Chapitre 5

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J'ai peur. J'ai honte de me l'avouer mais c'est la stricte vérité, je peux le sentir dans chaque parcelle de mon corps, des pieds jusqu'à la tête. Cette dernière m'écrase la cage thoracique au point que je crains de ne plus pouvoir respirer. Je tente de me calmer, de réunir le peu de détermination en moi en cet instant et la changer en une volonté de fer. C'est malheureusement un échec. Mon cerveau en fusion tente de trouver une solution, mais il n'y en a pas. Ou plutôt, il n'y en a qu'une: affronter ses peurs et les vaincre, ou se faire humilier publiquement par la boxeuse qui avance vers soit, les yeux pleins de haine.

UNE DEMI HEURE PLUS TÔT

Je sens tous leurs regards tournés vers moi, et immanquablement je rougis. Putain de gênes à la con. Je foudroie des yeux les quelques uns qui ricanent. La présence de Seth à mes côtés me rassure seulement il ne tarde pas à aller vers eux, leur serrer la main et rire avec eux, comme s'il les connaissaient depuis toujours. C'est peut être le cas, j'en sais rien, en tout cas à présent je suis seule face à une horde de boxeurs qui me détaillent sous toutes les coutures. Mon regard croise celui du doyen, et je ne rate pas le sourire moqueur collé sur son visage. Mais le pire, c'est leur petits commentaires qui doivent tous être à mon propos, et que je ne peux pas entendre. Même Seth me dévisage à présent.

"Arrêtez les gars, vous mettez la demoiselle mal à l'aise"

C'est le doyen qui a parlé. La lueur de malice dans ses yeux affirme pourtant que le spectacle l'amuse.
La seule réaction qu'obtient la remarque est des sourires narquois et d'autres ricanements. C'est bon, je sais que je ne suis pas une des leurs, mais ça ne fait pas de moi une pigeonne.

"Ok, alors la rumeur est bien vraie, les boxeurs sont tous des légumes. Et encore, le terme est gentil pour vous les gars. Je vous ai trouvé impressionnants quand je suis entrée, à part toi qui étais en train de te faire éclater -je désignais alors le perdant du combat- mais maintenant je vous trouve pathétiques. Vous êtes bons qu'à taper dans des sacs en fait. Donc au lieu de me détailler des pieds à la tete, retournez-y."

C'était un coup de poker. Soit ça passe, soit ça casse. La suite prévoyait cependant d'être intéressante.

"Uuh"

"T'as pas ramené n'importe qui hein Seth"

"Ouais ça m'a l'air d'être une putain de casse couilles!"

"Moi j'aime bien quand elles se laissent pas faire..."

"Non toi t'es tordu c'est tout, elle vient de te traiter de légume et ça t'exites. T'aimes trop ça hein? Un peu comme quand je te cognes, ça te plait pas vrai Jimmy? "

J'observe celui qui a pris la parole avec attention. Je n'ai besoin que d'un coup d'œil pour savoir qu'il est l'un des plus craint et respecté du club, pour savoir que si je veux éviter les ennuis il faut que je l'évite lui. Il a les yeux fous, ceux des mecs violents. Il semble en surcharge constante d'énergie, et son rire carnassier résonne dans toute la pièce, se répercutant sur les murs gris du hangar. De tous les jeunes je le devine à la tête. Seth se manifeste enfin, les yeux rivés sur le garçon en question, tout son corps le defiant.

"Tu fais partie du lot de légumes Anthony"

De nouveau son rire de hyène envahit l'espace et je frissonne presque. J'ai bien dit presque.

"Qu'est ce qu'il se passe Seth, tu protèges tes petits camarades maintenant? Je t'ai connu moins mou... Tu veux qu'on se batte c'est ça? Souvient toi comme ça a terminé la dernière fois, c'était pas joli... Mais si c'est ce que tu veux, tu sais que je ne recule jamais devant un combat!"

Alors que Seth s'apprête à répondre, le vieux intervient.

"Ça sera pour plus tard les gars, n'oubliez pas que la demoiselle doit faire ses preuves, sinon c'est la porte"

Pardon? Mon sang se glace et je me tourne vers Seth, qui a le culot de me sourire.

"On pourrait la faire combattre avec Ted, c'est le seul autre débutant."tente-il

"C'est une possibilité en effet. Ted, t'en dis quoi?"

Je me retourne vers ce Ted pour découvrir avec soulagement que c'est le moins baraque de tous -ce qui ne l'empêche pas de faire le double de mon poids.

"Ouais, pourquoi pas."

Je sens qu'il n'est pas du genre à faire de cadeaux sous prétexte que je suis une fille. Et j'ai beau être en partie révoltée qu'on me force à me battre, l'autre partie a un frisson d'excitation qui lui remonte l'échine.

"Non, elle est pour moi. On a quelques comptes à se rendre, pas vrai Kara? La dernière fois j'ai pas eu le temps de te rendre la pareille, on nous a séparées trop tôt, mais la c'est différent..."

Bouche bée je fixe Karine, qui se tient devant une petite porte que je n'avais pas remarqué. Elle, ici? Un grand silence c'est fait dans la salle, et les têtes vont d'elle à moi, comme dans un match de tennis.

"C'est ridicule, Karine s'entraîne tous les jours depuis deux semaines, le combat est déséquilibré!"

"Te mêle pas de ça toi, c'est entre elle et moi! Et puis c'est pas comme si elle ne s'était jamais battue!"

"Elle n'est pas entraînée fait pas la traitre!!"

"Arrête Seth. Les règles s'appliquent à tout le monde, mais ton amie à le choix. Elle accepte le combat ou sors et ne remet plus les pieds ici."

"J'accepte"

J'accepte parce que je ne peux qu'accepter, sinon c'est l'humiliation. Sûrement le sentiment que je hais le plus au monde. Je rentre dans leur système vicieux tête baissée, et j'en ai conscience.
Je vis le reste comme un rêve, flou et disloqué. Ça doit être la pression. Mon cerveau n'assimile pas que Karine puisse être ici, et qu'on doive se battre à nouveau. Je me suis déjà battue, mais jamais en le préméditant et devant des personnes qui a la fin du combat auront une étiquette à me coller, bonne ou mauvaise. Plusieurs gars me conseillent, Seth me montre à la va vite quelques frappes efficaces, m'encourage. Je me contente de le regarder de travers et d'aller m'échauffer seule.

Nous y voilà. C'est maintenant qu'on voit de quoi tu es faites Kara.

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant