Chapitre 16

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Deux semaines ont passées. Le Boxing club est comme ma deuxième maison, et si l'ambiance entre Seth et moi est toujours aussi tendue -ni l'un ni l'autre ne voulons faire le premier pas- , je m'entend de mieux en mieux avec Anthony - ce qui ajoute à la colère de Seth à mon égard. On passe le clair de notre à se charrier, et c'est cette simplicité que j'aime.
Mais le prix pour ce bonheur que je ressens au club est celui des tensions avec Sarah. Je continue à voir elle et Loli, mais elle s'évertue à rester froide et distante. Pour l'instant je prend sur moi, mais viendra un moment on tout va exploser. J'ai besoin d'elles deux, c'est une certitude, mais à présent de la boxe aussi. Je ne veux pas faire de choix, mais Sarah est résolue à m'y pousser, et comme toujours quand elle eut quelque chose, elle ira jusqu'au bout.

Ce soir est le grand soir: j'ai décidé d'arrêter de repousser la revanche contre Karine. J'en tremble déjà mais je m'efforce de ne rien laisser paraître. Je ne pense pas être à son niveau, mais je compte sur la haine pour faire surface au bon moment pour une fois. Je ne sais pas si je pourrais remettre les pieds au club si je perd à nouveau. Raison de plus pour gagner.

"Il parait que c'est le grand jour?"me demande Neil.

"Ouais il paraît..."

"T'inquiètes, on est tous avec toi. Enfin moi en tout cas!"

Je lui sourit et le remercie, et il retourne auprès de Seth et des autres. Ce dernier me regarde, mais dès qu'il s'aperçoit que moi aussi, il détourne les yeux. Quel con.

"T'attends quoi pour aller voir Karine et lui dire que tu vas lui casser les dents? Tu te chies dessus ou quoi?"

Vous l'aurez deviné au vocabulaire soutenu et à l'élégance synthaxique: Anthony.

"Ta gueule, j'allais y aller avant d'apercevoir ta face de rat."

"Bien sur... C'est écrit sur ton front que t'as peur d'elle."

"Normal, t'as vu la tête qu'elle a! Mais j'ai pas peur de me battre contre elle par contre, loin de la"

"Prouve-le"

Grande inspiration, dix pas en avant. Arrêt devant Karine qui s'acharne sur un sac -chose très rassurante.

"C'est ce soir qu'on règle cette histoire. Combat avec gants, pieds et poings permis. Ça te va?"

Elle se retourne lentement et me lance un regard chargé de défi, accompagné d'un sourire dévoilant une rangée de dents tout sauf alignées.

"Et comment!"

"Parfait."

Alors que j'enfile mes gants, je sens une présence dans mon dos.

"Tu vas tout déchirer."

Je connais cette voix... c'est celle de Seth.

"Je pensais que t'allais jamais venir..."

"Ah mais ne crois pas que tu est pardonnée, je signe l'armistice uniquement le temps de ton combat!"lance-t-il fier de lui.

"Parfait." Je réplique en haussant les sourcils, le sourire jusqu'aux oreilles.

Je monte sur le ring, le cœur battant. Karine arrive à son tour, le regard fixé sur moi et j'y vois des images de mort à l'intérieur. Je tente de réguler ma respiration, de faire le vide. Disons qu'au moins j'aurais tenté.

Les premiers coups partent. Cette fois au moins, on aura pas fait attendre le public. Elle a le dessus. C'est pas flagrant mais je le sens, je suis trop sur la défensive pour pouvoir dominer. Le peur me broie les entrailles à présent, et je ne sais pas quoi faire pour que ça s'arrête. Est-ce qu'elle aussi, elle ressent ça? Une sonnerie retentit, et nous retournons chacune dans un coin du ring. Seth est là, et encore une fois j'ai honte. Je m'assois sur le petit tabouret et respire un grand coup, le regard droit devant devant moi. Puis Anthony déboule, et Seth qui se dirigeait vers moi change brusquement de trajectoire, le visage plus fermé que jamais. Mais je ne peux pas me permettre de m'en inquiéter pour le moment.

"Je peux savoir ce que t'attends?! Tu vas la laisser te fatiguer comme ça? Parce que c'est exactement ce qu'elle cherche à faire, et ensuite elle va te sortir une belle droite et tu te relèvera pas!"

"Je sais! Je sais c'est juste que..."

"C'est juste que rien du tout! Alors maintenant tu vas retourner sur le ring et rattraper la merde que tu viens de faire! Pour l'instant c'est elle qui mène la danse, à toi d'inverser les choses!"

Son discours me donne le coup de fouet qu'il fallait. Je regarde la foule amassée autour du ring, puis mon regard tombe sur celui qu'auparavant on appelait "Le Boucher".
Je suis en train de me ridiculiser. Je montre à tout ces hommes que je respecte que je ne suis pas à leur niveau, qu'il n'y a rien en moi d'unique.

La fin de la pause sonne, et cette fois je bondis. Et elle est de nouveau là, ma haine, amplifiée par sa vieille ennemie la honte. Je me remémore toutes les astuces que l'on m'a apprises, tous les coups et les différentes situations qu'ils demandent. Cette fois-ci je passe aussitôt à l'offensive, mais Karine n'est surprise que sur une courte durée. Elle réplique, mais je pare sans peine. À vrai dire, je me sens invincible. La douleur n'est plus désagréable, elle me réveille. La fatigue laisse place à l'adrénaline. Je poursuis avec un enchaînement de coups qui la déséquilibre légèrement. Galvanisée par les cris de la foule et la satisfaction ressentie, je ne retiens plus mes coups et la différence se fait sentir. Karine aussi se réveille et réplique en m'atteignant d'une droite au visage. Ma mâchoire est comme anesthésiée mais je ne m'y attarde pas, trop impatiente de pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce. Soudain, comme une lumière dans l'obscurité, je vois la faille qu'il me fallait. Le lacet de sa chaussure est détaché, et l'espace d'une seconde elle est déconcentrée. J'aurais pu hésiter. J'aurais pu la laisser attacher ses chaussures et gentiment continuer le combat. Mais c'est pas comme ça que ça marche ici. Au Boxing club, tous les coups sont permis.
Alors j'ai puisé dans mes forces et lui ai mis mon plus beau crochet.

Anger my dear friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant