Amnésie

Prologue

Je pensais voir une lumière blanche, signe de liberté, de paix. Mais ce n'est pas celle-ci qui m'éblouit quand j'ouvre les yeux. Loin de là, elle est aveuglante, déstabilisante et me force à émerger d'un sommeil que je souhaitais éternel.

— Mademoiselle Grey, est-ce que vous m'entendez? Une lumière plus jaune passe devant moi à plusieurs reprises et me force alors à grimacer, car elle est trop éblouissante. Mademoiselle Grey, vous êtes à l'hôpital, est ce que vous savez pourquoi vous êtes là ?

En d'autres termes, pourquoi j'en suis arrivée à vouloir me donner la mort ? Pourquoi suis-je aussi faible et que je ne souhaite pas en parler ? La raison est des plus simples, je suis obligée de me taire, de ne rien dire sous peine de souffrir.

— Ève, je suis là, tu peux en parler. Je perçois une autre voix, un contact chaud sur ma main et l'autre sur ma joue, mais rien ne sort. Je t'en prie.

— Monsieur, j'aimerais parler avec votre fille, je sais que ça peut être violent dit comme ça, mais nous avons observé chez certains patients que le dialogue est plus fluide quand c'est une personne tierce qui intervient, surtout après un choc important et le geste qu'elle a fait.

— J'ai failli la perdre, j'ai besoin de savoir qu'elle est ici, avec nous et pas ailleurs et je veux savoir par-dessus tout qui est le connard qui l'a poussé à commettre un tel acte. Ève regarde mon ange, veux-tu que je reste?

Je suis désolée papa, mais je n'ai plus la force de me battre, je dois fuir, oublier, devenir amnésique. Mais vous ne devez pas être au courant, c'est trop dangereux. Alors, je peux utiliser mon ultime source d'énergie pour lui dire non. Je sens alors le contact chaud de sa main quitter mon corps, et, maintenant, le froid l'emporte.

La porte se ferme et j'ai à présent plus de facilité à distinguer le médecin qui se trouve devant mon lit. Il le contourne et s'installe à mes côtés. Son regard se veut compréhensif, il ne me juge pas.

—Ève, les examens ont révélé plusieurs hématomes, des rougeurs, du sang et des griffures à certains endroits, il y avait également des marques de morsures et pour finir, ton hymen a été déchiré. Au vu des résultats sur les prélèvements, nous en avons conclu que le rapport n'était pas consenti, est-ce pour cela que tu as voulu mettre fin à tes jours ?

J'acquiesce.

Je suis faible, répugnante, une imposture.

— Veux-tu qu'on contacte les autorités ?

Je ne dis rien, tentant en vain d'oublier ce qui s'est passé, j'essaye de devenir amnésique, mais cela ne marche pas, je revois les images, son poids sur mon corps, ses mains qui descendaient bien trop bas.

— Personne ne doit savoir monsieur, je veux juste partir loin d'ici. réussis-je à dire, il me sourit faiblement avant de se lever ?

— Cela reste entre nous, mais sache que si un jour, tu souhaites porter plainte, les preuves resteront ici. Tu n'es pas seule Ève, je te crois. Mais avant tout, je pense que ton jumeau peut être mis au courant, c'est lui qui t'a trouvé et il t'a conduit jusqu'ici.

— Je le ferais.

Mensonge, personne ne doit savoir, c'est désormais mon avenir qui se joue et je ne dois pas flancher. Alors, à 47 heures de mon passé, de mes amis, de ma vie. Plus exactement à 3 108, 5 miles, c'est la distance que je dois m'imposer pour ne plus croiser mes démons, pour espérer rester en vie, pour devenir une nouvelle version de moi-même. Alors, oui, Boston est certes différent de la Californie, mais là-bas, j'ai mes deux frères, ils sauront m'aider. Je l'espère.