s'immobilise, lançant une aura menaçante sur les hommes dont les yeux se fixent déjà sur moi. Avec une voix des plus terrifiante, me positionnant là où la lune ne reflète que mes ombres , je prends la parole tel un démon sortie de la nuit.

- Hommes, vous êtes ici chez nous ! Vous piétinez et détruisez notre liberté dans un but égoïste et sans fondement. Là n'est pas votre place, retournez d'où vous venez avant que la colère des cieux ne vous maudisse à jamais !

Et dans un hurlement lycan, j'invite toute ma meute à déverser leur rage à travers leur voix, montrant ainsi aux hommes qu'ils ont franchi une frontière qui leur était interdite. Leur odeur trahissant une terreur sans nom, je vois certains abandonner la partie, s'enfuyant sans aucun regard en arrière. Les plus téméraires essayant de placer un dernier geste, vite ravalé par un grognement résonnant dans la pénombre.

La température dans la petite clairière retombe rapidement, les dernières silhouettes de bipèdes se faisant engloutir par la nuit. Je sens en mes guerriers grandir des exclamations de joies. J'interviens avant que l'euphorie générale ne prenne le dessus.

- Ce n'est pas encore terminé. Nous devons nous assurer qu'ils quittent bien notre territoire et se dirigent vers le leur, le plus loin possible. S'assurer également de la libération de chaque créature. Ensuite nous pourrons nous réjouir de notre réussite

Le sérieux revient, chacun opinant de la tête.

- Mais sachez que je suis extrêmement fier de ce que vous avez accompli ici. Vous avez tous fait preuve de courage et de détermination. Ce qui nous a conduit à ce résultat tant espéré. Merci infiniment

Je m'incline pour appuyer mon remerciement, les yeux brillants.

- Je vais prendre avec moi trois guerriers loups ainsi qu'un guerrier puma et un guerrier cerf. Je laisse la direction du reste de la meute à mon lieutenant. On se retrouve tous au bassin lunaire lorsque la lune laissera sa place au soleil. Force à vous, que l'astre sacré vous protège

Après un contact affectueux avec Sombra, je me dirige vers ma patrouille de surveillance, demandant respectueusement au guerrier cerf de m'accepter sur son dos. Et nous nous dirigeons sur la piste des hommes. Après une bonne distance parcourue et les territoires loups quittés depuis quelques kilomètres, je repère les envahisseurs rassemblés en contre-bas d'un monticule rocheux.

Arrêtant la patrouille pour aller observer leur mouvements, je les vois attroupés autour de leurs véhicules laissés là près d'un chemin. Paniqués, leurs gestes saccadés, je les entends marmonner vengeance et colère. D'un tir de flèche, je leur indique notre présence, les yeux de mes guerriers luisant dans l'obscurité. Une vague de terreur s'empare d'eux, cette vision finissant d'achever le travail. Montant dans leurs véhicules à toute vitesse, ils démarrent en trombe pour emprunter le chemin.

Les suivants jusqu'à ce qu'ils atteignent une route en goudron, m'assurant ainsi qu'ils ne fassent pas demi-tour, je lance un dernier hurlement résonnant dans l'écho de la nuit, avant de faire demi-tour pour rejoindre notre meute. Traversant nos territoires jusqu'au point de ralliement, je découvre avec fierté la clairière du bassin lunaire rempli du peuple de la forêt. Sombra apparaissant déjà dans mon champ de vision, il vient enfouir sa tête dans mon cou. À mon plus grand bonheur, son odeur venant chatouiller mes narines. Tellement plaisant. Sa voix atteint doucement mes tympans.

- Tout s'est bien déroulé de notre côté, les cages sont vides mais la plupart ont subi quelques dégâts. Dommages collatéraux dirons-nous

Et son rire rauque emplit mon esprit de ce son si agréable. Après un dernier baiser sur son front, je me dirige devant le bassin lunaire pour prendre ma forme lycane et faire face aux miens.

- Peuple de la forêt, ce soir nous venons d'accomplir ensemble ce que tous pensaient impossible depuis des générations. Nous avons réussi à faire une trêve entre espèces dans le but de protéger notre terre, notre maison, celle qui nous nourrit et qui offre à nos petits épanouissement et apprentissage. Ensemble, nous avons repoussé celui qui voulait détruire notre équilibre et nous voler notre famille, nos amis, sans aucune vergogne. Vous ne pouvez savoir à quel point je suis fier d'être ici, parmi vous, d'avoir été choisi malgré moi pour la place à laquelle je me tiens. Un bonheur immense m'envahit à la vision qui se dessine sous mes yeux. Vous voir réunis en ce lieu sacré fait naître en moi cette flamme qui s'était éteinte depuis longtemps. Merci, merci !

Laissant un blanc me permettant d'évacuer le surplus de mes émotions, mon peuple en profite pour élever la voix et scander mon nom. Me remerciant, nous remerciant ainsi de la réussite de notre mission. Je reprends la parole plus sérieusement pour planifier la suite des évènements.

- Pour aujourd'hui, comme pour les lunes à venir, nous sommes tranquilles. Mais rien est dit qu'ils ne reviendront pas. Si le cas ce présente, nous devons nous tenir prêts, toujours, à défendre ce qui nous appartient de droit. Pour ce faire, je propose de mettre en place des frontières, que j'établirai, délimitant notre territoire à tous. J'aimerai également instaurer, à l'instar de l'assemblée du peuple loup, un rassemblement du peuple de la forêt où chaque représentant pourra évoquer un sujet si besoin. À la suite de ce regroupement, nous organiserons une patrouille regroupant un représentant de chaque peuple mené par mon lieutenant ou moi-même, pour vérifier le marquage ou le modifier au besoin. Qu'en pensez vous ? Cela vous paraît-il faisable ?

A la place d'une prise de parole, tout mon peuple s'incline donnant ainsi son accord. Alors, profitant de leur présence, je pousse un ultime hurlement, les incitant à me suivre pour clamer haut et fort

" Nous avons réussi à protéger notre terre " •

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• Embryon d'Alpha •Où les histoires vivent. Découvrez maintenant